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La communication à l?épreuve de la crise

Publié le 20/04/2010 à 11h45

Il y a de nombreuses manières de gérer une crise. Pour sa part, la SNCF a décidé de mettre en place tous les moyens techniques et humains pour mieux piloter les situations difficiles, et pour le faire en temps réel Désormais, tout le monde le sait : la SNCF se prépare régulièrement… au pire. Le 15 mars, un de ses entraînements censés s’effectuer en interne a été diffusé sur son site Internet. On pouvait y lire qu’une explosion d’origine inconnue s’était produite dans un TGV, causant le décès de 102 personnes et en blessant 380 autres. C’était simplement un exercice de simulation comme la SNCF en réalise une dizaine par an, pour apprendre à faire face à tous types de situations. Celui-là s’est retrouvé porté à la connaissance de tous, à la suite d’une erreur de manipulation. D’où une mini-crise médiatique : la SNCF a été moquée et sommée de s’expliquer.
Certains attachés de presse de la SNCF n’en reviennent toujours pas : pourquoi les journalistes s’intéressent-ils autant à un événement qui leur paraît plutôt anecdotique ? Selon des consultants spécialisés en communication d’entreprise, « la marque SNCF est extrêmement forte, extrêmement visible. Une grande marque crée de l’exigence de la part du public ».
À cet égard, l’année 2009 ne laissera peut-être pas que de bons souvenirs. Fermeture de la gare de Paris-Saint-Lazare en janvier après plusieurs semaines de grève des conducteurs, collision mortelle d’une rame du RER B avec des supporters lillois en Seine-Saint-Denis en mars, caténaires régulièrement arrachées causant d’importants retards de trains, et l’apothéose, à la fin de l’année dernière, avec le blocage de plusieurs Eurostar dans le tunnel sous la Manche, amenant Nicolas Sarkozy à demander des explications à la SNCF.
Thierry Liebart, chercheur et maître de conférence à l’IEP de Paris et à Louvain, distingue trois temps forts dans la communication de crise. « On commence par s’excuser. Puis on apporte des éléments d’explication. Enfin, on s’engage à faire mieux la prochaine fois. » Dans les cas les plus graves, on envoie le président de l’entreprise en première ligne.
Reste, selon le chercheur, un élément qui vient perturber cet enchaînement lorsqu’il met en cause des trains : les voyageurs qui ont subi des gênes expriment fortement leur mécontentement. « Ces personnes perturbent le discours lissé de l’entreprise. D’autant qu’elles mettent en avant les difficultés de la SNCF à donner des informations à bord de ses trains. À la SNCF, un train peut s’arrêter longtemps sans que l’on ait d’éléments d’explication. » Avec leurs portables, les voyageurs sont hyperréactifs. « Il suffit d’avoir deux heures de retard pour prévenir. Les informations arrivent vite sur les supports de presse, avant même que la SNCF puisse réagir », poursuit Thierry Liebart. Le recours à Internet, aux réseaux sociaux, Facebook ou Twitter, accélère la diffusion des informations et sert de canal à toutes les critiques émises. Surtout si l’entreprise en face ne parvient pas à utiliser rapidement ce même outil à son profit.
« La SNCF doit apprendre à communiquer à bord des trains. C’est le maillon faible de l’entreprise. Ce n’est pas insurmontable. L’exemple de la RATP le montre : ses agents ont appris à prendre facilement le micro pour expliquer ce qui se passe quand ils sont obligés d’arrêter leur rame de métro », rappelle Thierry Liebart. Ces refrains sont bien connus de tous les dirigeants de la SNCF, qui se demandent depuis des années comment mener à bien cette transformation culturelle. En situation de crise, les règles ne sont pas complètement les mêmes. « En France, la meilleure communication de crise, c’est celle dont on ne parle pas », résume le chercheur. La culture du secret domine parmi les entreprises. Air France refuse de dire quoi que ce soit sur sa communication de crise. Et beaucoup font tout pour ne pas avoir à inviter des journalistes à leurs exercices de simulation. Secret maison oblige.
« La qualité de communication d’une entreprise découle directement de la manière dont elle est organisée en interne », souligne Antoine Calendrier, directeur associé en charge de la communication de crise chez Euro RSCG. « Quand on prend une décision qui va être communiquée à l’extérieur, c’est le choix d’un compromis (entre les dirigeants, les financiers, les avocats, les syndicats…). »
Selon lui, la politique de communication adoptée par une entreprise est susceptible de la transformer. « La posture, c’est-à-dire la manière dont vous voulez apparaître aux yeux du public, génère des changements structurels. Une nouvelle organisation se met en place d’après cette vision et peut influencer la technique, la qualité, les prix… »
Antoine Calendrier estime que « les entreprises comme la SNCF ou la RATP prennent plutôt bien en compte le sujet de la communication de crise. Elles se préparent, elles ont mis en place des plans qui fonctionnent et elles ont constitué des cellules de crise ». Les moyens se professionnalisent et les personnels reçoivent des formations. « Nous avons fait beaucoup de benchmarking et avons rencontré beaucoup d’entreprises avant de nous doter de nos outils pour gérer les situations de crise », souligne Pascal Halko, le délégué à la communication sensible et de crise à la RATP. La Régie a formalisé les procédures à suivre en fonction des incidents potentiels. Rien n’est laissé au hasard.
Reste un paramètre important : le facteur humain et sa capacité à s’adapter et à maîtriser le stress inhérent à la crise. « Une situation de crise exige une capacité d’agilité », insiste Antoine Calendrier. Car, évidemment, quand une crise survient, ce n’est jamais celle à laquelle on avait pensé.
 

Marie-Hélène POINGT

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