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Parts modales des transports publics dans les villes : le rôle-clé du stationnement

Rennes est une des villes ayant fait l'objet d'une étude approfondie dans le rapport Adetec présenté par la Fnaut.

Qu’est-ce qui nous pousse à utiliser les transports publics en ville? Et dans quelle mesure sommes-nous influencés par l’offre mais aussi par la structure des agglomérations desservies ? C’est pour répondre à ces questions que Bruno Cordier, directeur d’Adetec, bureau d’études au service des politiques alternatives de déplacements, a présenté son étude sur les déplacements dans les grandes villes françaises lors de la conférence de presse organisée par la Fnaut le 4 novembre.

Pour sa nouvelle étude, Bruno Cordier s’est basé sur les données fournies en particulier par le Cerema, en différenciant son analyse entre ville-centre et banlieue (qui forment ensemble le pôle urbain) et la couronne périurbaine (le tout formant l’aire urbaine). Ceci a permis de mettre l’accent sur plusieurs facteurs explicatifs des écarts de parts modales dans les 47 villes étudiées, qui représentent 44 pôles urbains, 36 aires urbaines et 13 métropoles, avec une analyse des cas de Rennes et Tours. L’étude de 2022 s’inscrit dans la lignée de deux autres, intitulées Les déplacements dans les villes moyennes : résultats et facteurs de réussite (2019) et Parts modales et partage de l’espace dans les grandes villes françaises (2021).

Plus la ville est peuplée, plus l’usage de la voiture recule

On constate d’emblée que pour l’usage des transports publics, Paris se situe très loin devant les agglomérations suivantes (Lyon, Grenoble, Rennes – qui monte – et Strasbourg), alors que Saint-Nazaire, Dunkerque et Troyes figurent en queue de classement des grandes villes.

Une première analyse démographique corrobore, courbe de corrélation à l’appui, ce que l’on soupçonne aisément : plus la ville est peuplée, plus l’usage de la voiture diminue. Mais quelques villes s’éloignent de la courbe de corrélation : Lyon, Grenoble et Rennes font mieux que la loi générale, alors que Marseille s’en tire moins bien.
Une deuxième analyse confirme un autre fait bien connu : plus on s’éloigne du centre-ville, plus l’usage de la voiture est élevé, l’écart étant très net pour ce qui est de la marche à pied (alors qu’il n’y pas d’écart flagrant pour le vélo, dont on constate que l’usage est très faible, de façon générale).
Troisième facteur assez intuitif : plus l’enveloppe urbaine est dense (au sens donné dans son étude par le géographe et spécialiste des transports Pierre-Henri Emangard), plus l’usage de la voiture est bas.

Un léger mieux dans le nord-est de la France 

La position géographique des villes expliquerait-elle certains écarts ? On constate effectivement un léger mieux pour l’usage des transports publics dans le nord-est de la France, mais il ne faut pas généraliser : de mauvais résultats sont enregistrés dans le Nord et le Pas-de-Calais, alors que la fréquentation est bonne à Toulouse, Montpellier ou Nice.

Mais il n’y a pas que la structure urbaine. Un centre-ville « fort », avec peu de vacances commerciales, entraîne un fort usage de la marche et des transports publics. Les politiques de mobilité aident aussi, à terme : plus la date du premier PDU est ancienne, moins l’usage de la voiture est élevé – mais ce constat est sans doute un peu faussé par le fait qu’il y avait surtout des grandes villes parmi les premières à adopter un PDU. « L’œuf ou la poule ? corrélation ou causalité ? » Pas évident, mais une vision d’ensemble est toujours favorable à l’usage des transports publics : « un tram sans places de stationnement n’aura pas de bons résultats ».

