Bus propres : quelles stratégies face au renchérissement de l’énergie
Face au renchérissement de l’énergie, constructeurs, opérateurs, équipementiers et sociétés d’ingénierie mettent en place des parades. Celles-ci passent notamment par des réalisations plus vertueuses, issues de la recherche et du développement, ou par de nouveaux modes d’achat ou de revente de l’énergie, comme l’ont expliqué les participants à la conférence sur les bus propres, organisée le 20 juin par VRT.
Les événements qui ont bouleversé l’équilibre géopolitique international avec la guerre en Ukraine ont conduit à une augmentation sans précédent des coûts énergétiques et à la quasi-impossibilité d’en prévoir l’évolution à court ou moyen terme. Pour les industriels, comme pour les opérateurs, l’effet sur les comptes d’exploitation a été rapide. « En quelques semaines, le prix du diesel a été multiplié par deux, et celui de l’électrique et du GNV par trois. Le coût kilométrique moyen du diesel s’est accru de 22 %, passant de 4 euros à 4,90 euros, et celui du GNV de 10 % », indique Bruno Lapeyrie. Le directeur du Centre d’Excellence Énergie-Bus de Keolis précise : « L’impact a été moins fort sur le coût kilométrique des véhicules électriques, avec une augmentation de 5 %, car l’élasticité n’est pas la même : le poids de l’énergie est en effet plus bas que celui du diesel. L’énergie, qui était un achat discret, est devenue une masse importante et instable ». Ces événements n’ont pourtant pas freiné le mouvement de transition énergétique, amorcé depuis plusieurs années sur les flottes de bus. Impossible, en effet, d’arrêter un train lancé à pleine vapeur, ont indiqué les intervenants de cette conférence, à commencer par François Warnier de Wailly, directeur du programme Bus 2025 de la RATP : « Nous avons dépassé la phase d’expérimentation de véhicules alternatifs au diesel pour aborder celle du déploiement massif de matériel roulant. Le planning est conforme avec celui qui avait été conçu avec Île-de-France Mobilités il y a cinq ans, avec une cadence d’un à deux nouveaux bus par jour, soit environ 500 par an ». Sur les 25 centres de bus que compte la RATP en Île-de-France, la moitié est « globalement » prête à accueillir des bus biogaz ou électriques, alors que les autres sont encore en travaux, avec l’exigence de conserver une exploitation à plein régime. Près de 700 bus électriques ont été déjà mis en exploitation auxquels s’ajoutent près de 900 bus au GNV.
Nouvel équilibre
Bruno Lapeyrie confirme : « Le “pli“ de la transition énergétique est bien pris. Keolis exploite actuellement dans le monde 1 500 bus électriques, 40 bus à hydrogène, et 2 500 bus au bioGNV. Une flotte conséquente dont la gestion quotidienne instaure de nouveaux paradigmes en matière de gestion énergétique ». « En tant qu’opérateur de mobilité, la gestion de l’énergie commence à devenir un sujet central. Nous avons un énorme chemin collectif à parcourir, car jusqu’à présent, nous n’avions que peu de notions dans ce domaine », souligne-t-il. Son groupe a consommé 5 500 GWh en 2022 – soit l’équivalent d’un réacteur nucléaire – avec une répartition à 60 % de gazole et 20 % d’électricité. « Cet équilibre est en train de changer très rapidement, notamment en Europe du Nord qui avait déjà franchi le cap des carburants décarbonés il y a dix ans. Les pays nordiques sont désormais entrés de plain-pied dans l’électromobilité », souligne-t-il.
Jean-Marc Boucheret, directeur des transports publics et de la mobilité durable chez Iveco, nuance les propos sur les pays d’Europe du Nord, présentés comme des modèles en matière de mobilité électrique. « Certains pays d’Europe du Nord sont plus avancés en termes de part de marché, mais en termes de volume de véhicules, la France réussit cette transition plus rapidement », estime-t-il. En 2022, 87 % des autobus immatriculés en France roulent avec une énergie alternative au gazole, avec une prédominance du GNV (58 % des immatriculations), devant l’électrique à batterie (29 %). L’année 2023 marque toutefois une pause dans les immatriculations des autobus électriques avec une baisse de 40 % sur les cinq premiers mois de l’année, « peut-être liée à une diminution des aides (bonus, aides Mobus) ou par le fait de projets ADEME non sélectionnés ».
Optimisation
« Il faut désormais passer de la transition à l’optimisation énergétique, car l’énergie devient un bien rare. Il nous appartient, en tant qu’industriel, de préserver cette denrée », souligne de son côté François Warnier de Wailly. En matière d’économie d’énergie, les acteurs ont tous activé les leviers de l’éco conduite et de l’optimisation des trajets routiers. De nouvelles pistes de travail apparaissent à présent, basées sur une gestion plus fine de la charge, et ceci pour tous les modes, qu’ils soient électriques, à hydrogène ou au GNV. « Nous avions, par exemple, l’habitude de charger nos bus bioGNV au maximum de pression, à 200 bars. Or, la compression consomme des ressources, et nous veillons désormais à l’évaluer avec pertinence, en fonction des missions que doivent effectuer les bus le lendemain », ajoute-t-il.
La RATP a aussi travaillé sur le « smart charging », avec l’objectif de piloter ses bornes de recharge pour véhicules électriques, à la fois en puissance et en horaire. « Nous avons rencontré plusieurs difficultés, car les bornes utilisées dans nos centres n’étaient pas forcément interopérables », explique le dirigeant. La RATP a ainsi collaboré avec DREEV, filiale d’EDF spécialiste du « smart charging », sur l’interopérabilité de ses bornes de recharge utilisées par des flottes pouvant compter jusqu’à 200 véhicules. « Il s’agit d’un vrai travail d’ingénierie. Les fournisseurs d’énergie deviennent désormais nos partenaires, c’est une révolution culturelle », résume-t-il. D’ici trois ou quatre ans, les opérateurs de transport deviendront des opérateurs énergétiques, renchérit Bruno Lapeyrie. Ce nouveau rôle d’énergéticien se cristallisera notamment autour de la gestion des batteries. « Lorsqu’un opérateur dispose de 10 000 bus électriques, il renouvelle environ 1 500 batteries par an, à 150 000 euros la batterie. Au bout de quelques années, lorsque toutes les batteries auront été changées, cet opérateur disposera d’un parc de 10 000 batteries statiques, qui seront loin d’être en fin de vie puisqu’elles représentent une capacité de stockage équivalente à une petite centrale électrique. Ainsi, les opérateurs vont fatalement acheter et vendre de l’énergie », affirme-t-il. De quoi inventer de nouveaux métiers. « Nous allons devenir des gestionnaires de flottes de batteries de seconde vie, en plus d’être des gestionnaires de véhicules. Nous sommes d’ailleurs très sollicités à propos de l’utilisation de ces batteries, ce qui prouve qu’elles sont loin d’être en fin de vie et détiennent une
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Publié le 10/01/2025 - Philippe-Enrico Attal