La Deutsche Bahn pessimiste face à la crise
Pour la première fois depuis le début des années 2000, les « prévisions à moyen terme » de la Bahn sont franchement sombres La Deutsche Bahn n’en finit plus de payer les conséquences de la crise. La compagnie, qui, l’automne dernier, a déjà dû renoncer à son rêve d’entrée en Bourse, s’attend aujourd’hui à vivre une longue période de vaches maigres.
D’après le magazine allemand Capital, qui cite un document interne, la DB aurait drastiquement réajusté ses ambitions : après cinq années exceptionnelles marquées par des records de croissance, l’opérateur anticipe désormais un brutal coup d’arrêt. DB Mobility Logistics (la filiale regroupant les activités de transport et de logistique) aurait ainsi revu en baisse de 13 milliards d’euros son objectif initial de chiffre d’affaires. L’an dernier, la compagnie ambitionnait une progression de 30 % de ses recettes d’ici 2012, à 41 milliards d’euros. « Ces prévisions ne sont plus d’actualité », reconnaît un porte-parole du groupe. « Nous attendons la fin du premier trimestre 2009 pour évaluer les répercussions de la crise », poursuit-il. Mais au siège, le pessimisme semble bien de rigueur. Le fret est ainsi durement pénalisé par la baisse de la production industrielle dans les secteurs de la chimie ou de l’automobile. En décembre, le nombre de trains de marchandises a ainsi chuté de « 30 à 40 % » par rapport à l’année précédente. Pour contenir les surcapacités, l’opérateur a remisé 8 000 wagons, soit 8 % de son parc. La mesure devait être temporaire, en attendant un regain d’activité en janvier. Mais voilà : le rebond se fait attendre. Du coup, la filiale de fret ferroviaire Railion a dû mettre davantage de wagons à quai : 35 000 aujourd’hui, après un pic à 45 000 aux premiers jours de l’année. Désormais, Railion envisage de mettre une partie de ses 28 874 cheminots au chômage technique. Enfin, un programme d’économie serait à l’étude. Il prévoirait notamment des suppressions de postes administratifs, afin d’alléger les coûts fixes. Autre douche froide, hautement symbolique : la Bahn s’est résignée à abandonner, du moins pour l’instant, la liaison Chine – Europe qu’elle prépare pourtant avec minutie depuis plus d’un an. L’exploitation commerciale devait commencer en février à raison d’un aller-retour par semaine. Mais avec la baisse généralisée de la demande, le projet est reporté à une date qui reste encore à déterminer. Ces coups durs expliquent-ils à eux seuls les prévisions alarmistes de la DB ? Car elle vient d’entamer un difficile round de négociations salariales. « Elle peut être tentée de noircir le tableau pour contrer les syndicats qui réclament des augmentations allant jusqu’à 10 % », décrypte Maria Leenen, directrice du cabinet d’expertises ferroviaires SCI Verkehr. « La compagnie est certes touchée par la crise, mais elle est capable d’affronter une chute d’activité dans le fret car elle a gagné beaucoup d’argent sur ce créneau qu’elle domine par ailleurs en Europe. »
En revanche, la crise financière pourrait indirectement mettre à mal le trafic passagers régional. D’ici trois ans, l’Allemagne doit réévaluer les subventions accordées aux opérateurs œuvrant sur les réseaux régionaux. « Or les plans de soutien à la conjoncture votés actuellement plombent les comptes publics, et l’enveloppe risque d’être revue à la baisse », note Maria Leenen. L’activité se révélera alors nettement moins rentable. De quoi donner des sueurs froides à la Bahn, qui réalise un tiers de ses bénéfices sur ce segment.
Antoine HEULARD
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