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Kallas arrive sur la pointe des pieds à la Commission

Publié le 27/01/2010 à 02h15

Le futur commissaire européen aux Transports, l?Estonien Siim Kallas, a été auditionné par les eurodéputés, qui, même s?ils n?ont pas tous été convaincus par son propos, ont décidé de lui faire confiance pour les cinq années à venir C’est un examen de passage obligé : Siim Kallas, le futur commissaire européen aux Transports, a été entendu pendant trois heures, le jeudi 14 janvier, par les membres de la commission Transports du Parlement européen. Ce moment fort de la désignation de la Commission européenne offre l’occasion à ceux qui vont occuper les nouveaux postes de lever le voile sur leur programme et leurs objectifs pour les cinq années à venir. Un programme élaboré après de nombreux briefings réalisés par les fonctionnaires de la direction générale correspondante. L’ancien Premier ministre estonien a donc tout d’abord présenté les grandes lignes de son action à venir avant de répondre aux questions des députés. S’exprimant dans un anglais parfois hésitant, il n’a pas forcément convaincu ou enthousiasmé ses interlocuteurs. Ce sont un peu les limites de l’exercice : le commissaire désigné n’a eu que quelques semaines pour découvrir son nouveau domaine, alors que certains députés sont eux de véritables spécialistes qui travaillent depuis des années sur certains dossiers. Mais, explique Dirck Sterckx, le coordinateur des libéraux pour le transport, « le jugement final, nous le connaîtrons dans cinq ans. Lors de ces auditions, il s’agit d’évaluer si nous sommes face à quelqu’un de compétent, qui a envie de travailler avec nous et qui sait communiquer ».
Les trois heures d’entretien ont permis de faire un tour d’horizon des grands chantiers. Le commissaire désigné a semblé extrêmement prudent, désireux de ne fermer aucune porte, tout en dégageant deux grands axes prioritaires pour son travail : l’unification du marché intérieur des transports et la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre.
Pour ce qui concerne le marché intérieur, l’ex-commissaire responsable de l’administration, proche du parti libéral, n’a néanmoins pas clairement indiqué si cela signifiait forcément à ses yeux une libéralisation accrue, notamment pour le trafic passagers domestique dans le ferroviaire, mais il a explicitement vanté les mérites de l’ouverture à la concurrence, qui a selon lui permis d’augmenter les parts de marché du rail sur certains segments. Il a préféré insister sur les avancées techniques comme l’ERTMS, plutôt que de se lancer d’ores et déjà sur un terrain miné. « Le rail est moins cher que la route pour les distances supérieures à 300 km, mais il reste moins choisi car moins ponctuel, a souligné le futur commissaire, il faut fluidifier le trafic. » N’empêche, certains députés, comme le socialiste belge Saïd El Khadraoui, lui ont reproché « son euphorie pour la libéralisation », tout en réclamant des études sérieuses sur son impact pour les secteurs déjà soumis à la concurrence. « Je ne suis pas euphorique, s’est défendu Siim Kallas, la libéralisation doit être compatible avec les règles sociales et environnementales. »
La réflexion semble plus aboutie sur le financement des infrastructures, qui doit permettre de faire disparaître les goulets d’étranglement. Siim Kallas paraît décidé à prendre le problème à bras-le-corps, à un moment propice, puisque le concept même du réseau transeuropéen est actuellement examiné en vue d’être révisé. Le nouveau titulaire transports a dénoncé le fait que les crédits continuaient d’aller majoritairement à la route, en vertu de critères souvent électoralistes. « Nous n’aurons pas plus d’argent, mais il faut arrêter le saupoudrage et concentrer les fonds sur quelques grands projets », a-t-il martelé devant les eurodéputés. Aux ministres des Transports et au Parlement de définir ensuite quels seront les investissements clés.
Dans le domaine de la lutte contre le réchauffement, il a également semblé vouloir se donner un peu de temps, refusant par exemple de définir un objectif chiffré de réduction des gaz à effet de serre pour le secteur. Il préfère évoquer un développement équilibré des transports et la nécessité de mieux les faire fonctionner. Le nouveau commissaire s’est cependant prononcé clairement en faveur de l’internalisation des coûts externes. « C’est une tâche énorme, mais je vous donne l’engagement le plus ferme possible que nous ferons les propositions législatives nécessaires », a-t-il promis aux députés de la commission Transports. Pour autant, il s’inquiète déjà qu’avec la directive Eurovignette, toujours bloquée au Conseil, « on arrive à un compromis qui ne satisfasse personne », et il refuse l’idée que les consommateurs aient à payer un prix plus élevé pour le transport. Difficile donc de cerner précisément ses intentions réelles sur ce thème. « Il faut avoir des ambitions pour verdir le transport mais elles doivent être financièrement abordables et réalistes », a-t-il résumé.
Par ailleurs, les députés se sont émus de la perte de compétence du commissaire : Galileo passant sous la coupe du commissaire à l’Industrie, et surtout l’examen des aides d’Etat revenant désormais à la Direction générale concurrence. Siim Kallas leur a rétorqué qu’il disposerait d’une direction générale uniquement Transports, alors qu’auparavant il devait partager avec l’Energie. « J’aurais préféré conserver les aides d’Etat, a-t-il reconnu, mais nous ferons entendre notre voix lorsque des lignes directrices seront élaborées. Les décisions de la Commission européenne sont collégiales. Je n’abandonne pas facilement lorsque je suis convaincu de quelque chose. »
Les parlementaires ne demandent qu’à le croire. A l’issue de l’audition, les coordinateurs de tous les groupes politiques et les vice-présidents de la Commission se sont réunis (à l’exception du Français Dominique Riquet, premier vice-président, retenu par ses obligations de maire de Valenciennes) pour décider de soutenir la candidature de Siim Kallas. Malgré l’opposition du groupe des Verts (Michael Cramer, leur spécialiste transports, critiquant une « audition très décevante »), ils ont décidé de lui faire confiance pour les cinq années à venir.
 

Isabelle ORY

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