Vincent Feltesse, président de la CUB : « La politique de transports collectifs ne suffira pas »
Très étendue, avec une population peu densifiée, Bordeaux a plus de mal que ses consœurs à faire prospérer ses transports en commun. Le président de la communauté urbaine de Bordeaux (CUB) nous livre sa vision des politiques de mobilité. Ville, Rail & Transports : Malgré tous vos efforts pour développer les transports en commun, on a l’impression que, comparativement aux autres grandes agglomérations françaises, Bordeaux a toujours du retard dans ce domaine. Pensez-vous pouvoir rattraper ce retard ?
Vincent Feltesse : Il y a un constat géographique de base contre lequel il est difficile de lutter, c’est celui de l’étalement urbain plus important qu’ailleurs dans l’agglomération bordelaise. Nous avons le même territoire que le Grand Lyon avec deux fois moins de population. La faible densité et l’absence de frontières naturelles nous pénalisent pas mal. Nous avons par ailleurs souffert d’un manque de volontarisme politique pendant des décennies. Imaginez, on construit encore des ponts à Bordeaux ! Toutes les agglos de France l’ont fait depuis trente ans, chez nous, c’est encore à faire. On a du mal à rattraper ces cinq à quinze années de retard qui sont en partie imputable à l’histoire du Val [NDLR : entre 1970 et 1990, le débat entre métro et tram et l’opposition de Jacques Chaban-Delmas à cette dernière solution a sclérosé l’évolution des TCSP à Bordeaux]. Cela dit, depuis le milieu des années 90, on a essayé de mener une politique de transport en commun plus ambitieuse avec notamment les trois lignes de tramway, et maintenant avec une nouvelle ambition de 33 km de tram et de tram-train. On a par ailleurs beaucoup travaillé sur les modes doux et sur le bus. Avec la nouvelle DSP, nous avons pour ambition d’augmenter en cinq ans de 50 % le nombre de voyageurs. Après un an, même s’il y a eu un retournement de conjoncture, on est déjà à près à + 10 %, ce qui n’est pas si mal.
VR&T : L’action sur les transports collectifs est-elle suffisante pour faire de l’agglomération de Bordeaux un véritable espace de mobilité durable ?
V. F. : On investit beaucoup dans le transport collectif : la troisième phase du tramway, c’est 800 millions d’euros. Malgré tout cela, il y a le constat que la voiture existe toujours. Malgré ce volontarisme, pour tenir nos objectifs de réduction d’émission de CO2, la politique de transports collectifs ne suffira pas. Ce n’est pas en ajoutant du tramway partout que l’on va faire basculer les choses. Évidemment, dans l’hypercentre de Bordeaux, la part modale du vélo est de 18 %, mais quand vous avez une agglomération étendue comme la nôtre, il faut jouer sur tous les autres leviers : l’habitat, mais aussi le déplacement automobile « nouvelle formule ». L’automobile, on peut aussi faire en sorte qu’elle devienne un moyen de transport collectif, c’est un des enjeux des années qui viennent. Quand je dis que je suis ouvert au péage urbain, c’est pour provoquer le débat. C’est un bon moyen de réintroduire la question de l’automobile par rapport à la problématiques du développement durable. Il faut que l’on invente des formes plus adaptées de mobilité. La mutualisation est l’enjeu des années qui viennent : comment être quatre et non plus un seul par voiture, comment faire en sorte de mutualiser les espaces des parkings, par exemple, entre des bureaux, un complexe de cinéma et un centre commercial ? Par ailleurs, il faut mettre en place une stratégie de mobilité complète avec tous les acteurs et une ouverture intellectuelle la plus large possible. A Bordeaux, on essaye d’articuler toutes les politiques emploi, habitat, déplacements, nature.
VR&T : Pensez-vous qu’il faille partager la gouvernance des transports ?
V. F. : Je suis prêt à tout. Je n’ai aucun a priori sur ce sujet. Je déteste ce travers français qui est de commencer à se battre sur l’outil avant d’avoir défini une stratégie. Je pousse pour que l’on ait des rencontres régulières entre AOT, ce qui est de plus en plus le cas, au niveau politique ou à celui des services. Après, pourquoi ne pas mettre comme à Toulouse les services des trois AOT dans le même immeuble pour qu’il y ait un effet « machine à café ». J’avais suggéré lors du débat sur la réforme territoriale qu’il fallait une intégration des AOT pour que l’on trouve au moins un avantage au statut métropolitain.
Propos recueillis par Guillaume LEBORGNE
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