Les autocars vont bientôt concurrencer la Bahn en Allemagne
Sortis vainqueurs des élections générales fin septembre, les libéraux et les conservateurs veulent donner la priorité au transport routier. Dans moins de quatre ans, les compagnies de cars pourront ainsi circuler librement sur le sol allemand C’est peut-être la fin de dix années bénies pour la Bahn. Après la crise qui met à mal ses activités de fret, un nouveau nuage se profile à l’horizon : le nouveau gouvernement. Sortis vainqueurs des urnes fin septembre, les conservateurs et les libéraux sont sur le point de réorienter la politique de transport allemande. Alors que depuis 1998 les législatures précédentes faisaient la part belle au rail, la nouvelle coalition entend cette fois-ci privilégier la route. L’illustration la plus tangible de ce virage : la prochaine mise sur pied d’un vaste réseau d’autocars entre les grandes villes du pays. L’Allemagne veut importer le modèle nord-américain des « Greyhound Lines », la fameuse entreprise de transport de passagers par autocar. C’est même l’une des mesures phares du contrat de gouvernement signé entre les deux partis au pouvoir : d’ici 2013, le Bundestag va réformer la loi sur le « transport des voyageurs ». Vieille de près de 80 ans, cette réglementation établit le monopole des chemins de fer sur les trajets collectifs intérieurs terrestres. Bientôt, la DB va donc devoir composer avec de nouveaux challengers. Après les compagnies aériennes low-cost, les cars vont pouvoir marcher sur ses platebandes. De fait, cette rivalité existe déjà sur certaines liaisons. Avant la réunification, le gouvernement de l’Ouest avait déjà ouvert une brèche dans la loi sur le transport des voyageurs. Les compagnies d’autocars étaient alors autorisées à circuler entre la RFA et Berlin-Ouest afin de limiter l’isolement de ce petit îlot du « monde libre » perdu au milieu d’un « océan communiste ». Trois voies de transit avaient été ouvertes, en direction de Munich au sud, Hambourg au nord et Francfort à l’ouest. Après la chute du mur, cette dérogation a été maintenue, si bien qu’aujourd’hui plusieurs autocaristes sont encore actifs sur ces trajets. « L’objectif désormais est de libéraliser le secteur », explique un porte-parole du ministère des Transports. « L’autocar est une alternative intéressante pour certaines catégories de voyageurs qui veulent dépenser moins et sont prêts à mettre plus de temps pour effectuer un parcours donné, les étudiants par exemple. » Le prix : voilà l’argument que les autocaristes veulent mettre en avant pour prendre des clients à la DB. Selon leurs estimations, un trajet en car coûte en moyenne de 30 à 60 % moins cher. A titre de comparaison, il faut compter 88 euros pour un aller-retour Berlin – Hambourg, contre 226 en ICE. « A cause du manque de concurrence, la Bahn se permet de réclamer chaque année davantage d’argent à ses clients : cette mauvaise habitude va bientôt prendre fin », salue le ministre des Transports (libéral) de Saxe. D’après ses calculs, l’opérateur historique aurait augmenté ses tarifs de 23 % entre 2004 et 2008. En Allemagne, les autocaristes se frottent les mains : 200 à 300 opérateurs sur les 5 000 que compte le secteur seraient prêts à se lancer, selon la fédération professionnelle BDO. Des compagnies qui en tout cas n’entendent pas se contenter de la clientèle jeune et désargentée. Certains imaginent déjà des solutions haut de gamme, avec station de travail et Wifi, pour attirer la clientèle d’affaire. Mais leurs ambitions pourraient se heurter… à celles de la Deutsche Bahn. Car la compagnie ferroviaire est en embuscade. Et pour cause : avec une flotte de 13 200 bus (urbains ou longue distance), la DB est aussi la plus grande entreprise d’autocars d’Allemagne. Si elle perd des clients côté train, elle pourrait donc bien les récupérer dans ses cars. « La DB sera sûrement l’un des principaux acteurs de ce nouveau marché », souffle le porte-parole de la BDO, un brin résigné.
Antoine HEULARD
Publié le 10/12/2024