Cour des comptes/RATP : le face à face
Le 15 décembre, la commission des Finances de l?Assemblée nationale auditionnait Pierre Mongin, PDG de la RATP, et Christian Descheemaeker, président de la 7e chambre de la Cour des comptes Ecarts de salaires : la RATP compte sur la productivité
En pleine grève du RER A, la question des salaires était centrale. Dans son rapport, la Cour des comptes relève une augmentation des salaires et charges à la RATP de 22,3 % de 2001 à 2007, soit de 3,18 % par an, largement supérieure à une inflation de 1,77 %. De plus, les effectifs ont augmenté de 2000 à 2007 de 8,1 % (soit 3 508 agents). Pour la Cour, la productivité n’a pas été au rendez-vous. Elle relève qu’un conducteur de la RATP travaille 1 286 heures par an pour un salaire mensuel de 2 570 euros, tandis qu’un conducteur de Berlin travaille 1 527 heures pour 1 820 euros. Pierre Mongin, devant la commission des Finances, incite à manier prudemment les comparaisons. « Le réseau berlinois n’est pas structuré de la même façon que le réseau parisien, ce qui a naturellement une incidence sur les coûts de revient. » Quant à l’augmentation des salaires, il relève que durant la période elle a été de 22,19 % pour l’Etat, de 22,22 % à la SNCF, de 22,45 % à EDF. De plus, il remarque que 2 200 recrutements ont été faits pour la seule mise en place de la RTT et que, dans un contexte de forte augmentation du trafic (9,3 % dans la période), la productivité était revenue dès 2007 à celle d’avant la RTT. Or, pour Pierre Mongin, pas question de considérer que ses agents sont trop payés et que « la bonne voie, c’est la productivité ». Elle est de ce fait un élément de la contractualisation avec le Stif, avec un objectif de 2 % par an. Selon le PDG, ce plan sur cinq ans représente « l’équivalent d’un plan d’économies de 250 à 300 millions d’euros ». Or, une étude réalisée par un bureau d’audit « démontre que les surcoûts que nous devons résorber pour rester compétitifs face à la concurrence correspondent à peu près à l’objectif fixé : 300 millions d’euros ». Pour la Cour, cependant, « un gain de productivité de 2 % par an n’est pas vraiment à la mesure des enjeux des années à venir ». Et Gilles Carrez, rapporteur général du budget, rappelle que la question de la productivité se pose plus que jamais : « Sur l’exercice 2005, le coût au kilomètre de la voiture de métro intra-muros est de 12 % supérieur à celui des réseaux de métro de Berlin, Londres, Hongkong, Madrid, New York, et Tokyo. »
Infrastructures : la clarification introduite par la loi
A propos du transfert des infrastructures à la RATP, la Cour et la Régie sont d’accord sur l’essentiel : la loi du 8 décembre 2009 permet de clarifier la situation. Vision qui s’oppose donc à celle du président de la Région Ile-de-France, qui a dénoncé dans ce transfert un véritable « hold-up ». En effet, selon Christian Descheemaeker, la RATP a en fait été longtemps fautive, en inscrivant dans ses immobilisations 100 % des infrastructures qu’elle gère, alors qu’elle n’en détenait plutôt que 49 %. En fait, la question de la propriété était longtemps tellement embrouillée qu’on ne savait pas trop à qui appartenaient ces infrastructures. Ce qui est regrettable, c’est qu’en fondant le Stif et en lui transférant en un premier temps les infrastructures l’Etat n’a pas transféré la dette de plus de 4 milliards d’euros qui va avec, à l’inverse de ce qui a été fait dans le ferroviaire avec la création de RFF. Maintenant que la RATP se retrouve à la tête de ses infrastructures, « le bilan de l’entreprise tient debout », a dit Christian Descheemaeker lors de son audition.
Dette : comment l’empêcher de croître
Pour la Cour, les investissements sont mal évalués : « Aussi bien en termes de bilan socio-économique, de rentabilité financière ou de valorisation des gains de temps, les résultats sont éloignés des prévisions initiales. » Notamment, Météor a coûté 65 % de plus que prévu… Et, « comme la SNCF, la RATP a financé des infrastructures dont elle savait pertinemment qu’elles ne seraient jamais rentables ». Pierre Mongin veut « éviter de renouveler ce que nous avons fait trop souvent, c’est-à-dire financer ce que les partenaires du contrat de projets Etat-région (CPER), autrement dit l’Etat et la région, ne finançaient pas. Depuis cinquante ans, chaque fois que des infrastructures de transport nouvelles ont été créées en Ile-de-France, il a été demandé à l’exploitant, la RATP, de participer à leur financement, et ce jusqu’à 17 % de leur montant ». D’où l’idée de mettre au point un dispositif semblable à l’article 4 de RFF, soumettant les investissements à une rentabilité financière suffisante pour ne pas détériorer les comptes de l’entreprise. Plus précisément, indique Pierre Mongin, la RATP est intéressée par un mécanisme inspiré par celui du gestionnaire du réseau de transport d’électricité, RTE, « auquel est imposé un Roce (résultat opérationnel sur capitaux employés) supérieur à 6 %. »
Exploitation et gestion des infrastructures : comment les séparer
La RATP devra, pour admettre des exploitants concurrents en Ile-de-France sur ses infrastructures, séparer les deux fonctions de gestionnaire d’infrastructures et d’exploitant de transport. L’exploitant historique s’apprête, « dans des conditions d’autonomie comptable, à identifier les coûts de la gestion des infrastructures et, conformément à la loi, à les faire certifier ». Dans le cadre de cette séparation comptable, une partie de la dette serait affectée à l’activité de gestionnaire d’infrastructure.
François?DUMONT
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