UITP 2013 : des solutions pour les transports par temps de crise
30 Mai 2013
Mis à jour le 23 mai 2017
C’est au Palexpo de Genève que s’est tenue l’édition 2013 du congrès de l’UITP, qui, comme tous les deux ans, est associé à une exposition présentant les dernières nouveautés mondiales en matière de transports publics, des véhicules aux services aux voyageurs, en passant par l’ingénierie ou la billettique. Comme tombée du ciel, une immense horloge des CFF plantée au milieu du salon donnait sa teinte locale au congrès de l’UITP (Union internationale des transports publics) 2013. Les dirigeants du transport public et de l’industrie se sont réunis fin mai à Genève, proche des bases européennes de l’association. La dernière édition s’était tenue à Dubaï, et celle de 2017 se tiendra à Toronto.
L’UITP se rappelle parfois à son « I » de International, et va planter sa tente ailleurs dans le monde, faisant chuter son audience et grincer les dents des professionnels du Vieux Continent, qui jugent que c’est d’abord en Europe que se situent les enjeux de cette réunion sectorielle (320 exposants et plus de 10 000 congressistes cette année).
Rassemblé autour du nouveau président de l’UITP, Peter Hendy (TfL), et de Pierre Mongin (RATP), le groupe des grandes métropoles a d’ailleurs fait valoir qu’investir dans les transports publics en Europe, et donc soutenir l’industrie, lui semblait le meilleur moyen de lutter contre la crise : « Comment voulez-vous que nos industries soient compétitives à l’export si elles ne peuvent exercer leur excellence à domicile. Faute de commandes sur son marché domestique, l’industrie disparaît, c’est ce qui s’est passé en Grande-Bretagne », a-t-il indiqué.
Les sources de financement des transports publics doivent être « stables, prévisibles, sûres et transparentes », a détaillé le secrétaire général de l’UITP, Alain Flausch, qui a exhorté les autorités urbaines à diversifier leurs formes de financement (captation des plus-values foncières, congestion charge, parkings…) pour éviter la banqueroute quand, comme au Portugal, le support de l’Etat se rétracte. « Il faut s’inspirer du travail sur la gestion de ressources effectué dans d’autres secteurs comme l’aérien, l’hôtellerie ou la grande vitesse ferroviaire a suggéré Giampaolo Codeluppi, du cabinet de conseil Arthur D. Little, les collectivités locales ont investi dans de magnifiques outils billettiques mais elles n’en tirent pas la quintessence, alors qu’elles pourraient travailler sur des tarifications modulées suivant les heures de la journée. » Et surtout proposer à leur clientèle d’autres prestations à plus forte marge, en plus du service de transports publics. « A Tokyo, où les transports sont bénéficiaires de 6 %, ajoute Philippe Crist, de l’International Transport Forum, ce sont les activités annexes, magasins, hôtels, restaurants ou services, qui apportent la majorité de ses revenus au système de transports. »
Dans ce climat où chaque euro est compté, les industriels européens se sont mis au diapason. Faute de pouvoir rivaliser sur le low-cost, ils proposent des solutions économiques sur la durée de vie du produit. A Bâle « le nouveau tram Bombardier fera économiser 100 000 francs suisses par rapport à ce que proposaient les concurrents », a affirmé Jürg Baumgartner, le directeur des transports. Côté Alstom, c’est le directeur des transports de Lille Métropole, Yves Baesen, qui était appelé à la barre pour témoigner de l’intérêt des nouvelles solutions de signalisation métro Urbalis développées par Alstom. Là aussi, ce n’est pas le prix de vente, mais le « life cycle cost » qui a fait la différence.
Si la Suisse a la réputation – justifiée – d’être un « paradis » des transports publics, dont l’usage est encouragé par la distribution de billets de libre circulation gratuits aux clients des hôtels, le moyen de transport le plus rapide pour relier le centre de Genève et le Palexpo, établi à proximité immédiate de l’aéroport international, est de prendre… les trains grandes lignes ou régionaux des CFF, qui ont leur terminus à la gare de l’aéroport. A certaines heures, ce dernier était relié au Palexpo voisin par « le premier bus 100 % électrique de grande capacité du monde » : le Tosa, qui en soi était pour certains visiteurs le premier contact avec le salon.
