Gares Une avancée à deux vitesses
La RATP ratera de peu le rendez-vous de 2015
Le Mettis à Metz, nouveau et pas 100 % accessible
Guéret crée un réseau fin 2013 non accessible
Les pays du nord de l’Europe plus pragmatiques
Accessibilité et nouvelles technologies : un couple qui s’installe doucement
Gares : une avancée à deux vitesses
Complexe question des gares ! Le rapport sur l’Agenda d’accessibilité programmée, remis au Premier ministre en février, en dénombre 1 500 dont 1 075 desservies uniquement par des trains express régionaux. Il évalue à 6,5 milliards d’euros le montant des investissements pour les rendre accessibles.
Qui doit les prendre en charge ? Si les bâtiments voyageurs relèvent de la SNCF, les quais dépendent de Réseau ferré de France. Par ailleurs, il faut distinguer entre gares nationales chapeautées par la SNCF (celle-ci prévoit que 168 gares principales seront accessibles d’ici à 2016, dans le cadre du schéma directeur national d’accessibilité ferroviaire, selon le rapport) et gares régionales sous la responsabilité des conseils régionaux, autorités organisatrices des transports (AOT), elles-mêmes chargées de faire un schéma directeur d’accessibilité à leur niveau.
Mais seules 62 % des AOT ont adopté un tel schéma, indique le rapport rédigé sous la présidence de la sénatrice Claire-Lise Campion.
De plus, la loi n’ayant pas précisé la répartition de la charge entre autorités organisatrices des transports et opérateurs, « presque 9 ans après sa promulgation, si des accords ont pu être trouvés dans la moitié des régions, les discussions se poursuivent pour un quart d’entre elles et sont à l’arrêt pour le dernier quart », rappellent encore les auteurs du rapport.
Si des régions comme celles du Centre (voir papier ci-contre) disent se heurter aux limites de la loi, elles le sont aussi avant tout par leurs budgets.
Le Centre se heurte aux limites législatives
La région Centre affirme qu’elle n’a pas attendu la loi pour jouer les bons élèves en matière d’accessibilité : elle a rendu accessibles tous les bâtiments voyageurs des gares ferroviaires régionales. Dès les années 2001-2002, elle a commencé par déployer dans 44 gares des « afficheurs légers, conçus pour améliorer la perception des personnes en situation de handicap (grâce à l’emploi de caractères lisibles pour les malvoyants, d’écrans installés à hauteur adapté et faisant défiler les informations de bas en haut avec vitesse réduite, etc.). »
Puis, entre 2004 et 2011, elle a lancé d’autres réaménagements dans 33 gares, essentiellement en les faisant équiper de portes automatiques, de chemins de guidage au sol, ou encore de bornes sonores et de guichets surbaissés. 2,34 millions d’euros ont été dépensés dans ce but, 43 % pris en charge par la région, 32 % par la SNCF, 25 % par l’Etat.
Les efforts ont été poursuivis les années suivantes dans d’autres gares, par exemple dans celle d’Epernon qui a été équipée en 2012-2013 de deux ascenseurs, de bandes podotactiles, et qui a vu ses escaliers réaménagés.
« Les gares nouvelles sont évidemment toutes réalisées 100 % accessibles », rappelle la région qui a réalisé un schéma directeur d’accessibilité pour les gares régionales comme le demande la loi (la SNCF étant chargée de le faire pour les gares nationales). Le schéma de la région Centre a été adopté en 2008. Depuis cette date, tout matériel ferroviaire commandé est obligatoirement accessible.
Mais cette politique atteint ses limites : à quoi sert d’avoir des bâtiments voyageurs accessibles si les quais sont trop hauts (ou trop bas) rendant impossible la montée à bord du train ? « Nous avons rempli nos obligations. La loi n’oblige pas au financement. Nous avons tout de même voulu aller au-delà de nos responsabilités en mettant de l’argent, raconte-t-on au cabinet du vice-président régional des Transports. Nous avions calculé qu’il faudrait dépenser 92 millions d’euros au total pour rendre les gares régionales accessibles. Nous avons décidé d’en financer 30 %. RFF a dit : j’apporte 25 %. Il manque donc 40 % ! »
D’où ce constat désabusé du conseil régional : « Une loi a été instaurée sans prévoir les moyens pour la concrétiser ! » Devant cette équation insoluble, le service « Accès TER » (système d’aide proposé sur réservation téléphonique) devrait être déployé dans l’ensemble des gares et des haltes d’ici au 1er juillet 2015. Le coût est évalué à 300 000 euros. « C’est une aide à la mobilité. Mais cela ne correspond pas à l’esprit de la loi qui demandait l’autonomie », résume-t-on au sein du conseil régional Centre. M.-H. P.
