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Bernard Rivalta, président (PS) de SYTRAL «Il faut qu’on soit un peu Sherlock Holmes ! »

Publié le 31/08/2010 à 10h00

VR&T : Le SYTRAL vient de renouveler sa confiance à Keolis. Pourtant, il n’y a pas si longtemps, vous ne décolériez pas contre l’exploitant, à cause des grèves, parce que vous n’étiez pas satisfait de la qualité de service VR&T : Le SYTRAL vient de renouveler sa confiance à Keolis. Pourtant, il n’y a pas si longtemps, vous ne décolériez pas contre l’exploitant, à cause des grèves, parce que vous n’étiez pas satisfait de la qualité de service…
Bernard Rivalta : Il y a six ans, on était confrontés à une entreprise qui s’était beaucoup sclérosée dans le temps et on avait du mal à la faire bouger. C’est vrai que j’étais assez déterminé à donner un coup de pied dans la fourmilière et dire à Keolis : « Et bien, puisque vous ne voulez pas bouger, on ira voir ailleurs ! » Ce qui s’est passé, c’est qu’effectivement il y a eu d’abord Jean-Pierre Farandou [directeur de Keolis Lyon en 2005-2006, ndlr] qui a amené une nouvelle dynamique. Puis il y a eu un passage à vide, qui n’a pas duré bien longtemps. Et puis il y a eu l’arrivée de Bernard Tabary à qui, quand il est arrivé [en 2007], j’ai reposé lesmêmes questions en lui disant que soit il prenait la voie de Farandou et on avançait, soit il ne la prenait pas, ce serait un gros handicap pour Keolis lors de la futuremise en concurrence pour la prochaine convention. A partir de là, il y a eu un travail qui s’est fait, pas toujours dans la simplicité, notamment sur le fameux accord d’entreprise. Ce travail a été fait avec un certain courage. Et comme j’ai été parmi ceux qu lui avaient demandé de bouger, je l’ai soutenu dans cette démarche. Ainsi que [le maire de Lyon et président du Grand Lyon] Gérard Collomb et [le président du conseil général du Rhône] Michel Mercier. Les signes positifs qu’ils ont donnés font que leur engagement d’aujourd’hui est crédible. Je savais aussi que j’avais un certain nombre de clefs dans ma musette pour ce nouvel appel d’offres. Faire en sorte que si on demandait des efforts au personnel, si on restructurait un certain nombre de choses, ça ne pouvait pas se faire uniquement au profit des actionnaires : les salariés devaient en toucher les dividendes. J’ai mis des nouvelles dispositions contractuelles dont le partage des gains issus de la productivité, avec des perspectives redonnées au personnel – à travers la formation… J’ai créé les conditions pour qu’un nouveau dialogue s’instaure dans l’entreprise. Et donc, j’ai demandé aux trois candidats de valider cela à travers leur offre.

 

VR&T : Et Keolis était donc loin devant ses challengers ?
B. R. : Les deux autres candidats, et en particulier Transdev, ont fait une réponse qui n’était pas loin de la vérité, et ils se sont totalement investis jusqu’au bout. Après, nous avons le problème de la fusion Transdev-Veolia. La question qui était posée, c’est quelle culture d’entreprise va prédominer ? Et autant la culture de Transdev est intéressante, autant si demain, dans la fusion Veolia-Transdev, la maîtrise de l’affaire revient à Veolia, ce qui est le plus probable, qu’estce qu’il en restera ? Transdev a une politique disons plus conservatrice – et c’est d’ailleurs normal, c’est lié à la culture Caisse des dépôts, chez qui la pression n’est pas sur le capital et sur les dividendes –, tandis que chez Veolia c’est une politique différente ! Je me suis
beaucoup interrogé quand j’ai posé la question de la pérennité de l’offre. Comme ce n’est pas moi qui ai fait le choix du rapprochement Transdev-Veolia, dans cette affaire, on subissait. De là à dire que le choix de Keolis était moins risqué, c’est beaucoup dire… En tout cas, Keolis n’était pas entaché par cette question-là. Quoi qu’il en soit, nous sommes constamment
dans une cohabitation active avec l’exploitant qui se plaint sans arrêt de perdre de l’argent, et moi qui lui réponds : «Monsieur, le service n’est pas fait, c’est tant de pénalités. » Ici, c’est un peu le bureau des pleurs…Et nous, il faut qu’on soit un peu Sherlock Holmes ! Il s’agit de savoir contrôler que le service au client est fait. Parce que ce n’est pas toujours le cas. Au niveau de l’entretien, par exemple, on peut gagner pas mal en productivité. Il va falloir qu’ils s’organisent ! Je ne veux plus qu’un tramway rentre à l’atelier le vendredi à midi et qu’on attende le lundi matin pour qu’on s’en occupe s’il y a une porte qui ne ferme pas.

 

VR&T : Quelle était votre position pendant le processus d’appel d’offres ?
B. R. : Franchement, pour moi, ça a été une épreuve cruelle. Personne ne pouvait dire ce que je pensais. Pour une raison simple : c’est que je n’avais aucune idée de qui serait le lauréat. J’ai longtemps hésité. A un moment donné, au dernier comité de pilotage, [le directeur général adjoint du SYTRAL, chargé du dossier] Raymond Deschamps a fait le bilan des dernières discussions, il a présenté le dossier technique et j’ai dit aux membres du comité : « Je vous écoute, qu’est-ce que vous en pensez ? » Et je n’ai pas donné mon choix, ni même à la fin de la réunion. Il y en a un ou deux qui ont commencé à défendre l’offre de Keolis, et, dans la commission ad hoc, ça a été l’unanimité. Alors après, le jour où je devais envoyer le rapport, j’ai réuni ceux qui pouvaient venir au conseil syndical, je leur ai demandé ce qu’ils en pensaient et je leur ai fait part de ma position. Qui donc était la même.