Avant même d’entrer dans les deux grands halls d’exposition, le visiteur se retrouvait nez à nez avec un véhicule peu banal planté au milieu d’un écrin de verdure : le tramway de Tours (ou du moins un tronçon de ce dernier), dont le projet fut présenté par le maire de Tours, Jean Germain, comme « un dialogue entre les transports et la ville ». Si, comme de nombreuses villes d’Europe, Genève a redécouvert le tram au point de reconstruire son réseau, le trolleybus reste ici une valeur sûre, comme le montre le véhicule articulé à l’honneur au stand Van Hool. Chez le concurrent suisse Hess, le trolleybus articulé destiné au réseau de Limoges faisait presque « basique » par comparaison !
Au fond, le trolleybus est la forme la plus classique du bus électrique, mais aussi celle exigeant les installations les plus lourdes. D’autres formes plus autonomes de bus électriques ont fait leur apparition ces dernières années. Si les véhicules hybrides étaient présents en nombre l’an dernier au salon de Paris, la dernière tendance genevoise était le tout-électrique. Simple mode ou évolution irréversible ? Toujours est-il que les programmes de recherche européens sont pour l’instant les bienvenus ! Reste le problème fondamental des bus électriques : le stockage d’énergie. Problème quasi rédhibitoire en parcours interurbain ; pour Car Postal, la solution est alors le Mercedes Citaro à pile à combustible.
En ville, en revanche, les distances sont suffisamment courtes et les arrêts suffisamment fréquents pour mettre en œuvre des batteries de dimension réduite : quelques secondes de biberonnage en connectant son pantographe à l’équipement prévu à cet effet, et le Tosa était prêt à repartir de Palexpo à l’aéroport. NTL (Translohr) travaille aussi sur une solution dans ce domaine, le Wipost, qui pourrait aussi être déployée chez Alstom. Des systèmes de recharge par contact en toiture étaient également proposés par Volvo sur un véhicule en service dans l’ouest de la Suède, ou par le chinois Youngman. Avec à chaque fois des solutions différentes, avec des pantographes de toutes formes et de toutes dimensions. En opposition, Bombardier proposait sa technique Primove, testée à l’origine sous les tramways comme alimentation par le sol, mais désormais expérimentée en service régulier dans les villes pour recharger, sans contact, les batteries de bus électriques.
Par rapport au bus, électrique ou non, le BHNS est censé apporter un « plus » qualitatif et quantitatif. Les futurs voyageurs du Mettis de Metz devraient apprécier son véhicule de grande capacité présenté par Van Hool en livrée bleue (le parc se présentera sous quatre couleurs différentes). Mais le « plus » est également… financier ! A quelque 20 millions d’euros du kilomètre, le BHNS messin revient plus cher que certains trams. Constructeur du matériel roulant de Besançon, CAF a dévoilé à Genève, avec Vinci, une solution clés en main de tram pour 11 à 13 millions d’euros par kilomètre nommée Nextram. Comme le BHNS, Nextram est avant tout un moyen de transport plutôt qu’un outil de réaménagement urbain. Et comme le BHNS, ce tram est unidirectionnel, permettant ainsi de transporter plus de voyageurs à longueur égale. Enfin, tout en proposant une largeur de caisse de 2,3 m, Nextram revient à l’écartement métrique, pour les mêmes raisons que celles qui ont fait son succès il y a plus d’un siècle : emprise au sol réduite, d’où infrastructure à coût réduit. Et NTL, qui présentait à Genève son concept Prime, un Translohr unidirectionnel, se place sur ce même créneau, avec sa solution sur pneus. Constructeurs de bus et de trams s’affrontent à la croisée de leur zone de pertinence. Pour les villes, l’offre n’a jamais été aussi vaste.
Patrick LAVAL et Guillaume LEBORGNE