SNCF : la gare Saint-Lazare pour modèle
Il y a huit ans, la SNCF avait décidé de faire de la gare de Paris-Montparnasse un « laboratoire de l’accessibilité ». Les équipements destinés aux usagers handicapés y ont été testés par des personnes handicapées et valides ainsi que par des agents SNCF. Certaines installations ont été fortement appréciées, comme la nouvelle écriture des panneaux d’affichage, avec des codes couleurs plus clairs et des caractères plus visibles. Ou encore le système de borne d’appel à l’entrée de la gare, permettant d’être mis en contact avec un agent. Toutes les portes ont été automatisées, tandis que les bornes de vente de billets, les téléphones publics ou les toilettes étaient adaptés.
L’originalité de la démarche consistait à prendre en compte tous les handicaps, qu’ils soient physiques, sensoriels ou mentaux. Et bien sûr à travailler sur des aménagements adaptés à chacun de ces handicaps en concertation étroite avec les associations concernées.
Cette gare laboratoire devait servir de référence… Mais depuis 2012 et les travaux réalisés à Paris-Saint-Lazare, c’est cette gare du nord-ouest parisien qui est devenue l’exemple à suivre. Elle est considérée par la SNCF comme étant « 100 % accessible sur le périmètre bâtiment voyageurs ».
Parmi les nouveaux aménagements, des rampes hautes et basses ont été installées dans les escaliers pour les personnes de petite taille. Des balises sonores, des bandes podotactiles de guidage contrasté et une signalétique plus lisible facilitent la vie des malvoyants. Ou encore un personnage virtuel traduit sur des écrans les annonces vocales en langue des signes.
La SNCF compte déployer progressivement ces dispositifs dans les gares et veut « remettre à niveau les équipements pour permettre la circulation des UFR » (ce qu’elle nomme dans son jargon les Unités fauteuils roulants). Le travail est immense. Aujourd’hui, 60 gares nationales sont accessibles sur plus de 160. Il devrait y en avoir plus de 100 à la fin de l’année.
En attendant, il est possible dans de nombreuses gares de bénéficier d’un service de prise en charge à la demande « Accès Plus ». Cet accompagnement gratuit par un agent, de l’entrée de la gare jusqu’à leur place dans le train, nécessite une réservation au moins 48 heures à l’avance. En 2012, ce service a enregistré 300 000 demandes, un chiffre en constante augmentation. Selon Didier Devens, responsable de l’Accessibilité à la SNCF, le taux de satisfaction d’Accès Plus atteindrait près de 95 %. Le rapport de la sénatrice Campion reconnaît que cette « assistance humaine est plébiscitée ».
Marie-Hélène Poingt avec Alexandre Nekrassov
La RATP ratera de peu le rendez-vous de 2015
«Avant d’être là, je me disais : “Ils ne foutent rien à la RATP !”Puis quand j’ai commencé à étudier le dossier, j’ai été stupéfait du temps et de l’argent dépensé pour améliorer l’accessibilité. » Patrick Toulmet n’a pas l’habitude de mâcher ses mots. En décembre 2012, ce conseiller régional UDI, en fauteuil roulant depuis dix ans, poussait un coup de gueule. Invité à l’inauguration de la station Front Populaire, prolongement de la ligne 12 du métro, une station neuve donc accessible, il s’est vu dans l’impossibilité de s’y rendre, faute d’accès par ascenseur au métro Porte-de-la-Chapelle. Malin, le président Pierre Mongin décide de l’embaucher comme « ambassadeur de l’accessibilité » à la RATP. Pas pour le museler, mais pour utiliser son expertise et notamment sa facilité à discuter d’égal à égal avec les associations représentatives de tous les handicapés. Depuis juin 2013, Patrick Toulmet travaille ainsi en étroite relation avec Betty Chappe, la responsable de la mission accessibilité du groupe RATP.
