Anne Hidalgo vient de lancer un pavé dans la mare, en demandant que soit étudiée la gratuité dans les transports à Paris. Trois de ses adjoints, Christophe Najdovski (écologiste, Transports), Jean-Louis Missika (socialiste, Développement économique), et Emmanuel Grégoire (socialiste, Finances), sont chargés de piloter une étude à laquelle seront associés des experts français et étrangers, ainsi que les groupes politiques du Conseil de Paris. Anne Hidalgo entend, « sans a priori et sans dogmatisme », « objectiver le débat, en particulier en analysant s’il existe un modèle économique viable ».
Le communiqué de la maire se réfère à certains exemples européens. Le gouvernement allemand a proposé en février d’étudier la mise en place de la gratuité dans cinq villes : Essen (600 000 habitants), Bonn (300 000 habitants), Mannheim (300 000 habitants) et, plus petites encore, Reutlingen et Herrenberg. A Tallinn, en Estonie (450 000 habitants), la gratuité est en place depuis 2013. Mais, reconnaît la mairie, « aucune agglomération de la taille de Paris n’a mis en place à ce jour un tel dispositif ».
Or, « la gratuité pour l’usager implique forcément d’identifier d’autres sources de financement ». De ce fait, Anne Hidalgo, jusqu’à présent opposée au péage urbain, a avancé ce matin sur France Bleu que, « si le péage vient financer la gratuité des transports, il devient non pas un élément de discrimination sociale, mais au contraire un élément qui peut accompagner ».
Interrogée sur la proposition de la maire de Paris, Valérie Pécresse, en visite ce matin sur le chantier de prolongement du métro de la ligne 4, dont le génie civil est achevé, se dit « ouverte à toute proposition » mais pose « deux conditions ». L’une, que « les trois milliards d’euros de recettes apportés par les tickets et le passe Navigo soient compensés à l’euro près ». L’autre, qu’il n’y ait « pas de discrimination » entre Parisiens et banlieusards. Propos du péage, la présidente du Conseil régional rappelle qu’elle est favorable à une «taxe sur les poids lourds entrant en Ile de France, mais que celle-ci, selon les études devrait rapporter environ 100 millions d’euros pas an ». Loin des 3 milliard de recettes à compenser. Et elle refuse catégoriquement un péage au sein de la région, pour entrer dans le cœur de l’agglomération : ce serait, dit-elle, de la « discrimination entre riches et pauvres ».
Pour l’AUT-IDF, association d’usagers réservée sur le sujet de la gratuité, l’urgence, c’est « l’amélioration des services, la résolution d’impasses financières, à la fois dans le Grand Paris et dans le CPER », nous dit son président, Marc Pélissier. Pas vraiment le moment de se priver de recettes. L’association considère de plus – position partagée par la plupart des professionnels – que la gratuité convient bien à de petits réseaux.
La proposition d’Anne Hidalgo a été reçue comme une annonce politicienne par Emmanuel Griveaux, dans la perspective des municipales de 2020. Le porte-parole du gouvernement, très souvent donné comme futur candidat de La République en marche à la mairie de Paris, refuse de parler de candidature mais dit que LREM aura un « projet ». Clairement pas celui d’Anne Hidalgo. Rappelant qu’il faudra quoi qu’il en soit financer les services de transports, Benjamin Grivaux a conseillé à Anne Hidalgo de s’adresser au Stif [Ile-de-France Mobilités], compétent en la matière. De fait, les mesures tarifaires prises par un département doivent avoir l’aval d’Ile-de-France Mobilités.
La proposition d’Anne Hidalgo est présentée alors que ce mardi le Conseil de Paris doit adopter la gratuité des transports pour les personnes de plus de 65 ans, sous conditions de ressources (plafond de 2 200 euros). Cette mesure intervient après l’adoption du demi-tarif pour tous les seniors du Val-de-Marne, en vigueur depuis le 1er janvier 2018. On dit que Valérie Pécresse, avant de signer la convention en tant que présidente d’IDFM, aurait voulu, mais en vain, qu’un autre département, de droite, soit candidat pour une mesure d’ailleurs inscrite à son programme.
F. D.