La LOM sous les regards croisés de Dominique Bussereau et Gilles Savary
Ils ont longtemps débattu dans nos colonnes des grandes questions de transport. L’un est de droite, l’autre de gauche, mais tous deux, grands connaisseurs des questions de transport et responsables exigeants, savent échanger sans s’affronter. Au moment où le projet de loi Mobilités était examiné au Sénat, Dominique Bussereau et Gilles Savary ont analysé le texte pour le Club VR&T. Inquiets du manque de moyens financiers, tous deux pointent des impasses sur les questions de gouvernance. Avertissements à lire avant que le texte n’arrive devant les députés, le 14 mai.
Pour décortiquer la loi d’orientation sur les mobilités (LOM), le club VR&T avait convié deux incontournables experts : Dominique Bussereau et Gilles Savary. Le premier fut ministre des Transports (mais aussi de l’Agriculture et du Budget), préside aujourd’hui le département de Charente-Maritime et l’Assemblée des départements de France (ADF), le second est consultant, après avoir été député et eurodéputé, rapporteur à l’Assemblée nationale de la réforme ferroviaire de 2014 et vice-président de la commission Transports du Parlement européen. Tous deux estiment que le projet de LOM, dont l’élaboration était prometteuse, a subi de fâcheuses transformations. « Il a été émasculé par le Conseil d’Etat et beaucoup modifié à Matignon puis rogné par les “gilets jaunes“. Depuis novembre, beaucoup de ce qui était novateur a été supprimé pour ne pas apparaître comme une provocation, ce qui en diminue l’intérêt, je suis déçu par l’absence de moyens financiers », lance Dominique Bussereau en guise d’introduction, espérant que les discussions parlementaires feront évoluer le texte.
« C’est une loi extrêmement importante », tempère Gilles Savary qui y voit un outil pour adapter les politiques de mobilités aux bouleversements des usages et à l’accélération des progrès techniques. « Il y aura forcément des retouches ultérieures, car la LOM apporte un début de régulation dans des domaines tout juste émergents promis à des développements que l’on ignore encore. La LOM, c’est la Loti de notre temps ! Il est injuste d’en minimiser la portée au prétexte qu’elle est passée de 200 articles fourre-tout à une cinquantaine, déjà très foisonnants ! »
Elle poursuit surtout l’objectif de couvrir les 80 % de notre territoire qui n’en disposent pas, essentiellement les territoires ruraux, d’autorités organisatrices des mobilités (AOM). « La ministre a raison de dire que c’est en la matière “une loi de tous les possibles“, mais elle pourrait être aussi celle de toutes les démissions », prévient-il, en rappelant que l’Etat s’efface au profit du bon vouloir inégal des collectivités locales et des régions et que la crise des « gilets jaunes » a fait disparaître l’ensemble des dispositions pour financer ses ambitions.
Le « Nirvana » départemental » de Dominique Bussereau
A propos de la gouvernance : « En France, il y a deux types d’intercommunalités. Les historiques, et celles qu’au fil des ans, le gouvernement a promues en obligeant les communes à fusionner. Le résultat ? Certaines ont les moyens d’investir et d’autres, pourtant aussi grandes, disposent de petits budgets de fonctionnement et n’ont pas d’équipes d’ingénierie », constate Dominique Bussereau. Il s’interroge : « Comment vont-elles pouvoir organiser une offre de transport ? Je ne crois pas que les régions viendront à leur secours, elles n’en n’ont pas les moyens et on risque d’avoir des zones blanches de transport. » A l’opposé des objectifs de la loi mobilités.
« Je partage cette analyse », reprend Gilles Savary qui rappelle que dans le rural profond, là où il y a le moins de mobilités organisées et innovantes, il est difficile de ne pas être prisonniers de l’autosolisme. « C’est cette disparité que la ministre des Transports veut combler, mais ce sera difficile. Car plus une communauté de communes est rurale, moins elle a de moyens techniques et financiers à la hauteur des enjeux. Certes les régions doivent s’y substituer par défaut, mais leurs budgets transports, comme leur expertise en matière de mobilités sont excessivement embolisées par le chemin de fer. » Elles y consacrent des financements énormes pour des projets pas toujours raisonnables : « Les TER, ce sont trois milliards de subventions
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Publié le 10/01/2025 - Philippe-Enrico Attal