Globalement, un handicapé parisien est plutôt mieux loti qu’un provincial : même si le métro plus que centenaire a été exclu du champ de la loi handicap de 2005 pour cause d’impossibilité technique, il lui reste comme moyens accessibles : la ligne 14, (la dernière construite, ouverte en 1998), les RER A et B, toutes les lignes de bus parisiennes et les tramways. Ces derniers sont les plus appréciés : « les trams, c’est un bonheur pour nous : on peut aller partout sans se poser de question », relate Patrick Toulmet. Et en 2015, la RATP exploitera 100 km de lignes de tram. Malgré cette relativement belle offre, un déplacement en fauteuil roulant dans la capitale – ne parlons même pas de la banlieue ! – reste une sacrée aventure. Premier écueil : la disponibilité des ascenseurs, régulièrement défaillante, quand ce n’est pas pour cause de panne, c’est une maintenance programmée, mais le résultat est le même. « Le Stif a mis en ligne le site infomobi.com que nous alimentons en temps réel, permettant de préparer son trajet en vérifiant que les ascenseurs fonctionnent », souligne Betty Chappe. En théorie, pas de mauvaise surprise donc. Mais il n’empêche qu’ « un des enseignements tirés de la ligne 14 c’est qu’il faut systématiquement doubler les équipements », reconnaît la responsable. Et c’est désormais ce que la RATP fera pour tout nouvel aménagement de station.
Le handicap des ascenseurs, c’est une réalité bien montrée dans le reportage Dans la peau d’un handicapé diffusé en mars sur France 4. Deux personnes en fauteuil roulant tentent le trajet Etoile – Châtelet en RER A, ils sont contraints de faire un détour par La Défense, l’ascenseur pour accéder au « bon » quai à Etoile étant en panne. S’ensuivent alors des déboires avec la passerelle d’accès quai-train en l’absence de l’agent habilité à l’installer, ils doivent laisser passer 3 ou 4 trains. Résultat : un trajet de plus de 45 minutes quand il prend 10 à 15 minutes à une personne valide. Un quarantenaire, chef d’entreprise lui aussi en fauteuil roulant, témoigne également de son impossibilité à utiliser les transports en commun pour se rendre au travail. Il décrit les nombreuses situations d’ascenseur déficient obligeant à partir dans le sens opposé ou bien à descendre à l’arrêt précédent : « ça arrive très très souvent », précise-t-il. Il insiste aussi sur le fait qu’ « une partie du personnel n’a pas conscience que quelqu’un en fauteuil va avoir les mêmes contraintes horaires que n’importe qui. Ils ont cette culture qu’un handicapé est un peu comme un retraité, par conséquent, ça leur semble aberrant qu’il ne puisse pas attendre trois quarts d’heure là où les autres prennent le train en 5 minutes ! »
Pourtant, la RATP y met du sien pour faire évoluer les mentalités. Elle a notamment concocté et diffusé un guide des bonnes pratiques à l’usage des agents, un vade-mecum complet présenté par type de handicaps avec « les bons mots », « les bons gestes » et « à éviter ». Patrick Toulmet, qui joue parfois les utilisateurs anonymes, apprécie le côté humain qu’il rencontre chez les machinistes. Il faut dire que la question de l’accessibilité n’est pas un dossier récent pour la RATP puisqu’elle s’en préoccupe depuis le début des années 90… Elle a ainsi rendu totalement accessible la première ligne de bus, la 20 (Saint-Lazare – Gare-de-Lyon) en 1995. « Sur 337 lignes, le réseau en compte désormais 178 accessibles à 100 % : 115 sur 274 en banlieue ainsi que les 63 parisiennes, poursuit Betty Chappe. C’est plus compliqué de rendre tous les arrêts accessibles quand plusieurs communes sont traversées. » Et ce, bien que le Stif finance 75 % des travaux de voirie, car « bien souvent les directeurs des services techniques l’ignorent et pour eux, l’accessibilité, ce n’est pas un sujet ! », s’agace Patrick Toulmet. Résultat, la RATP a dû démonter des palettes rétractables qui ne fonctionnaient pas depuis des années. Ces rampes d’accès équipent en effet la quasi-totalité des bus et la RATP a promis de les généraliser en 2015. Il en va de même pour les annonces sonores et visuelles.