La corrélation est également très forte entre motorisation des ménages et utilisation de la voiture particulière, sauf à Lyon, Rennes, Annemasse et Annecy, où « les gens ont le moyen d’avoir des voitures mais utilisent les transports publics au quotidien », explique Bruno Cordier. Les explications sont diverses (par exemple, Annemasse tire profit de sa proximité avec le réseau de Genève). Autre corrélation très nette, cette fois pour ce qui est de la voirie en banlieue, moins l’espace est consacré à la voiture, moins l’usage de cette dernière est élevé. Et dans les centres-villes, l’usage de la voiture est moins élevé dans les villes qui limitent la vitesse à 30 km/h.

La marche trop souvent oubliée des politiques

Plus généralement, les grandes infrastructures routières encouragent l’usage de la voiture, comme le montre une comparaison entre Nancy et Angers au début de la décennie (traversée par une pénétrante à l’époque où ont été collectées les données de l’étude). Inversement, la congestion routière (mesurée par l’écart de temps de parcours entre pointe et heure creuse) n’encourage pas à prendre la voiture… sauf à Marseille et à Toulon.

Enfin, le stationnement est un déterminant essentiel de la politique de mobilité, ce qui semble surprenant pour les élus, mais pas pour les usagers de la route. Ce que confirme une étude franco-suisse menée par le Cerema et l’EPFL : « On enfonce des portes ouvertes : plus l’offre est élevée, plus l’usage l’est ». Ceci vaut aussi bien pour le stationnement dans le cas de la voiture que pour la fréquence ou l’amplitude des dessertes dans l’usage des transports publics.

« Le métro et le tramway ne suffisent pas, comme le montre Marseille… En revanche, Strasbourg et Dijon ont fait pas mal de choses en plus ! D’ailleurs, Dijon avait déjà de bons résultats avant le tram. Alors que Nice et Valenciennes, avec son urbanisme multipolaire, sont très en-dessous », rappelle Bruno Cordier. Toutefois, « Toulon est la seule ville de son importance sans tram et le paye ».

Côté modes actifs, les corrélations ne sont pas toujours très nettes pour ce qui est de l’usage – parfois très saisonnier – du vélo et de son accidentologie. Et pour la marche à pied, « le schéma piéton est encore une denrée rare ». Et Bruno Cordier de déplorer ce rôle de parent pauvre : « il est assez rare que l’on mentionne la marche à pied dans la communication, alors que c’est le deuxième mode de transports ! ».

Former et diffuser 

L’étude comprend une comparaison détaillée entre Rennes et Nantes : deux capitales régionales voisines, l’une ayant choisi le métro automatique, l’autre le tram et le BHNS. Et contre les attentes de beaucoup, c’est Rennes qui affiche de meilleurs résultats dans l’usage des transports publics que sa voisine. Ce qui s’explique en partie par l’urbanisme en archipel de l’agglomération rennaise, qui s’oppose à la tache urbaine autour de Nantes, où beaucoup de populations se retrouvent éloignées… et obligées de prendre la voiture. Et pas facile de changer de telles tendances : « avec l’urbanisme, on en prend pour 100 ans », rappelle Bruno Cordier. Côté offre de transports, « le métro n’est qu’un bout d’explication » : un bon maillage et de bonnes fréquences encouragent l’usage du BHNS. Même si tout n’est pas parfait autour de Rennes, avec l’existence de quartiers « trop spécialisés en périphérie », comme ceux où résident les étudiants…

L’autre étude de détail porte sur Tours, où la grande majorité des équipements (parc expos et même magasins de bricolage) sont restés dans le centre-ville. « Est-ce un héritage de Jean Royer ? Il y a beaucoup de petits commerces ! » Subsistent toutefois des points faibles partagés avec beaucoup de villes, en particulier les aménagements urbains réalisés au coup par coup.

En conclusion, on retrouve dans les grandes villes françaises les mêmes facteurs, plus ou moins, que dans les villes moyennes et l’on constate la nécessité de mener une politique globale. « La formation des techniciens est un point essentiel : le savoir existe, le Cerema et d’autres acteurs font du très bon travail. Mis il y a une question de diffusion de ce savoir », insiste Bruno Cordier, qui rappelle que le stationnement est « l’alpha et l’oméga des choix modaux ».

P. L.

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