Les exploitants de VLS ont changé de braquet
Si le modèle dominant est celui du couplage vélos + pub, avec à ce jour 18 des 28 systèmes de VLS existants, il a depuis peu plusieurs concurrents. Notamment celui des groupes de transport Effia : le groupe SNCF a senti un besoin émerger…
C’est la filiale de la SNCF qui s’est distinguée la première. En 2007, elle décroche le marché d’Orléans, une DSP vélo de dix ans pour 350 petites reines et 28 stations. « La SNCF a remarqué qu’il y avait une demande des collectivités pour une offre découplée des marchés de mobilier urbain et du marché publicitaire », rappelle Laurent Offroy, directeur général d’Effia Transport. Vélo+ démarre en juin 2007, quelque temps avant Vélib’. « C’est une prestation vendue à l’agglo d’Orléans : elle nous reverse un forfait d’exploitation mensuel. » Forfait dont Effia préfère taire le montant. Bien avant la fusion de janvier avec Keolis, s’élabore alors une stratégie : l’offre VLS est proposée en complément de l’offre de transports en commun de Keolis. Keolis se charge de la commercialisation, mais la mise en œuvre du produit (conçu avec une PME qui reste propriétaire du système) est sous-traitée à Effia.
… et c’est Keolis qui le commercialise
Contrat-phare pour le tandem, celui de la CUB, qui le place d’emblée comme second opérateur derrière Decaux en France. Avec une première : le contrat fait partie de la DSP transports. Cinq ans pour gérer et rentabiliser les 1 545 VCub disposés dans 139 stations (99 sur la commune de Bordeaux et 40 en banlieue), pour un montant officiellement affiché par la CUB, tout à fait raisonnable, de 1 100 euros par vélo et par an. Un chiffre sous-estimé, selon Effia : « Selon les services et la taille du réseau, il faut compter de 2 000 à 3 000 euros, assure en effet Laurent Offroy. Car les moyens humains et matériels sont très coûteux. » Soit, selon Etienne Fougeray, directeur général adjoint de Keolis, directeur stratégie, marketing, offre et service, « un coût net, une fois les recettes utilisateurs encaissées, qui va de 1 500 euros pour un gros parc à 2 500 euros pour une centaine de vélos ». Coûteux aussi le vandalisme, que les opérateurs intègrent à leur modèle économique. Ainsi, à Bordeaux, c’est « un taux de renouvellement pour usure, vol et vandalisme de 25 %, soit un renouvellement complet du parc sur la durée du contrat », précise-t-il. Le tandem Effia-Keolis est aussi présent à Rennes (DSP pour 900 vélos et 1 250 à terme vélo) où il a détrôné Clear Channel et à Montélimar (une station de 20 vélos depuis avril).
En projet, les VLS de Pau (240 vélos, 20 stations) et de Laval (100 vélos, 10 stations) dans le cadre du renouvellement de la DSP transports. « Les petites villes s’y mettent, il y a un effet de mode », note Etienne Fougeray. Pour l’instant, dans les contrats signés, c’est Keolis qui prend en charge le vandalisme, « mais cela peut évoluer un jour… », poursuit-il. Sans doute si l’affaire se révélait ruineuse. A Rennes, au lancement, le vol de Vélostar était un sport local. Le groupe a été contraint de renforcer son système d’attache aux « bornettes ». Mais il insiste sur « la transparence des coûts et des recettes vis-à-vis de l’AO qui trouve tout dans le rapport annuel du délégataire (un document obligatoire, ndlr) ». Il ajoute : « On s’engage sur les recettes et la fréquentation, c’est donc notre intérêt de faire tourner les vélos. »
Le groupe pourrait-il envisager de cibler une DSP vélo dans une ville où il n’opère pas les bus et tram ? « Nous ne sommes pas tentés du tout par une offre de vélo sec, assure Etienne Fougeray. En proposant une offre intégrée, nous offrons des synergies – carte billettique, personnel à disposition… –, donc un coût moindre. » Keolis promet même d’intégrer le vélo à ses moteurs de recherche d’itinéraires. Réponse discordante du côté d’Effia : « C’est tout à fait envisageable si c’est pour mettre un pied sur un territoire cible ! Car le vélo seul n’a pas d’intérêt économique. » Keolis-Effia viennent d’ailleurs de remettre une offre pour le marché des VLS de Gand, un cheval de Troie en Belgique !
