Dix mois après avoir fait du conglomérat bavarois son favori pour une commande historique, la Bahn tarde à finaliser son engagement. En coulisse, certains l’accusent de vouloir faire capoter les négociations. Une affaire mirifique, chiffrée « en milliards d’euros » : il y a dix mois, Siemens pensait avoir décroché la timbale. La Deutsche Bahn venait d’en faire « son candidat favori » pour une commande record, présentée comme la plus grosse de son histoire et portant sur 300 trains.
Jamais la compagnie allemande n’avait lancé une telle opération : d’ici 2030, elle entend offrir un profond lifting à l’ensemble de sa flotte. Intercity, EC, ICE : toutes les rames « longue distance » doivent être renouvelées.
Seulement voilà, l’opérateur n’a toujours pas officialisé sa commande. Les deux parties, qui s’étaient engagées à trouver un accord sur le prix avant la fin de l’été, ne sont toujours pas parvenues à faire converger leurs points de vue.
« Ce genre de procédure requiert de la patience », temporise Hans-Jörg Grundmann, le directeur de la branche transport de Siemens. Mais certains observateurs sont moins optimistes et estiment que les discussions pourraient bien ne jamais aboutir.
Car le cahier des charges est particulièrement innovant : il prévoit que tous les matériels roulants soient construits à partir d’une plateforme unique. Les motorisations ou les aménagements intérieurs différencieront ensuite un ICE, d’un IC ou d’un EC. Cette formule, qui existe déjà dans l’industrie auto, devrait aussi permettre de réduire les coûts de maintenance, grâce aux nombreuses pièces de rechange communes.
En confiant ce contrat à un seul constructeur, la Bahn espère aussi réaliser des économies supplémentaires, en négociant un « tarif de gros ». Et c’est précisément là que le bât blesse. Evaluée à six milliards d’euros, l’offre du conglomérat dépasserait de deux milliards la somme maximale que la Bahn serait prête à mettre sur la table.
En coulisse, l’industrie ferroviaire soupçonne la compagnie de vouloir faire capoter la transaction. Rüdiger Grube est accusé d’avoir peur de « sauter dans le grand bain ». Cette commande doit définir les contours de la flotte de la DB pour les deux prochaines décennies : un investissement lourd, dans un contexte de rigueur, imposé par la crise. « Ce qui manque à la Bahn, c’est un battant qui n’a pas froid aux yeux, comme Hartmut Mehdorn, son précédent chef », explique un proche du dossier au journal Handelsblatt.
Il y a 5 mois - Patrick Laval
Il y a 5 mois - Marie-hélène Poingt