Bombardier en Chine : joint-ventures et codéveloppement
Probablement mieux que ses grands rivaux, Bombardier a su s’intégrer dans le paysage chinois, en se dotant de joint-ventures Le 28 septembre dernier, Bombardier Sifang Transportation Ltd (BST, à Qingdao), joint-venture de Bombardier et du constructeur chinois CSR Sifang, annonçait la signature d’un contrat avec le ministère chinois des Chemins de fer (MOR) pour la fourniture de 80 trains à très grande vitesse basés sur la nouvelle technologie Zefiro 380 du constructeur canadien. Ce contrat impressionne d’abord par son ampleur : 80 trains pour un total de 1 120 voitures, représentant une valeur de 27,4 milliards de RMB, soit 2,7 milliards d’euros. La firme de Montréal avait déjà enregistré plusieurs succès en Chine sur la grande vitesse intermédiaire avec trois contrats, entre 2004 et 2007, portant sur la fourniture d’un total de 80 EMU – 40 de 8 voitures et 40 de 16 dont 20 équipées en voitures-couchettes, destinés aux lignes passagers (PDL) chinoises à 250 km/h. Sans oublier également, en 2007, la signalisation de la ligne Canton – Wuhan. Bombardier n’est pas moins heureux sur les autres segments du marché ferroviaire. En matière de transports urbains, citons les APM de Canton et de l’aéroport de Pékin et, plus généralement, la fourniture à ce jour de quelque 1 300 voitures de métro et de nombreux systèmes de propulsion et de contrôle aux principaux métros du pays. Allié à Dalian Locomotives and Rolling Stock Co. Ltd, l’entreprise canadienne a aussi participé à la construction de 500 locomotives électriques de marchandises de grande puissance achetées par le MOR. Evoquons enfin la conception et la fabrication des voitures spécialement conçues pour le train du Tibet, destinées à une exploitation en haute altitude… Bien qu’y faisant des affaires depuis plus de 50 ans, Bombardier s’est véritablement implantée en Chine dans les années 90, ouvrant à cette époque plusieurs filiales mais aussi, originalité par rapport à ses grands concurrents, trois joint-ventures avec des partenaires locaux. La première, la Changchun Bombardier Railway Vehicles C° Ltd (CBRC), construit essentiellement du matériel roulant pour métro. La deuxième, BST, celle qui a emporté le contrat pour les Zefiro 380, se concentre sur la conception et la fabrication de voitures voyageurs et autres matériels roulants pour les trains, dont les EMU à grande vitesse. La troisième, Bombardier Changzhou Propulsion System Co (BCP), produit, en collaboration avec les installations européennes du groupe, les systèmes de propulsion Mitrac équipant ses EMU. Probablement mieux que les partenariats stratégiques signés par Siemens, Alstom ou Kawasaki, souvent porteurs de controverses, notamment sur les transferts de technologie, dont Bombardier s’affranchit grâce à ses joint-ventures : « Comme pour nos précédents contrats d’EMU à grande vitesse, celui relatif au Zefiro 380 a été passé au nom de BST, tandis que BCP fournira le système de propulsion. Point n’est besoin pour nous de négocier un quelconque transfert de technologie avec une partie tierce », confirme Jianwei Zhang, président de Bombardier Chine, pour qui les coentreprises « traduisent un engagement fort, profond et de long terme, en phase avec les ambitions ferroviaires chinoises, qui s’inscrivent également dans la durée. » Le constructeur canadien peut ainsi mener sur place « une stratégie fondée sur un codéveloppement innovant, la valorisation de la production locale et une image d’entreprise forte et unique ». En outre, Bombardier ne se plaint pas de ne pas être soutenu, au contraire de ses rivaux, par les autorités canadiennes. Moins exposé aux vicissitudes diplomatiques, moins porteur de l’orgueil national, le groupe cultive d’ailleurs lui-même en Chine l’apolitisme : « Il n’y a pas chez nous de division “affaires gouvernementales”. » « Nous ne rencontrons les dirigeants que pour parler affaires : quel est votre projet ferroviaire et comment pouvons-nous vous aider ? point final ! », assure Jianwei Zhang, qui refuse également d’employer agents ou autres intermédiaires. « L’écoute attentive du client, l’analyse approfondie de ses besoins et la résolution rapide et efficace de ses problèmes constituent les portes d’entrée les plus efficaces. » Et probablement aussi les moins coûteuses.
François BOUCHER
Publié le 10/12/2024