Transdev, de la souplesse et de la complémentarité
Le candidat vainqueur à Strasbourg a déjà derrière lui déjà trois ans et demi d’expérience. Son premier succès à Chalon-sur-Saône (voir page 33) date de fin 2007, il le doit à son alliance avec « Call a Bike », développé par DB Rent (filiale de la DB). Le nom commercial trouvé à l’époque, « Allô cyclo », est en train de péricliter tout doucement… Motif : « Comme les VLS de JCDecaux ont été lancés avant, ils ont impacté le marché, et leur modèle est la tendance dominante », analyse Raphaël Murat, chef de produit modes doux et vélo chez Transdev. Exit les structures ultralégères, même si le groupe a gardé le principe de la station qui se déplace facilement et de l’interface accessible par téléphone. Aujourd’hui, c’est en partenariat avec Smoove, une PME montpelliéraine qui a développé les stations, que Transdev propose ses services sous la marque ombrelle Vélomagg. Une offre mêlant du VLS, de la location longue et courte durées et des places de stationnement sécurisées en Véloparc (200 vélos à Montpellier, 1 200 Métrovélos à Grenoble). Plus récents, les 200 Vélopop d’Avignon et les 160 Libevelo de Valence. « L’outil back-office permet de gérer l’ensemble de la gamme vélos », souligne le responsable. Qui se vante par ailleurs d’un « très faible taux de vandalisme, de 3 % par an. » Les tarifs sont parmi les plus compétitifs du marché. Exemple, Avignon, malgré sa taille modeste, reviendrait à « 400 000 euros, soit 2 000 euros par vélo et par an ». A Montpellier, une enquête montre qu’avec 4 à 5 rotations de VLS par jour et 2,8 locations par jour (sur le service courte et longue durées), le prix tombe à « 700 euros par an par vélo géré ». Quelques astuces commerciales – un bonus si l’on rapporte le vélo à son point de départ ou en haut d’une butte, par exemple – permettent aussi de faire des économies sur la régulation.
Veolia crée une filiale vélo
Parti plus tard, il y a à peine plus de deux ans, le géant des transports a créé Véloway, une filiale dédiée au VLS, rien de moins. Elle occupe une dizaine de personnes en France et au Royaume-Uni (pour les vélos de Cardiff). Il ne lui a fallu qu’un an pour obtenir ses premiers succès : à Nice (1 750 vélos dans 175 stations pour 15 ans) et à Vannes (180 vélos, 20 stations, 8 ans), dans le cadre de contrats de DSP séparés, bien que Veolia exploite les transports urbains des deux agglos. En projet : Vél’in pour l’agglomération de Calais (160 vélos, 18 stations en juillet), et Rochefort à la fin de l’année, cette fois dans le cadre de la DSP transports. Formule proposée : le « tout-compris » (investissement, exploitation et maintenance), impliquant une durée de contrat d’au moins sept à huit ans garantissant l’amortissement. « Notre solution est entièrement modulaire, donc, quel que soit le nombre d’emplacements de stationnement, le coût au vélo est toujours le même », signale David Josephson, directeur général de Véloway. Fourchette avancée : entre 1 500 et 3 000 euros par an et par vélo. « La collectivité fixe la tarification pour le public et, en fonction de ces recettes, elle couvre la différence entre coûts et recettes sur les utilisations, explique-t-il. Il y a autant de clauses de partage des risques que de contrats ! » Il insiste aussi sur l’aspect masse critique et densité de la ville, susceptible d’assurer le succès commercial. Comme ses concurrents, Veolia affronte le vandalisme et a déjà renforcé son infrastructure. Fidèle à son habitude, le groupe s’est déjà installé à l’étranger, au Pays de Galles donc, mais aussi sur un campus de Chicago depuis 2008.
Cécile NANGERONI
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