« Il faut sortir d’une vision malthusienne pour le ferroviaire »
Bernard Roman a pris en 2016 les rênes de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer), rebaptisée depuis Autorité de régulation des transports (ART). Sous l’impulsion de son prédécesseur Pierre Cardo, puis sous son influence, l’Autorité de régulation a vu ses compétences s’élargir considérablement. Celles-ci vont désormais du contrôle du secteur aéroportuaire à celui de la mise à disposition des données, en passant par le transport terrestre. A l’avenir, le gendarme des transports sera chargé de la régulation du futur réseau du Grand Paris. Fin observateur de la vie économique des grandes entreprises du secteur, l’ART est donc devenu un régulateur de transport multimodal. « Une absolue nécessité, permettant de considérer la mobilité dans sa globalité », a expliqué l’ancien député socialiste lors de son intervention le 7 juillet dernier au Club VRT.
L’ouverture à la concurrence est un long apprentissage pour le secteur public. Pour Bernard Roman, le président de l’Autorité de régulation des transports (ART), c’est aussi clairement une voie d’amélioration du service rendu aux clients.
Pour appuyer ses propos, l’ancien député socialiste rappelle les grandes étapes qui, dans les années quatre-vingt, ont mis fin à de grands monopoles publics en France, comme EDF ou France Telecom.
Le ferroviaire a entamé sa mue plus tardivement et il a fallu attendre 2009 pour que soit créée l’Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF). Avec l’objectif d’assurer un accès transparent, équitable et non discriminatoire à l’infrastructure ferroviaire.
Le fret était alors ouvert à la concurrence depuis 2006 en France. Il a été suivi, en 2010, par le transport international de voyageurs. Depuis décembre 2020, la concurrence est possible sur les liaisons commerciales domestiques, et depuis décembre 2019 sur les TER.
Pourtant, jusqu’à présent, nul n’a vraiment osé venir affronter la SNCF sur ses grandes lignes, regrette Bernard Roman, tout en reconnaissant que la crise sanitaire a retardé les projets des uns et des autres. Le président de l’ART évoque toutefois l’expérience de la compagnie italienne Thello qui a exploité des trains de voyageurs entre la France et l’Italie de 2011 à 2021, avant de suspendre son service. Mais qui prépare son retour sur le marché français.
Bernard Roman en est convaincu : la concurrence permet d’améliorer le service offert aux clients, comme cela a été le cas pour les télécommunications ou l’énergie. En 2018, le gendarme des transports a réalisé une enquête démontrant les bénéfices de la concurrence en Europe : la concurrence a permis une progression de l’offre et de la demande, liée à une diminution du coût du transport ferroviaire, observe cette étude.
« L’ouverture à la concurrence a boosté le transport ferroviaire dans tous les pays où elle a été réalisée », affirme Bernard Roman.
Guillaume Pepy, l’ancien président de la SNCF, le reconnaissait aussi. Il lui avait confié, raconte Bernard Roman, que l’ouverture à la concurrence est un bienfait, car elle oblige l’entreprise à se remettre en cause pour être plus performante et plus productive. « La SNCF qui réalise 50 % de son chiffre d’affaires à l’étranger, sait qu’on peut être plus productif ailleurs qu’en France. Tout simplement parce qu’un monopole ne pousse pas à se remettre en cause », souligne Bernard Roman.
Un marché français très convoité
Avec 28 000 km de voies, 49 000 km de lignes dont 70 % électrifiées, le réseau ferré français est le deuxième réseau en Europe après le réseau allemand, et le deuxième, après le réseau espagnol pour les lignes à grande vitesse.
Selon Bernard Roman, tous les grands opérateurs ont des vues sur ce marché attrayant. Toutefois, tempère-t-il, « acheter du matériel pour se lancer dans notre pays où, pour le moment, il n’existe pas de Rosco pour en louer, est un frein à l’entrée. Quand on investit des millions dans du matériel, il faut être sûr de son modèle économique ».
Selon le patron de l’Autorité, des concurrents pourraient arriver très vite en France sur des lignes comme Paris – Lyon ou Paris – Strasbourg. La Renfe, qui a déjà annoncé son intention de faire rouler des trains en France, a reporté son arrivée, en raison d’un problème de compatibilité du matériel pour la transmission d’information, explique-t-il.
« ACHETER DU MATÉRIEL POUR SE LANCER EN FRANCE, OÙ IL N’Y A PAS DE ROSCO POUR EN LOUER, EST UN FREIN À L’ENTRÉE DES GRANDS OPÉRATEURS FERROVIAIRE «
En France, les systèmes de communication sont une barrière technique à l’entrée et l’agrément des matériels une procédure compliquée. La Renfe a décidé de commencer à s’attaquer à un autre marché en Europe, avant de s’intéresser au marché français. Ce pourrait être en 2023 ou en 2024.
En plus de nouveaux opérateurs, on devrait aussi voir apparaître de nouveaux services très innovants dans les trains.
Ainsi, dévoile Bernard Roman, un opérateur, dont il tait le nom, devrait proposer des trains offrant quatre classes : une classe « super luxe », une première, une seconde et une classe à bas coûts sur le modèle de Ouigo.
Du côté des TER, les grands opérateurs nationaux, Transdev, RATP Dev et autres Keolis, se montrent intéressés. Quelques Européens le sont aussi ou s’informent.
L’ART veille aussi à ce que les cars Macron ne menacent pas l’équilibre économique des TER financés par les régions. Le rôle de l’ART, explique Bernard Roman, est de s’assurer que les autorités organisatrices des mobilités (AOM) ont les informations pour élaborer des appels d’offres bien dimensionnés et attractifs, d’engager un processus d’amélioration continue des services conventionnés et de prévoir des conditions tarifaires d’accès adaptées à la phase de montée en puissance des nouveaux entrants.
Efficacité et économies
L’ancien député socialiste ne veut pas que l’ART soit considérée comme le « grand méchant loup des transports ». Il assure avoir essayé, depuis sa prise de fonction, d’insuffler le dialogue. « Pour ne plus être uniquement vus comme ceux qui sanctionnent, il faut discuter et être pragmatique. Savoir faire des compromis pour avancer et coconstruire. »
Lorsque l’Europe a ouvert les marchés, elle a introduit une notion de gestionnaire d’infrastructure efficace.
« On demande aux régulateurs de veiller à ce que les modes de production des réseaux soient efficaces avec des réductions de coûts. Cela a été le cas pour l’énergie et la communication, mais cela n’a pas été spécifié clairement pour le transport. Comme les directives sont le
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