« Notre politique repose sur une démarche coopérative avec les associations afin d’éviter les erreurs car on peut, dans un détail mal pensé, créer une difficulté non voulue. Il faut travailler en transparence, avec humilité et dans l’écoute », insiste Betty Chappe. C’est ce qui a permis notamment d’élaborer une politique pour le réseau de métro. A l’heure actuelle, près de la moitié du parc donne des annonces sonores – « ça nécessite une modification importante du train », précise-t-elle – et la RATP poursuit le développement d’applications « qui parlent à l’oreille des non-voyants parce que c’est un outil essentiel et souvent LA solution ». 50 % du réseau métro a été diagnostiqué en impossibilité technique « avérée » ou « fortement pressentie », donc l’idée d’un réseau noyau de 130 stations accessibles a dû être abandonnée. Car autant en concevant une gare on arrive toujours à trouver une possibilité, autant avec la configuration du métro, soit la RATP se gêne elle-même, les quais des stations de correspondances étant trop imbriqués, soit elle gêne les voisins avec un ascenseur qui aboutirait directement dans un immeuble !
Le plan comporte trois partis pris : d’abord, dans le cadre des prolongements de lignes, et plus de 17 km sont prévus d’ici à 2020, on essaie de prévoir l’accessibilité jusqu’à une station de jonction, « qu’on espère être une porte de Paris où trouver un tram ou un bus ». Ensuite, améliorer l’existant pour les autres handicapés, qui ne sont pas en fauteuil. La RATP développe ainsi les « douches sonores » sous ses panneaux d’affichage des temps d’attente, une signalétique surdimensionnée ou encore des « manchons brailles » sur les rampes d’escaliers d’accès aux stations… Enfin, la régie travaille sur la mécanisation afin de réduire la pénibilité du déplacement. Avec ses 862 escaliers mécaniques, elle possède déjà 10 % du parc français, et projette d’en installer 200 de plus d’ici à 2020.
Côté RER A et B, un programme de 200 millions d’euros a permis d’aménager 61 des 65 gares et toutes le seront en 2015… Mais pas en février, plutôt en fin d’année à l’achèvement de la nouvelle gare multimodale de Nanterre-Université. Ce qui fait que la RATP estime être au rendez-vous de 2015. Pour Patrick Toulmet, plus on aménage, plus on devrait voir de handicapés dans les transports publics franciliens. Et il rappelle que ces aménagements « rendent services à toute une catégorie de voyageurs à mobilité réduite, notamment les personnes âgées ». Pas inutile dans une société vieillissante.
Cécile NANGERONI
Le Mettis à Metz, nouveau et pas 100 % accessible
Aussi surprenant que cela puisse paraître, ce qui est plébiscité à Nantes avec le Busway a fait un flop retentissant sur le Mettis de Metz. C’est pourtant exactement la même palette électrique de 35 cm de long qui équipe ces deux BHNS – Metz avait cru bien faire en se contenant de ce benchmarking au moment d’écrire son cahier des charges pour le constructeur – mais depuis la mise en service du Mettis le 5 octobre, les utilisateurs en fauteuil roulant et l’APF locale l’estiment dangereuse. En cause, ses rebords arrondis, et non pas biseautés, et sa pente dangereuse qui la rendent difficile à franchir à la force des bras et surtout font craindre une chute. « D’après les retours des associations, ce serait même pire à la descente du bus car le fauteuil pourrait prendre de la vitesse et basculer », relate Hervé Chabert, responsable de la mission Mettis. Une question de hauteur de quai ? A priori non.
Le responsable souligne que le système de transport reste « accessible » dans la mesure où les stations et l’accostage sont parfaits et qu’il existe une seconde palette sur la deuxième porte, plus longue (92 cm), mais manuelle. Conçue comme accès de secours, elle nécessite l’intervention d’un voyageur coopératif ou de l’accompagnateur éventuel de la personne en fauteuil, le conducteur étant isolé dans sa cabine de conduite.
