La Bahn place ses pions au Qatar
La compagnie allemande vient de signer un important contrat de planification du futur réseau ferré de l?émirat. Une occasion unique de se positionner dans ce pays, à l?aube de sa révolution ferroviaire Des ICE rouge et blanc filant à 350 km/h entre les dunes de la péninsule arabique : le rêve de la Deutsche Bahn est en passe de devenir réalité. Fin novembre, la compagnie allemande a en tout cas pris une sérieuse option, en signant un contrat prometteur avec le Qatar. A la clef, la création d’une société commune, la Qatar Railways Development Company, dans laquelle la DB détiendra 49 % et l’émirat 51 %. La QRDC sera en charge de la planification du réseau ferré qatari qui doit sortir du sable d’ici 2026, soit un volume d’affaires de 700 millions d’euros. Assez peu, au regard du budget global du projet : le Qatar va investir 17 milliards d’euros dont 14 pour la construction des infrastructures et deux pour l’achat de matériel roulant. Mais pour la Bahn, cette alliance est surtout une occasion unique de se positionner auprès du cheikh Hamad Ben Jassem Al-Thani, le Premier ministre qatari, alors que le pays est à l’aube de sa révolution ferroviaire. Jusqu’ici, la presqu’île, qui vit de ses rentes pétrolières, a comme ses voisins misé sur le « tout-voiture ». Mais face à la forte croissance de sa population et l’engorgement de sa capitale Doha, le petit émirat veut se doter d’un système ferroviaire parmi « les plus modernes au monde », selon Rüdiger Grube, le patron de la DB. Le projet prévoit ainsi une ligne à grande vitesse reliant l’aéroport à Doha et se poursuivant jusqu’au Bahreïn voisin. Un axe de 180 km où les trains circuleront à 350 km/h. Autre liaison au programme : un tronçon de 100 km vers l’Arabie saoudite doté de trains roulant à 200 km/h. Côté fret, 325 km de voies sont envisagées, qui pourront aussi servir au transport de voyageurs. Enfin, quatre lignes de métro seront bâties à Doha, soit 300 km de rail et 98 stations. « Nous sommes heureux et fiers d’avoir été sélectionnés, poursuit Rüdiger Grube. Cela montre une nouvelle fois à quel point le savoir-faire de la Deutsche Bahn est apprécié à travers le monde. » Mais la compagnie n’entend pas se contenter de vendre son expertise. De fait, les Allemands visent un accès prioritaire au réseau. En s’associant aujourd’hui à la planification, la DB devrait avoir une longueur d’avance sur ses concurrents quand il s’agira de sélectionner les opérateurs. Une stratégie des petits pas qui pourrait rapporter gros : le marché est évalué à un milliard d’euros annuel par le ministère allemand des Transports. Le projet ferroviaire revêt aussi une dimension de prestige : le Qatar, qui rêve d’organiser la Coupe de monde de football, y voit un argument de poids pour convaincre la Fifa. Du coup, les lignes urbaines et à grande vitesse pourraient être mi-ses en service dès 2022. Toute l’industrie allemande pourrait bénéficier des retombées du contrat : le géant du BTP Hochtief pour la constrcution des infrastructures, ou Siemens pour les trains.?Mais la réalisation des projets ne se fera que sur des appels d’offres qui s’annoncent disputés. La Bahn, elle, voit déjà plus loin : alors que les projets ferroviaires se multiplient dans la région, « ce contrat est une excellente carte de visite », se félicite-t-on à Berlin.
Antoine HEULARD
Publié le 10/12/2024