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« Nous demandons l’ouverture à la concurrence des liaisons par autocars au-delà de 200 kilomètres »

Mis à jour le 23 mai 2017

Les autocaristes affichent leur satisfaction après la présentation, fin février, de l’avis de l’Autorité de la concurrence en faveur d’une ouverture plus large du marché à la concurrence. Pour Michel Seyt, c’est une première étape qui doit maintenant se traduire dans la législation.   

Ville, Rail & Transports. Après l’avis présenté le 27 février par l’Autorité de la concurrence qui se prononce pour le développement de l’autocar en France, que vous reste-t-il à faire ?

Michel Seyt. Nous nous félicitons de cet avis car c’est la première fois que l’autocar est considéré comme un moyen de transport nécessaire. Les efforts engagés depuis plusieurs années par la FNTV pour promouvoir l’image de l’autocar portent enfin leurs fruits.

Mais il faut maintenant que les textes reprennent les recommandations de l’Autorité de la concurrence qui ne représentent qu’un avis. On nous dit aujourd’hui qu’il y a une forte probabilité pour que certaines propositions de l’Autorité de la concurrence figurent dans le volet 2 du projet de loi sur la décentralisation. Nous allons continuer à travailler et à faire des propositions au gouvernement. Un de nos principaux messages, c’est de dire qu’il faut qu’une part des lignes nationales soit en open access.

 

VR&T. Quelles doivent être les critères, selon vous, permettant cet open access ?

M. S. Pour la première fois, l’Autorité de la concurrence s’est ralliée à notre proposition : se baser sur un critère kilométrique (et non plus sur un critère administratif – le niveau de la région – comme elle l’évoquait précédemment), pour mettre en place un régime d’autorisation de plein droit des liaisons au-dessus d’une certaine distance. Compte tenu de la taille de la France, un opérateur qui le souhaite devrait avoir le droit de proposer d’ouvrir une ligne sur une distance d’au moins 200 à 250 km. Se baser sur un critère kilométrique, c’est ce qui se fait un peu partout ailleurs en Europe, c’est la tendance générale. Les textes européens se réfèrent aussi à ce critère.

Cela n’interdirait pas aux régions qui le souhaitent de contractualiser avec des opérateurs sur des parcours dépassant les 250 kilomètres.

Ce dispositif permettrait aussi aux régions de répondre à une question prégnante : quid des lignes ferroviaires interrégionales menacées ? Si le train est moins pertinent, les régions peuvent préférer une liaison par autocar moins onéreuse, pouvant être mise en place très rapidement.

 

VR&T. Quels garde-fous proposez-vous ?

M. S. L’Etat a peu de moyens de contrôle. Une autorité de régulation pourrait s’assurer du respect des dispositions. Aujourd’hui en France, de nombreuses demandes d’ouvertures de lignes sont refusées dès lors qu’on estime qu’elles risquent de faire légèrement régresser les recettes du chemin de fer. Or, il faudrait regarder si elles plombent vraiment les comptes ou pas. L’idée selon laquelle l’autocar viendrait écrémer le trafic ferroviaire est fausse. Il y aura évidemment un peu de report de clientèle mais il y aura surtout de nouveaux voyageurs : partout où une ligne par autocar s’est mise en place, on a vu les parts de marché du transport public augmenter.

Ce que préconise l’Autorité de la concurrence, c’est un système d’autorisation. Par ce biais, vous apportez des garanties aux voyageurs. Nous voulons simplifier le système avec une Autorité qui arbitre. L’Autorité de régulation doit avoir un droit de regard en amont. L’Araf [Autorité de régulation des activités ferroviaires, ndlr] pourrait tenir ce rôle si on élargit ses compétences. Nous souhaitons que l’Araf soit chargée de vérifier si la ligne proposée par un opérateur porte atteinte – ou pas – au service existant. Cela peut surprendre que la FNTV demande une autorité de la régulation. Pour nous, c’est la clé de la réussite. Seule une Autorité de régulation peut permettre de passer d’un système cadenassé à un système ouvert.

 

VR&T. Est-ce que cela suffira à rassurer les régions qui se montrent, comme le rappelle l’Autorité de la concurrence, opposées à l'ouverture de lignes routières ?

