Quand la Bahn noyautait les médias
Après l’espionnage de ses salariés, la compagnie allemande est éclaboussée par un nouveau scandale Chaque jour apporte son lot de révélations sur les pratiques douteuses de la DB. Dernier scandale en date : la compagnie est soupçonnée d’avoir cherché à manipuler l’opinion publique à coup d’actions de « marketing pirate » : forums Internet, courriers des lecteurs, articles d’opinion dans la presse. La compagnie a dépensé 1,3 million d’euros en 2007 pour infiltrer en toute discrétion les médias et faire avancer ses idées.
Certains experts reconnus et jusque-là considérés comme « indépendants » auraient été payés par la Bahn pour publier des tribunes favorables à l’opérateur dans les pages « Débats » de plusieurs grands journaux. Il s’agissait en particulier de défendre la privatisation partielle, contestée par une partie de l’opinion. A chaque fois, les auteurs taisaient la relation commerciale qu’ils entretenaient avec la DB.
Même stratagème sur Internet, où de faux bloggueurs, sous contrat avec la Bahn, étaient chargés de poster des commentaires élogieux sur la compagnie. Sur le site du Spiegel, l’un des médias d’information en ligne les plus visités d’Allemagne, le quart des commentaires concernant la DB auraient été dictés par l’opérateur.
La DB s’était par ailleurs attaché les services d’un « think-tank » berlinois très en vue. Ce cabinet officiellement autonome relayait des sondages prétendument indépendants, mais en réalité pilotés par la compagnie et dont on imagine aujourd’hui qu’ils étaient biaisés. Un subterfuge utilisé par exemple pour affaiblir le syndicat des conducteurs de train GDL, engagé dans un mouvement de grève très dur fin 2007. « 55 % des Allemands jugent injustifiés les débrayages », écrit alors le cabinet d’experts, sans préciser que ce résultat provient d’une enquête commandée par la DB. A l’époque, l’« information » avait été reprise sans précaution par la plupart des médias.
« Ce think-tank jouissait d’une grande crédibilité, alors que ces assertions lui étaient directement soufflées par la Deutsche Bahn », critique l’association Lobby Control, qui a révélé l’affaire, écornant un peu plus l’image de la DB, déjà ébranlée par le scandale d’espionnage de ses salariés.
Le nouveau patron du groupe, Rüdiger Grube, a dénoncé ces pratiques et licencié le directeur du marketing, responsable de l’opération. La compagnie pourrait néanmoins être poursuivie pour concurrence déloyale.
Antoine HEULARD
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