La palette électrique fabriquée par le sous-traitant MBB qui équipe la première porte des Exquicity de Van Hool, avait été choisie pour ses avantages : elle peut s’ouvrir systématiquement à chaque arrêt et sa petite taille lui permet aussi d’être actionnable à la demande sans danger pour une personne en fauteuil roulant. « La même palette est utilisée sans problème en Allemagne et en Belgique et c’est également le système qu’a choisi le Stif pour les TZen… », poursuit-il.
Mais peu importe, devant le concert de critiques, l’AO a décidé de ne plus déployer cette palette automatiquement et de trouver une solution rapidement. « Nous devons tester fin avril un autre système de 69 cm de long, assure Hervé Chabert. S’il donne satisfaction, et en accord avec les associations, nous envisageons de remplacer les 27 palettes ». Coût de l’opération : « environ 100 000 euros, peu au regard du prix des véhicules… ». La modification pourrait intervenir à l’été, car malgré sa longueur deux fois plus importante, la nouvelle palette s’intègre parfaitement aux coffres existants.
C. N.
Guéret crée un réseau fin 2013… non accessible
« Ainsi, nous pouvons ici conclure, même s’il n’a été créé que tout récemment, que le réseau Agglo’Bus sera, à l’échéance de la loi, l’un des plus accessibles de France. » Cette étrange conclusion est extraite du schéma directeur d’accessibilité (SDA) de la communauté d’agglomération du Grand Guéret (Creuse). L’EPCI de 22 communes (31 000 habitants) nouvellement créé au 1er janvier 2013 (en remplacement de la communauté de communes du Pays de Guéret) a hérité de la compétence transports. Elle a donc créé un réseau urbain, en lieu et place du transport à la demande (TAD) qui existait. Baptisé Agglo’Bus, il a été lancé le 2 septembre 2013 avec trois lignes régulières et un TAD découpé en six secteurs pour les communes rurales.
Mais problème : plutôt que de le rendre accessible aux PMR à sa création comme le réclame la loi de 2005, les élus ont préféré élaborer un SDA, dans lequel, ils prévoient des bus à rampe d’accès rétractable et s’engagent à ce que les 63 arrêts de bus soient rendus « totalement accessibles à tous les handicaps dès la fin de l’année 2014 ». Cet « oubli » a valu à Guéret d’être régulièrement cité comme l’exemple à ne pas suivre et pointé du doigt par l’APF. C’est la faute à des trottoirs peu adaptés, se défend l’agglo, qui assure que son projet d’accessibilité totale n’est pas oublié, mais que la priorité va à l’établissement des zones les plus fréquentées, et à l’étude des problèmes rencontrés par les usagers.
Selon le service transports de l’agglomération, l’AO décidera des arrêts qui méritent d’être rendus accessibles quand le réseau sera « bien installé et rodé ». Il ajoute que certains arrêts sont d’ores et déjà accessibles, comme ceux de l’hôpital ou de la maison de retraite et qu’une enveloppe prévisionnelle de 660 000 euros a été estimée pour les deux années de réalisation des travaux. En attendant, elle propose un service de substitution pour les dessertes des trois lignes urbaines dans Guéret. Sur réservation, le trajet est effectué en minibus accessible par rampe et peut aller jusqu’au domicile de la personne en fauteuil roulant. Condition : que l’arrêt de départ ou d’arrivée ne soit pas encore accessible. Ou l’art et la manière de reporter au lendemain…
C.N. avec A. N
Les pays du nord de l’Europe plus pragmatiques
Pendant que la France allonge les délais de mise en accessibilité, la fédération des Associations pour adultes et jeunes handicapés (APAJH) met en avant les politiques menées par certains pays du nord de l'Europe ou le Royaume-Uni, qui « ont organisé le vivre-ensemble ». Jean-Louis Garcia, président de cette fédération estime que « certains pays sont nettement en avance, pas pour des raisons législatives, mais parce qu'il y a une volonté politique et une conception de la différence qui n'est pas la même ». Parmi les exemples cités, Stockholm ou encore Londres. « On a pu mesurer à l'occasion des jeux Paralympiques de Londres en 2012 que la place de la personne handicapée en Angleterre n'était pas la même que dans notre pays », poursuit-il.