M. S. Nous entendons les inquiétudes de l’Etat, de la SNCF et des collectivités locales sur le modèle économique des liaisons ferroviaires. Dans notre pays, la culture ferroviaire est bien réelle et il y a un véritable maillage du réseau ferré. Nous ne voulons pas être à l’origine d’une désorganisation totale. Mais on sent bien qu’il y a un marché pour les liaisons longue distance en autocar.

Il y a de nombreuses liaisons qui ne sont pas desservies par le train. Certaines ne fonctionneront peut-être plus demain. Et est-on certain que les origines – destinations sont les mêmes par train ou par autocar ? Rappelons enfin qu’un opérateur d’autocar exploite des lignes à ses risques et périls. Le parc est a minima Euro 4, voire Euro 5. Ce sont donc des véhicules propres, confortables et sûrs. Nous disposons d’un réseau routier performant. Concédé ou pas, il est offert aux voitures particulières. Mais pas aux transports publics !

De plus, le secteur routier de voyageurs embauche. Nous aurons la possibilité de développer le marché de l’emploi, évalué à 10 000 postes. Ce sont des emplois à plein-temps, avec des métiers qui évoluent. Un exemple : les capitaines de bord mis en place par iDBus ne remplissent pas seulement le rôle de conducteur. Ils ont aussi une fonction d’accueil commercial dans une logique de service.

 

VR&T. Sur certaines lignes, la concurrence avec le train pourrait être frontale car les prix sont beaucoup plus bas par la route…

M. S. La tentation pourrait être grande d’inonder le territoire avec de multiples liaisons d’autocars low cost. Je me dis qu’il faut être prudent par rapport à cette tentation-là.

Le deuxième volet de notre démarche, c’est la réussite de la mise en œuvre. L’offre doit répondre à un besoin de mobilité. Il faut prendre en compte les comportements de certains voyageurs qui semblent enclins à aller vers le covoiturage. Or, ce ne sont pas seulement des automobilistes qui ont laissé leur voiture au garage. Ce sont aussi des voyageurs qui sortent du système du transport public. Il faut donc faire en sorte que notre offre soit visible. Et proposer toute une série de destinations que vous ne pouvez pas faire en train sur des longues et moyennes distances.

Laissons le dernier mot aux voyageurs ! Comme le souligne l’Autorité de la concurrence, permettons aux clients aux revenus modestes, des étudiants par exemple, ou à ceux qui ont du temps pour voyager, comme les retraités, de choisir s’ils préfèrent un billet d’autocar à 10 euros ou payer un peu plus cher pour prendre le train. Je rappellerai une phrase dite par Guillaume Pepy lors de notre dernier congrès : « Là où le voyageur utilise le car, il le plébiscite. »

 

VR&T. N’y a-t-il pas un risque pour les opérateurs français de voir débarquer la concurrence européenne ?

M. S. Les opérateurs de tous les pays européens pourront se porter candidats. Forcément, l’ouverture du marché intéressera les Allemands et les Britanniques. En Grande-Bretagne, les opérateurs savent proposer des services d’autocars de haute qualité de service. Les opérateurs français sont aussi capables de le faire. Aujourd’hui, trois opérateurs développent leurs activités : iDBus, Eurolines et Starshipper. Il existe un marché, même s’il est émergent. Plus on retarde l’ouverture en France, moins les Français pourront se préparer à la concurrence.

Nous préférons parler d’ouverture plutôt que de libéralisation car la libéralisation peut donner le sentiment qu’on privatise. L’Araf vérifiera que toutes les conditions de sécurité sont réunies. Et s’il y a atteinte ou pas à une ligne de service public.

 

VR&T. Les gares routières sont-elles adaptées ?

M. S. Nous avons lancé une étude sur ce thème et constaté que la France a perdu 50 % de ses gares routières depuis la Seconde Guerre mondiale. Si on retient les gares avec présence humaine et vente de titres, on tombe à 20 %. Le seul texte qui parle des gares routières remonte à une ordonnance de 1945. C’est dire si le sujet a été travaillé !

