L?autocar sur la route de la libéralisation
Le deuxième paquet routier européen autorise désormais le cabotage pour le transport par autocar, c?est-à-dire la desserte entre deux villes d?un même pays dans le cadre d?une liaison internationale C’est un sujet qui monte en Europe, le retour de l’autocar comme alternative au train pour les trajets longue distance. En France, mais aussi en Allemagne, la réflexion est en cours, alors que des lois datant des années 30 empêchent de facto les cars de concurrencer le rail sur l’interurbain. Selon la presse allemande, Berlin envisage de légiférer d’ici 2011. En France, le gouvernement a mandaté un groupe de travail sur le sujet (voir VR&T n° 493 du 7 avril 2010) et veut tenter l’expérience entre Lyon et Bordeaux. Au niveau européen, le lobby routier promeut activement ce mode de transport longtemps délaissé avec sa campagne « SmartMove », qui vise à doubler l’utilisation des cars d’ici dix à quinze ans. « Nous aimerions que ce soit l’un des objectifs du futur livre blanc de la politique des transports, nous espérons provoquer un changement de mentalité chez les décideurs politiques », explique Oleg Kamberski, de l’IRU.
Une agitation qui fait suite à l’adoption du deuxième paquet routier au niveau européen en décembre dernier. Celui-ci autorise le cabotage pour le transport par autocar, c’est-à-dire la desserte entre deux villes d’un même pays dans le cadre d’une liaison internationale. Certes l’Etat-membre peut refuser son autorisation si cette desserte fait concurrence à un mode de transport détenteur d’un contrat de service public, mais c’est un assouplissement par rapport à la situation antérieure. « Désormais, si l’autorisation est refusée, il faut vraiment que ce soit pour des raisons objectives », explique une source à la Commission européenne. Le texte définit les conditions sous lesquelles les transporteurs internationaux peuvent faire des arrêts. Une possibilité qui intéresse au plus haut point Veolia, propriétaire d’Eurolines, qui relie déjà les grandes métropoles européennes. « Nous attendons de voir ce qui va se passer en France et en Allemagne, explique Michel Quidort, en charge des affaires européennes chez Veolia, mais nous avons déjà identifié un marché qui sera limité en termes de passagers et de chiffre d’affaires. »
En Allemagne, la Deutsche Bahn se met en ordre de marche pour jouer un rôle sur ce nouveau marché. En France, la SNCF se positionne comme opérateur multimodal. « Nous ne sommes pas opposés à cette ouverture, mais nous souhaiterions un débat au niveau européen, explique Jean-Michel Dancoisne, le représentant de l’entreprise publique à Bruxelles. Nous aimerions une étude d’impact et dans un second temps la définition d’un cadre commun qui s’appliquerait partout. Sinon, il n’y aura pas de cohésion et on risque d’être confronté au problème de réciprocité d’ouverture des marchés. » Une démarche dans laquelle l’opérateur ferroviaire semble pour le moment isolé car aussi bien du côté du lobby routier que de la concurrence, on préfère attendre de voir ce qui se passe au niveau des Etats. A Bruxelles, la Commission n’envisage pas non plus de légiférer, elle estime que ce sont les capitales qui doivent décider, mais elle reconnaît que le débat qui s’engage est bien une conséquence indirecte du paquet routier. Il a bel et bien ouvert une brèche.
Isabelle ORY
Publié le 10/12/2024