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Grand Prix National de l’Ingénierie 2010 : réalisations d’aujourd’hui et projets de demain
Publié le 17/11/2010 à 03h15

Tous les ans depuis 2006, le ministère du Développement durable et Syntec-Ingénierie remettent les prix national de l’ingénierie pour une réalisation récente, ainsi que les prix de l’ingénierie du futur pour des projets présentés par des élèves-ingénieurs. Les transports – en particulier ferroviaires – sont souvent à l’honneur Lorsque l’on évoque les grandes réalisations, on cite rarement les équipes qui, au sein des entreprises d’ingénierie, ont œuvré pour rendre possible ces réalisations. C’est donc pour mettre en valeur les métiers de l’ingénierie que le ministère du Développement durable, en partenariat avec Syntec-Ingénierie (fédération professionnelle de l’ingénierie) et en association avec le Groupe Moniteur a eu l’initiative du Grand Prix National de l’Ingénierie en 2006. Depuis la première édition, les réalisations pour le transport ferroviaire ont souvent été à l’honneur (2e prix 2007 à la SNCF pour la rame TGV Iris 320, grand prix 2008 à Systra pour le métro de Dubaï) et ce fut encore le cas le 28 juin dernier, lorsque sous la présidence de Claude Martinand, vice-président du CGEDD (Conseil général de l’environnement et du développement durable), le jury s’est réuni et a sélectionné les lauréats pour 2010.

 

 

Deuxième prix à la réparation du tunnel sous la Manche

Et cette fois, c’est le deuxième prix (ex æquo) qui a été décerné pour la réparation du tunnel sous la Manche suite à l’incendie de septembre 2008 à Véronique Mauvisseau, directeur de projet à Setec TPI et Bertrand Petit, directeur d’exploitation à Freyssinet France. Plus que par le traitement de la voûte en béton de l’ouvrage, ce qui a impressionné le jury est le temps record mis pour réaliser les travaux, en moins de 4 mois de la mi-octobre 2008 à la mi-février 2009. Une tâche qui n’était pas gagnée d’avance : la voûte était endommagée sur une longueur de 760 m (très sérieusement sur une centaine de mètres) et le remplacement des équipements a été nécessaire sur environ 2 km. Dans les semaines qui ont suivi le sinistre, alors que la liaison entre le continent et la Grande-Bretagne était rétablie dans les cinq intervalles du Tunnel non touchés par l’incendie, Eurotunnel a fait place nette dans la zone endommagée tout en s’adjoignant, en tant que maître d’ouvrage, les services de Setec pour la maîtrise d’œuvre et de Freyssinet à la tête d’un groupement de sociétés du groupe Vinci pour les travaux de réparation. Et de fait, Setec et Freyssinet disposaient de l’expérience de ce type de réparation suite à l’incendie de 1996, suite auquel 500 m avaient été remis en état en 5 mois. Mais cette fois, à compter du 15 octobre 2008, moins de 4 mois allaient suffire, en travaillant 24 h sur 24, pour :

• Mettre en sécurité la voûte par 1 072 boulons de 3 m de long,
• Mettre en place une piste (3 200 tonnes de ballast recouvert de traverses en bois ignifugé) permettant un accès facile et une large coactivité,
• Hydrodécaper le béton résiduel dégradé et mettre en place un échafaudage de 520 m,
• Reconstituer la voûte (40 t de ferraillage et 4 000 t de béton projeté par voie sèche),
• Remplacer les équipements électriques, mécaniques, caténaires, rails et signalisation,
• Les essais et la réception.