On ne peut dissocier le développement des autocars de la renaissance des gares. L’enjeu est fondamental : regardez où Eurolines embarque ses passagers, parfois c’est au coin d’une rue ! Les autocars sont considérés comme encombrants mais rien n’est fait pour les accueillir.

Nous avons regretté que le sujet sur les gares routières ait été retiré du volet 1 de la loi sur la décentralisation. Tout doit maintenant être traité dans le volet 2.

Les périmètres urbains se sont étendus et on a multiplié les compétences des uns et des autres, qui se chevauchent : le conseil général organise les transports départementaux et scolaires, la région ceux par TER… Demain, il faudra répondre à une question : faut-il que les gares routières soient proches de celles de la SNCF ou éloignées ? Dans certains cas comme à Montpellier, la gare routière ne peut plus être proche comme elle l’était autrefois car le réseau de tramway s’est développé. La gare routière doit donc être en périphérie.

Si personne ne demande à avoir la compétence sur la gare routière, nous proposons que ce soit la région qui l’ait. Ce qui garantit une réflexion à la bonne échelle, jouant sur la complémentarité des transports et offrant une information multimodale.

 

VR&T. Jean-Marc Ayrault a annoncé fin février des agendas d’accessibilité programmée (Ad’ap) qui repoussent l’obligation de mise en accessibilité des transports au 1er janvier 2015. Comment réagissez-vous ?

M. S. Le gouvernement a eu deux mérites. D’abord, de décider de prendre le sujet à bras-le-corps en expliquant pourquoi il y avait du retard dans les réalisations. Dans notre secteur, l’obligation formelle de rendre accessible date de moins de dix ans car il a fallu attendre les décrets d’application de la loi de 2005. C’était un délai impossible à tenir. On ne peut imaginer que 6 000 ou 7 000 points d’arrêts puissent être rendus accessibles en dix ans. Le Premier ministre n’a pas repoussé la loi mais il a expliqué – c’est le second mérite – qu’il mettait en place un processus pour aboutir.

Les départements vont donc devoir établir un agenda programmant l’accessibilité. Il y aura des engagements financiers et pragmatiques. On ne peut pas par exemple desservir de la même façon un département très urbain et un département de montagne. Ainsi on saura ce qu’il faut faire partout. Les Ad’ap vont donner la direction et permettre d’adapter les parcs sur les lignes nationales régulières. Le transport scolaire va être traité de façon particulière. Les départements vont pouvoir se tourner vers les familles en leur demandant si elles veulent un point d’arrêt accessible ou si elles préfèrent un transport à la demande puisque l’on constate que le TAD (un service porte-à-porte) est largement plébiscité. Le réalisme a prévalu dans le respect du sujet.

Propos recueillis par Marie-Hélène Poingt

 

L’ouverture à la concurrence du marché des autocars devrait faire partie du deuxième volet de la loi sur la décentralisation

Le ministère des Transports affiche un « a priori favorable au développement du transport par autocar ». Ses services ont affirmé le 28 février à Ville, Rail & Transports que « la question sera traitée dans le volet 2 du projet de loi de décentralisation, dont le texte devrait être examiné lors du Conseil des ministres du 9 avril ». Pour les autocaristes qui attendent de longue date une ouverture plus large du marché à la concurrence, c’est un motif de satisfaction puisque c’était l’une de leurs revendications.

Le 27 février, ils ont reçu l’appui de l’Autorité de la concurrence, qui après s’être autosaisie du sujet et avoir travaillé pendant un an, s’est prononcée en faveur d'une ouverture du marché des autocars sur des trajets longue distance, via une refonte du cadre réglementaire.

Actuellement, le transport interrégional par autocar n'est possible en France que dans le cadre d’une convention entre les collectivités locales et les transporteurs, ou bien, depuis 2011, dans le cadre du cabotage, qui permet de faire monter ou descendre des voyageurs entre deux villes françaises sur une ligne internationale.

Le cabotage « créé d'importantes contraintes commerciales, pratiques et juridiques », estime l'Autorité, qui préconise de l'abandonner et de « prévoir un cadre national qui concilie le développement du transport par autocar longue distance d'initiative privée et la préservation d'offres répondant à des besoins de service public ».

 

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