Un téléphérique pour desservir l'île de Nantes ?
Des cabines par-dessus la Loire plutôt qu?un nouveau pont. Nantes étudie la question, poussée par ses élus d?opposition « Sur le transport par câble, les candidats d’Europe Ecologie ne sont pas encore descendus de la montagne. » Isabelle Loirat, élue MoDem, a continué de se battre pendant la campagne des régionales. Elle veut du transport par câble à Nantes. Il y a deux ans, les centristes avaient fait irruption dans la campagne des municipales en lançant l’idée d’un téléphérique pour relier la butte de Chantenay au bout de l’île de Nantes. Ils n’ont pas remporté la mairie mais, depuis, leur projet n’est plus ignoré. Le maire PS, Jean-Marc Ayrault, a demandé à ces opposants un peu bruyants de venir lui parler de leur projet dans son bureau. Il n’a pas rejeté l’idée. Nantes étudie la possibilité d’avoir recours à la technologie du « transport par câble ». Le directeur des transports de Nantes Métropole remettra son rapport avant l’été.
Pour Isabelle Loirat, l’objectif est précis : « Nous proposons d’utiliser le transport par câble pour désenclaver l’île de Nantes. Qu’en ligne droite un tramway aérien de 3,5 à 4 km parte de la ligne de tramway n° 1 sur la rive droite de la Loire, desserve l’extrémité de l’île de Nantes, puis poursuive son chemin en ligne droite jusqu’à la ligne de tramway n° 3 sur la rive gauche. » Un projet d’autant plus crédible selon elle que l’île de Nantes est un quartier en plein développement, amené à se densifier fortement. Il est désigné pour devenir le centre de la ville dans les vingt ans. Depuis dix ans déjà, le plan de déplacement urbain prévoit d’y installer un nouvel « axe de transport public lourd ».
Alors que, pour le moment, les responsables de la ville n’évoquent qu’à contrecœur tout investissement lourd pour cause de tour de vis financier, Isabelle Loirat met plus que jamais en avant les économies envisageables grâce au transport par câble. « Le coût de notre ligne ? 20 millions d’euros en tout, moins qu’un kilomètre de tramway ! » Ce tramway aérien résoudrait une autre question lancinante, souvent posée à l’ouest de la ville : celle de nouveaux ponts. L’un d’eux est envisagé au bout de l’île de Nantes pour permettre à la future ligne 5 de passer rive droite. On imagine même le tramway jouer les livreurs dès potron-minet. C’est sur l’île de Nantes que la SNCF possède sa gare de fret régionale. C’est à partir d’elle que les spécialistes de logistique continuent de penser à approvisionner la ville en marchandises à l’aide de, pourquoi pas ? trams-cargos. Pour Isabelle Loirat, le tramway aérien peut très bien, lui aussi, être utilisé au transport de fret. La nuit, par exemple. Mais l’essentiel de son projet de tramway aérien est destiné aux voyageurs. « Construire un pont coûterait de toutes façons beaucoup plus cher. Quant à espérer y faire passer un tramway, alors qu’il devrait aussi laisser passer les bateaux en dessous, autant l’oublier tout de suite. Trop de pente pour un tramway sur le pont et même avant », conclut Isabelle Loirat.
Son idée n’est pas cependant de trancher les problèmes techniques. « C’est aux services de la ville de le faire. La seule chose que je veux, c’est que l’hypothèse du transport par câble soit examinée. La Loti exige que toutes les possibilités techniques soient envisagées quand on décide d’un nouveau moyen de transport. » En opposante convaincue au maire socialiste de Nantes, elle suggère que le raccordement des deux lignes de tramway 1 et 2, au nord de la ville, par un nouveau barreau de tramway passant au-dessus d’une rivière, dès l’an prochain, « aurait pu être fait à moindre coût en transport par câble ». Dans les bureaux de Nantes Métropole, on n’en est pas du tout sûr. Eric Chevalier, directeur des transports, fait la tournée des constructeurs européens du transport par câble. Une mission exploratoire au terme de laquelle il déterminera si la technologie peut s’appliquer à Nantes.
« Les fabricants insistent sur les stricts critères de pertinence de leur technologie. Ils ne la considèrent performante que pour résoudre un problème insoluble pour les autres : le franchissement d’une rivière, d’une vallée, de grosses infrastructures préexistantes comme des autoroutes ou un urbanisme sans espace au sol. Ou encore en cas de rabattement compliqué entre une source de flux importants comme une université et une ligne de transport. Encore faut-il que ce rabattement se fasse en ligne droite. Du cabotage entre plusieurs stations avec l’obligation de faire changer les câbles de direction augmente de beaucoup le coût global », explique Eric Chevalier.
En cours de discussion, Eric Chevalier soumet le cas de Nantes aux constructeurs. La Loire, ses affluents constituent des obstacles objectifs. Mais la mise en place d’un transport par télécabines doit toujours être soigneusement comparée avec les avantages de la construction d’un pont. Il faut aussi que les utilisateurs potentiels du transport par câble acceptent de voyager « suspendus à un fil ». Un pont transbordeur a fonctionné à Nantes de 1903 à 1955. Il amenait les ouvriers des chantiers navals sur l’île de Nantes chaque matin, les ramenait le soir. Certains rêvent même de le ressusciter.
Hubert HEULOT
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