La DB fait les yeux doux à Hitachi
En bisbille avec les constructeurs occidentaux, la compagnie allemande envisage de placer sa prochaine grosse commande auprès des Japonais Après la Grande-Bretagne, l’Allemagne ? Contre toute attente, Hitachi pourrait prendre pied outre-Rhin, à la faveur d’un appel d’offres de la Deutsche Bahn. D’ici 2020, la compagnie allemande veut acheter 300 trains pour remplacer sa flotte d’Intercity et la première génération de ses ICE. Une commande estimée à quatre milliards d’euros au moins et qualifiée d’« historique » par l’opérateur. Seulement, voilà, les offres présentées par les constructeurs occidentaux ne conviennent pas à la DB. Beaucoup trop cher, affirme t-on à Berlin. « Le prix proposé n’est pas acceptable », déplore Ulrich Homburg, le directeur grandes lignes. « L’industrie ferroviaire n’a manifestement pas compris qu’il y a une limite à ce que l’on peut payer. » De fait, la Bahn reproche à l’industrie de refuser la compétition. Seuls Siemens et Alstom sont en course, Bombardier ayant préféré s’associer au constructeur munichois en tant que sous-traitant. Résultat, l’industriel français aurait présenté un dossier « qui n’est pas à prendre au sérieux », affirme-t-on dans l’entourage de la DB. L’offre canado-bavaroise est, elle, évaluée à 6 milliards d’euros, un tiers de plus que ce que la compagnie est prête à débourser. « On ne peut pas livrer un train à grande vitesse au prix d’un train régional », rétorquent les constructeurs. Reste que la firme dirigée par Rüdiger Grube fait pression sur les constructeurs. Rompant avec l’usage selon lequel ces questions ne sont pas débattues en public, la compagnie hausse le ton : elle menace de revoir l’appel d’offres et de le diviser en plusieurs lots, dont certains pourraient revenir directement à des « constructeurs asiatiques », plus compétitifs. Le nom d’Hitachi n’est pas prononcé, mais il est pensé suffisamment fort pour que le message se fasse entendre. Alors, bluff ou réelle menace ? Ce bras de fer est en tout cas une nouvelle illustration des relations difficiles qu’entretient la DB avec l’industrie ferroviaire. A l’occasion de cet appel d’offres, la tension est montée d’un cran car l’opérateur a changé les règles du jeu : il refuse de payer une avance aux constructeurs. Le chèque sera signé à la livraison des trains, mais pas avant, au grand dam de l’industrie. Ce contexte tendu pourrait donc faire le jeu de Hitachi qui, dans les cinq prochaines années, espère quasiment quadrupler le chiffre d’affaires réalisé à l’étranger par sa division train.
Antoine HEULARD
Publié le 10/12/2024