Le tribunal administratif fédéral exige le retrait de certaines clauses « abusives » fixées par la filiale de la Bahn lors de l’attribution des sillons. Un jugement qui pose une nouvelle fois la question de l’indépendance du gestionnaire de l’infrastructure. Le verdict était très attendu par tous les concurrents de la Deutsche Bahn qui s’estiment lésés dans leur droit à un juste accès au réseau ferré. Après le prix de l’électricité et les taxes d’arrêt en gare, ce sont cette fois-ci les conditions d’utilisation des sillons qui se retrouvent dans le collimateur de la justice. Par exemple, l’obligation faite aux compagnies empruntant les rails allemands d’embaucher exclusivement du personnel maîtrisant la langue de Goethe, « à l’écrit et à l’oral », précise le gestionnaire de l’infrastructure, tout en ajoutant que cela vaut également pour les agents d’entretien. Autre critère litigieux : DB Netz exige que soit systématiquement réglée l’intégralité du prix des sillons, y compris lorsque les voies sont inutilisables pour cause de travaux. Au total, le tribunal administratif fédéral a listé treize dispositions « discriminatoires », suite à une plainte déposée par l’Agence des réseaux, le gendarme allemand du rail. DB Netz est désormais sommé de mettre fin sine die à ces pratiques qui entravent la concurrence.
Dans un communiqué, l’opérateur historique cherche à relativiser la portée de cette condamnation. « La justice s’est déjà prononcée sur 99 clauses litigieuses et plus de 80 d’entre elles n’ont pas été recalées », rappelle-t-il. Il n’empêche : ce jugement pose une nouvelle fois la question de l’indépendance de DB Netz. Car cet épisode donne des arguments supplémentaires à tous ceux qui souhaitent que la Deutsche Bahn n’ait plus la main mise sur le réseau. Hasard du calendrier, la commission des Monopoles vient justement de rappeler à l’ordre la DB. Pour la troisième fois en trois ans, cet organe qui conseille le gouvernement sur les questions de concurrence estime qu’il est urgent de placer DB Netz sous la tutelle de l’Etat, afin de garantir « une concurrence juste et stable, dont les usagers seraient les premiers bénéficiaires ». Au passage, les experts égratignent le gouvernement, qui ne prendrait pas ses responsabilités : au début de l’année, le ministre des Transports avait annoncé qu’il ne séparerait pas la Bahn de sa filiale, malgré les injonctions de Bruxelles. Mais ce statu quo n’en finit plus de faire des vagues.
Le syndicat des conducteurs de trains (GDL) vient désormais à son tour grossir les rangs des partisans du divorce forcé entre la Bahn et sa lucrative filiale (1,2 milliard d’euros de bénéfices attendus en 2015). Pour l’organisation professionnelle, les compagnies privées ne cessent de tirer les salaires de leurs cheminots vers le bas, pour compenser les surcoûts liés à cette compétition biaisée. « La concurrence, ou plutôt la concurrence imparfaite, se fait sur le dos des salariés », déplore Claus Wesselsky, le président de GDL. La DB rejette ces accusations et fustige l’analyse trop simpliste de la commission des Monopoles : « Tous les pays qui ont séparé le réseau des activités opérationnelles ont connu une explosion du prix des sillons », met en garde la compagnie.
Antoine Heulard
Il y a 5 mois - Junjie Ling