La sourde colère de l'industrie ferroviaire allemande
Les constructeurs allemands sont très remontés contre la DB qui ne veut plus participer au préfinancement des commandes de matériel roulant Une politique « contraire aux pratiques commerciales loyales ». Les constructeurs allemands de trains ne décolèrent pas. Depuis plusieurs mois, un conflit larvé les oppose à leur principal donneur d’ordre : la Deutsche Bahn. En ligne de mire : le nouveau mode de financement des contrats introduit par la compagnie lors de ses derniers appels d’offres.
Jusqu’à présent, le règlement des commandes s’effectuait en quatre étapes, selon le principe du “30-30-30-10” : dès la signature du marché, l’opérateur signait un chèque équivalent à 30 % du montant de la vente. Les 30 % suivants étaient versés au cours de la production. Un avant-dernier versement de 30 % intervenait lors de la livraison. Le constructeur recevait les 10 % restants, une fois la période de garantie achevée.
Mais la DB a décidé de changer les règles du jeu. De fait, la compagnie ne veut plus participer au préfinancement des contrats. Selon la nouvelle formule, la commande serait payée à 60 % lors de la remise du matériel roulant. Le reliquat, encore plus tard, une fois livré l’ensemble des trains (30 %), puis après la période de garantie (10 %).
La puissante fédération de l’industrie ferroviaire (VDB) est en émoi et accuse la compagnie publique de profiter de sa position dominante sur le marché allemand. « Dans un contexte de récession économique, la Bahn, détenue à 100 % par l’Etat, menace sans raison l’existence de l’industrie ferroviaire et sa force d’innovation », s’indigne Ronald Pörner, le directeur principal de la VDB, dans les colonnes du Leipziger Volkszeitung. « Nos marges ne nous permettent pas de financer seuls la mise en route du processus de fabrication », précise Sacha Nicolai, porte-parole de la fédération.
L’incompréhension est d’autant plus forte que la Bahn serait la seule compagnie en Europe à pratiquer cette politique, selon la VDB. Certains observateurs y voient une « manœuvre cosmétique » du patron des chemins de fer allemands, Hartmut Mehdorn, qui chercherait ainsi à embellir le bilan comptable de son groupe. Le nouveau système de paiement permet en effet de retarder l’inscription dans les comptes des dépenses de matériels roulants.
Un argument balayé par l’opérateur, qui s’étonne de la polémique créée par ces nouvelles règles, qu’elle juge « courantes » dans le secteur industriel.
Les deux parties ont néanmoins entamé des négociations pour tenter de trouver un compromis. Mais la transaction s’annonce très serrée pour les constructeurs, qui ne sont pas vraiment en position de force. D’ailleurs, les critiques ne se font entendre qu’à mi-voix. Et pour cause : la compagnie allemande s’apprête à renouveler une partie très importante de sa flotte. Entre 2015 et 2030, elle veut mettre en service 300 trains à grande vitesse, en remplacement de son parc vieillissant d’IC.
Estimé à plusieurs centaines de milliards d’euros, cet « appel d’offres du siècle » fait saliver les constructeurs, qui ne veulent pas prendre le risque de froisser la compagnie.
« Nous réalisons 26 % de notre chiffre d’affaires à l’export », explique Sacha Nicolai. « Mais la DB reste un poids lourd incontournable, et chacun espère décrocher des contrats auprès d’elle. »
Antoine HEULARD
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