A cette fin, il a fallu « mobiliser des moyens exceptionnels et industrialiser les process tout en conservant une forte adaptabilité du chantier ». Des dispositions innovantes ont ainsi été mises en œuvre :

• scanner pour la géométrie,
• logiciels de calcul performants (Express’air développé par Setec pour la simulation numérique avec un modèle aérothermique monodimensionnel du tunnel, César du LCPC pour les calculs structurels),
• industrialisation de l’hydrodécapage des revêtements endommagés (limitation des volumes éliminés et du travail manuel éprouvant),
• piste et échafaudage modulable de 500 m pour optimiser les conditions de travail,
• atelier de béton projeté par voie sèche in situ, permettant la coactivité dans des conditions atmosphériques satisfaisantes (limitation des poussières et donc non nécessité de travailler avec un masque en dehors des projeteurs),
• pose des conduites de refroidissement en 2 tronçons d’une centaine de mètres ayant nécessité la mise au point de matériel spécifique, permettant de limiter les soudures sur site et leur contrôle par radiographie.
 
Le travail de Véronique Mauvisseau, à la direction de la maîtrise d’œuvre de chantier, et Bertrand Petit, directeur du chantier, a été de manager des équipes de spécialistes et d’initier des innovations techniques, avec pour objectif de minimiser l’impact environnemental des travaux et d’optimiser le volet social (conditions de travail). « Le pilotage serré de l’opération, tant dans l’espace que dans le temps, au travers notamment d’une forte collaboration entre les acteurs, l’anticipation des achats des fournitures critiques et l’information régulière du comité de sécurité de la Commission Intergouvernementale ont été des éléments déterminants de la réussite de ce projet ». Au total, 800 hommes ont œuvré à cette opération, dont 300 ouvriers en pointe en génie civil et 85 personnes à la maîtrise d’œuvre.

 

 

Prix de l’Ingénierie du Futur pour la relance d’une ligne malgache à l’honneur

Le Grand Prix National de l’Ingénierie a également un « petit frère », destiné aux élèves des écoles d’ingénieurs publiques et privées : le Prix de l’Ingénierie du Futur, qui invite les étudiants à « s’interroger sur l’utilisation possible des développements des sciences et des technologies pour faire face aux grands défis de l’horizon 2020 » : le changement climatique, l’épuisement des ressources pétrolières, la culture du « risque zéro », la crise du périurbain et le problème des pollutions.

Depuis le lancement de ce prix en 2006, les projets proposés par les élèves-ingénieurs – et les lauréats – ont sensiblement évolué, passant d’idées purement technologiques (tels les « réseaux dynamiques » primés la première année, voir encadré) à de véritables services utiles à la société, comme la relance d’une ligne ferroviaire à Madagascar, primée cette année dans la catégorie « Inge?nierie d’ame?nagement ». Remis à Olivier Goret (ENPC de Paris), ce prix récompense une étude réalisée sans le cadre du Mastère systèmes de transports ferroviaires et guidés (plus connu sous l’appellation de « mastère ferroviaire »).

Il s’agit ici d’éviter la fermeture d’une voie ferrée de 160 km héritée de la période coloniale française et en déclin depuis 20 ans, alors qu’elle joue un rôle sanitaire, social, économique et écologique indispensable dans une région enclavée de l’est de la Grande île. Un projet de relance est né, fruit d’une collaboration entre des élèves de l’ENPC et le Tourism Initiative Fund (TIF), qui consiste à créer une dynamique pour relancer cette ligne. Ce projet innove par son approche globale des enjeux et contraintes, le modèle envisagé et la technologie mise en œuvre. La méthode consiste à entreprendre en parallèle les travaux de rénovation de la ligne et le développement d’activités économiques générant du trafic ferroviaire, en s’intégrant dans le contexte politique et socio-économique de Madagascar, avec un objectif immédiat de retour à une exploitation stable en 5 ans. L’objectif suivant est une situation pérenne de cette ligne à 30 ans.

De tels projets « demandent une approche nouvelle, intégrant un large ensemble de composantes, techniques mais aussi économiques, sociales et politiques » conclut Olivier Goret. « Cette approche peut constituer une véritable discipline innovante : “l’ingénierie du développement” ; peut-être est-ce là l’ingénierie du futur. »

Junjie Ling
Par Junjie Ling
Journaliste
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