C?est à Bruxelles que s?élabore depuis plusieurs années la législation dans ce domaine. Les lobbies voudraient que chaque mode de transport soit traité sur un pied d?égalité. Pas facile. Les droits ne sont pas toujours transposables Les malchanceux coincés dans les aéroports fin avril à cause du nuage islandais ont souvent fait une double découverte simultanée : ils avaient des droits vis-à-vis de leur compagnie aérienne mais ceux-ci n’étaient pas toujours évidents à faire respecter. C’est à Bruxelles que s’élabore depuis plusieurs années la législation dans ce domaine, un nouveau pan du droit communautaire du transport qui a d’abord touché l’aérien en 2005, le ferroviaire depuis décembre 2009, et enfin le maritime et le transport en autocar pour lesquels des discussions houleuses sont en cours entre le Parlement européen et les 27 Etat membres.
« Nous avons d’abord eu une législation sur l’aérien qui était nécessaire, résumait récemment Benoît le Bret, l’ancien directeur de cabinet du Commissaire Barrot devant un parterre de spécialistes du ferroviaire. Mais ensuite, l’industrie du transport aérien a fait du lobby pour qu’il y ait aussi une législation sur les droits des passagers dans le ferroviaire. Et puis, au nom d’une concurrence juste, le ferroviaire a à son tour joué de son influence pour qu’il y ait une réglementation pour les cars et les bateaux. Parfois, la Commission européenne n’est qu’un arbitre entre différents intérêts. Parfois, les lobbies défendent leurs intérêts sans vraiment tenir compte des citoyens. »
Les lobbies voudraient que chaque mode de transport soit traité sur un pied d’égalité. Pas facile. Les droits ne sont pas toujours transposables. C’est en tout cas l’argument de ceux qui se battent actuellement contre le texte proposé par Bruxelles pour les autocars. L’eurodéputé italien Antonio Cancian vient de présenter son projet de rapport pour la deuxième lecture, qui ne va pas dans le sens de ce que souhaitent les ministres des Transports, à savoir que le texte ne s’applique qu’aux grandes lignes. « Les limitations imposées par les ministres feraient que la majorité des services de bus et d’autocar serait exemptée, dénonce le rapporteur. J’ai conscience qu’il faut préserver la viabilité économique des opérateurs, mais le règlement doit garantir un niveau de protection pour les passagers équivalent à ce qui existe dans les autres modes de transports. » Les ministres entendent aussi plafonner les indemnisations en cas d’accidents ou de perte de bagages. En cas d’annulation ou de retard supérieur à deux heures, les passagers n’auraient pas droit à une indemnisation du tout, ils pourraient bénéficier de repas et de boissons mais pas d’un hébergement gratuit, contrairement aux obligations qui sont faites aux transporteurs des autres secteurs. En ce qui concerne les droits des personnes à mobilité réduite les ministres se montrent pragmatiques selon les uns, timorés selon les autres. Ils envisagent des exemptions pour le transport domestique de toutes les obligations d’assistance et d’accessibilité demandées par la Commission européenne. Le Parlement européen est particulièrement pugnace dans ce domaine et compte rétablir en seconde lecture les exigences figurant dans la version initiale. Pour l’EPTO, qui représente à Bruxelles les grandes compagnies de transports privées comme Veolia ou Transdev, le règlement ne tient tout simplement pas assez compte des spécificités du transport urbain ou régional. Les compagnies d’autocars et de bus refusent d’être mises à la même enseigne que les compagnies aériennes ou ferroviaires.
Les opérateurs tentent de se faire entendre au niveau européen parce qu’une fois les textes entrés en vigueur, leurs répercussions sont parfois lourdes. La Commission européenne a elle-même appris de ses erreurs : par exemple, elle avait fixé des sommes forfaitaires chiffrées en euros pour les compensations en cas d’annulation de vol dans la première réglementation concernant l’aérien. Or, en novembre 2009, la Cour européenne de Justice a estimé que tout retard de plus de trois heures équivalait à une annulation et donc ouvrait droit à ces compensations non négligeables (400 euros pour un vol intracommunautaire de plus de 1 500 kilomètres par exemple). Un jugement qui fait hurler des compagnies aériennes déjà frappées par la crise et qui parfois vendent des billets à bas coûts. « Nous aurions dû fixer le montant des compensations en pourcentage, parce que les compagnies ne vont pas pouvoir faire face », soupire un expert de la Commission. Le ferroviaire a bénéficié de cet apprentissage. Les compensations prévues pour les retards des trains sont fixées à 25 % du prix du billet pour plus d’une heure de retard, 50 % pour plus de deux heures.
Isabelle ORY
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