VR&T :Vos détracteurs vous ont reproché d’avoir inscrit au plan de mandat des infrastructures pour la desserte d’OL Land qui n’étaient pas prévues au PDU, et de financer avec des fonds publics des accès à cet équipement privé…
B. R. : Un des problèmes d’un réseau et d’un plan de mandat, c’est qu’il ne peut pas être figé, il faut qu’il soit réactif. Nous, au SYTRAL, nous ne sommes pas à l’origine du stade.Mais quand il y a un grand équipement d’agglomération comme le stade qui se construit, qui est voté par une majorité à la communauté urbaine, et quand le président de la communauté urbaine me demande ès qualités président du SYTRAL : « Je te demande de m’aider à trouver les moyens de desserte », je fais mon boulot. C’est là qu’on a imaginé, à chaque fois, des solutions qui soientmulti-utilisationnelles. La desserte vers Eurexpo et le petit bout de prolongement jusqu’à Chassieu – qui peut être fait dans la foulée, pour 2014 – préfigurent ce que sera la liaison avec T3. Après, on a besoin aussi de situations de retournement. On s’aperçoit qu’on est dans la ville et qu’une ville vit. Et que dès qu’il y a des manifestations quelconques, des travaux, etc., on a besoin de plus de retournements, mais aussi de services partiels aux  heures de pointe. Ces retournements vont bien évidemment nous servir pour le grand stade, mais ils vont aussi nous servir pour ça.

 

VR&T : En ce qui concerne les finances, vous estimez toujours être lésé par l’Etat ?
B. R. : Quand on voit l’Etat parler des projets du Grand Paris, à coup de milliards, et qu’il nous faut pleurer pour obtenir quelque chose…Vous vous rendez compte, l’Etat nous donne 6 millions d’euros pour le prolongement du métro à Oullins, sur 220 millions ! Autant dire une misère, peuchère ! Au deuxième appel à projets [lancé par le gouvernement pour subventionner les TCSP de province, ndlr], on va présenter les factures, mais bon…On va leur demander de financer les projets, bien sûr. Mais surtout, j’ai demandé une chose, récemment, c’est qu’ils nous donnent des subventions pour les acquisitions de matériel. On a besoin d’en acheter, et s’ils nous boostent sur les rames demétro et de tramway, on peut, parce qu’on a plutôt bien travaillé sur notre endettement, faire marcher un peu la dette. S’ils nous en paient la moitié, moi, je me débrouillerai pour trouver des emprunts supplémentaires pour compléter. Mais quand Borloo m’a dit : « Je ne comprends pas pourquoi tu as eu si peu », je lui ai rétorqué : « Tu te fous de ma gueule ! Qui c’est qui distribue les subventions ? » Enfin… Je ne désespère pas, quand même : vous avez vu qu’on a un ministre président du conseil général qui est maintenant
chargé du Grand Paris. Il va avoir trois pôles : Lyon, Thizy [son village d’origine, au nord ouest du Rhône] et le Grand Paris.

 

VR&T : Les projets du mandat sont maintenant tous lancés. Comment envisagez-vous le prochain ?
B. R. : 2014-2020, ça sera une période en grande partie métro. D’abord parce qu’on va automatiser la ligne B. Donc, on va passer le matériel de la ligne B sur la ligne A, puisqu’on commence à avoir des problèmes de capacité ; ça permettra de mettre un quatrième wagon aux rames de la ligne A, ou d’avoir des rames supplémentaires. Et puis on va acheter du matériel sur la ligne B. Cette acquisition nous permettra aussi de compléter le parc de la ligne D soit par des rames, soit par des wagons supplémentaires. Tout ça devrait coûter entre 200 et 300 millions d’euros. En même temps, si le périphérique ouest (le TOP) se concrétise, on aura à faire le prolongement du métro jusqu’aux hôpitaux sud. Et là aussi c’est un investissement de l’ordre de 250 millions d’euros. Le prochain mandat sera donc assez obéré par toutes ces opérations métro. Et puis on continuera
aussi à développer un certain nombre de lignes. En outre, j’ai passé un contrat avec Areva pour faire des recherches sur des matériels de propulsion, des piles à combustible, des systèmes de recharge à supercapacités, qui vont nous amener à modifier le matériel et certaines infrastructures. Ça concerne les trolleybus, et aussi des bus qui deviennent électriques, qui ont un autre moyen de propulsion que le moteur classique… C’est dans le cadre de l’innovation,
c’est un élément déterminant. Il faut également travailler sur les moyens de trouver des économies d’énergie. Après, on va accompagner ça d’un certain nombre de choses. Par exemple, j’ai obtenu de Gérard Collomb qu’il nous redonne la production d’électricité de la centrale d’incinération de Gerland. A la fois pour écrêter les heures de pointe et pour pouvoir fabriquer de l’hydrogène aux heures creuses. 

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