En 2011, le Cerema (Certu à l’époque) publiait une étude sur l'accessibilité dans 11 villes de cinq pays jugés particulièrement intéressants (Suède, Pays-Bas, Belgique, Royaume-Uni et Espagne), afin de relever les bonnes pratiques. L'une des plus anciennes villes de Suède, Lund, a fait « un réel effort » pour allier accessibilité et conservation du patrimoine, soulignait cette étude, citant les bandes pour fauteuils roulants implantées sur les rues pavées. On y notait aussi que tout comme Barcelone en 1992, Londres a profité des jeux Olympiques et Paralympiques de 2012 pour réaménager la ville à très grande échelle.
L’une des explications avancées par Laurent Saby, qui a piloté l'étude, est que la Suède ou le Royaume-Uni ont dans leur législation sur l'accessibilité des objectifs beaucoup moins précis que la France. Ainsi la loi britannique parle-t-elle d’ « adaptations raisonnables » (reasonable adjustments) et la loi suédoise de faire disparaître « les obstacles faciles à supprimer ». Des principes qui permettent d’avancer à son rythme de manière pragmatique, et dont « le succès repose largement sur la volonté de faire des différents acteurs », souligne l'étude.
Malgré tout, « les points faibles étaient un peu les mêmes dans l'ensemble des pays y compris la France, c'était la prise en compte du handicap autre que moteur et visuel – handicap mental, cognitif, psychique – et la mise en accessibilité du patrimoine historique », explique Laurent Saby. De son côté, Pascale Ribes, vice-présidente de l'Association des paralysés de France relève qu’à Stockholm ou à Berlin, « l'accessibilité n’est pas vue comme une contrainte supplémentaire, mais comme une obligation que les pouvoirs publics doivent à la société, et comme du bénéfice pour tout le monde ». CQFD.
C.N. avec AFP
Accessibilité et nouvelles technologies : un couple qui s’installe doucement
Les nouvelles technologies pourraient-elles venir aux secours des PMR dans leurs déplacements ? Oui et non, comme toujours. Non, parce que les nouvelles technologies
ne vont pas, dès demain, offrir la possibilité à tous les voyageurs en fauteuil roulantè
de commander le déploiement de la palette du bus. Non, aujourd’hui, mais pourquoi pas demain, dans l’air du tout-connecté.
On peut rêver. Il se pourrait que le voyageur n’ait pas à commander quoi que ce soit et que tout se fasse automatiquement, le bus reconnaissant la présence du voyageur demandant cette accessibilité. Techniquement, tout est possible. Pratiquement, tout a un coût. En attendant ce monde idéal et qui ne regarderait pas à la dépense, il existe quelques exemples dans lesquels les nouvelles technologies peuvent aider les voyageurs PMR. Ainsi en avril 2011, le Sytral, le syndicat mixte des transports du Rhône et de l’agglomération lyonnaise, lançait IDV Métro, un système d’information dynamique des voyageurs en temps réel, pour le métro lyonnais et le funiculaire. Un ensemble de 118 panneaux déployés sur les quais, mais aussi dans les couloirs (16 écrans) et dans les parcs-relais (8), qui diffuse les horaires de passages des deux prochaines rames, les éventuelles perturbations et les prévisions de reprise. Jusque-là, rien de spécifique aux PMR.
De façon générale, le Sytral estime à 30 % la part de ses voyageurs (1,5 million par jour) ayant des difficultés à se déplacer, ce taux incluant aussi bien les personnes en fauteuil roulant, les malvoyants, sourds ou malentendants, que les femmes enceintes, les personnes avec poussette, courses ou bagages, ou les personnes âgées. Alors concernant IDV Métro, il a souhaité le décliner pour les déficients visuels. Ce système possède donc aussi une fonction d’accessibilité qui permet d’offrir une synthèse vocale de l’information affichée sur n’importe quel panneau. Il suffit d’être à moins d’une trentaine de mètres d’un de ces écrans pour recevoir l’information, par liaison Bluetooth, en même temps qu’elle s’affiche, grâce à une application préalablement chargée sur le site du Sytral.
Le module d’accessibilité d’IDV, est une aubaine pour les non-voyants et les malvoyants qui peuvent enfin entendre les horaires de passages des deux prochains métros. Mais, curieusement l’application a fait un flop commercial avec une dizaine de téléchargements. Pourtant, techniquement le système, développé en concertation avec les associations, fonctionne parfaitement. L’explication est sans doute liée à d’autre facteur : « on constate que la forte fréquence des métros, une rame toutes les minutes aux heures de pointe, n’incite pas à vouloir connaître les prochains passages », imagine Mickaël Maisonnial, chef de projet au Sytral, référent accessibilité.
C’est peut-être pour cette raison – la fréquence – qu’à l’inverse de Lyon, la solution déployée à Angoulême est un succès. En février 2013, la Société des transports du Grand Angoulême (STGA), lançait Vocabus, une application qui donne, entre autres, les horaires de passages des prochains bus à chaque arrêt. Vocabus fonctionne soit en flashant un code 2D fixé sur l’abri du bus, soit en géolocalisant l’utilisateur. Elle énonce alors les arrêts les plus proches, les bus qui les desservent, les deux prochains passages pour chaque bus et chaque sens, sachant que les données GPS peuvent manquer de précisions, et confondre les arrêts d’un côté ou de l’autre de la rue.
« C’est lors d’un forum sur l’accessibilité, qui se déroulait à Angoulême, que j’ai rencontré des représentants régionaux de l’association Valentin Haüy. On a développé Vocabus avec leurs conseils », raconte Sophie Violeau, responsable du service clientèle de la STGA. L’association conseille de simplifier l’application de la STGA déjà développée pour le mobile, avec un minimum d’information par page, des formes géométriques assez grosses et des couleurs spécifiques. « Le bleu et le jaune restent des couleurs distinguables même pour des déficients visuels à qui il ne reste que 5 % de la vision. » La boussole rouge sur un fond jaune indique au voyageur qu’il se trouve dans la partie « géolocalisation ». Le fond bleu, indique qu’on a choisi la recherche des horaires depuis l’abri, à partir du code 2D à scanner. Même travail commun sur la synthèse vocale dont le débit peut être accéléré ou ralenti selon le niveau de handicap.
Depuis son lancement, l’application a été téléchargée 1 200 fois, dont 460 pour Android, le reste pour iOS. Même s’il est impossible de distinguer les utilisateurs valides de ceux, handicapés, ce nombre reste plutôt élevé, par rapport aux quelque 9,2 millions de voyageurs que transporte chaque année le réseau. Pas avare de son savoir, la STGA a, dès le lancement de Vocabus, annoncé qu’elle mettrait à disposition des réseaux intéressés, le code source de son logiciel, auquel l’entreprise, a tout de même consacré une vingtaine de milliers d’euros – à titre de comparaison, le Sytral avait investi 310 000 euros sur les 3,2 millions du projet IDV Métro.
Châteauroux, Annecy et le département d’Ille-et-Vilaine se seraient montrés intéressés par Vocabus. La STGA a confié son logiciel à Agir, l’association de gestion des réseaux indépendants, cependant la création d’une plate-forme de services que souhaite proposer l’association tardant à voir le jour, Vocabus n’a pas encore de petits frères.
A côté de ces applications spécifiques qui font appel aux nouvelles technologies, il existe d’autres outils, moins élaborés, pour aider les PMR dans leurs déplacements. Il s’agit, par exemple, à Lyon, de boîtiers de commandes multitâches, distribués par l’agglomération aux personnes handicapées, qui servent à faciliter leurs déplacements dans leur ensemble. Ils déclenchent une annonce sonore aux passages pour piétons, et précisent aussi, via des hauts parleurs extérieurs installés sur chaque rame, le terminus de chaque ligne de tramway, malheureusement uniquement sur les troncs communs.
Concernant les bus, le boîtier permet aussi de déclencher l’annonce de la destination, mais seulement sur les bus les plus récents du parc des TCL, acquis depuis 2009. « Cela représente 25 % à 30 % du parc », explique Mickaël Maisonnial, chef de projet au Sytral, et référent accessibilité. Le renouvellement du parc, de l’ordre 50 à 60 bus par an, sur un parc de 1 000 véhicules, devrait progressivement améliorer l’accessibilité dans cette ville. Reste que la technologie ne fera pas disparaître les classiques bandes podotactiles, les boutons en reliefs ou en braille, ou encore les voyants lumineux annonçant la fermeture des portes.
Yann GOUBIN
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