Les Corail, Téoz et les trains de nuit ouverts à la concurrence dans quatre ans
Les trains Corail Intercités, Téoz et les trains de nuit Lunéa vont bientôt être soumis à leur tour à la concurrence. C?est ce qui découle du contrat que la SNCF s?apprête à signer début juillet avec l?Etat Cette convention avait été demandée par Nicolas Sarkozy pour trouver une solution à la survie des trains d’aménagement du territoire. Elle confie à la SNCF pour quatre ans l’exploitation de ces trains, structurellement déficitaire selon elle. Ou plus exactement pour trois ans, auxquels s’ajoutera une année de transition pour préparer l’arrivée d’opérateurs concurrents sur ce marché. L’Etat prendra de ce fait la casquette d’autorité organisatrice des transports pour ces liaisons, comme le font actuellement les régions pour les TER.
Jusqu’à présent, la Société nationale organisait une péréquation interne entre ses liaisons rentables et celles qui sont déficitaires. Mais le système est en train de trouver ses limites : le TGV est moins rentable et le sera de moins en moins avec l’arrivée de la concurrence. De plus, le déficit de la plupart des Intercités est tel que le conseil d’administration de la SNCF ne peut autoriser des investissements dans cette activité. Or, le matériel arrive en bout de course. Pour le moderniser et le renouveler, il faudrait investir entre 1,5 et 2 milliards d’euros.
D’où la nécessité de trouver une solution, réclamée depuis des années par la SNCF pour ne plus supporter seule ces charges. Dans les années 2005, elle avait tenté de se décharger sur les régions, provoquant une levée de boucliers. La solution proposée aujourd’hui porte en germe une nouvelle cause de fâcherie avec les syndicats car elle risque à terme de délester un peu plus les activités historiques de la SNCF.
A l’avenir, la péréquation va être externalisée et gérée par l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf). Ce fonds sera alimenté par une contribution sur les billets de train grandes lignes. Mais à terme, la SNCF ne sera plus la seule à payer puisque, avec l’ouverture du transport ferroviaire international de voyageurs depuis le 13 décembre dernier, de nouveaux opérateurs finiront bien par arriver sur le marché et seront donc taxés eux aussi.
Ce scénario n’était pas gagné d’avance. Depuis des mois, la SNCF négociait en catimini avec le secrétariat d’Etat aux Transports pour finaliser un contrat lui confiant la gestion des trains qu’elle avait elle-même rebaptisés trains d’aménagement du territoire. Elle mettait dans ce paquet les seules liaisons ferrées Intercités et les trains de nuit déficitaires. Soit une quinzaine de lignes nécessitant quelque 170 millions d’euros annuels en prenant en compte les investissements nécessaires au renouvellement du matériel roulant, selon les calculs de la SNCF.
Mais, dès qu’ils ont eu la certitude de ce qui se tramait, les nouveaux opérateurs ferroviaires ont commencé leur travail de lobbying pour avoir leur place dans le dispositif. En avril, Veolia Transport a adressé une lettre à Dominique Bussereau, le secrétaire d’Etat aux Transports, pour lui faire comprendre son mécontentement. L’opérateur n’a jamais caché qu’il souhaitait se porter candidat à l’exploitation de ces lignes. Il considérait même qu’elles pourraient représenter un bon test avant de se lancer sur le marché des TER promis lui aussi à la concurrence.
Au bout de longues semaines, Dominique Bussereau a fini par admettre qu’à terme ces liaisons pourraient être « externalisées ». En recourant à une convention, l’Etat reconnaît implicitement que ces liaisons tombent dans le champ du règlement européen sur les obligations de service public, qui prévoit l’ouverture à la concurrence. Ses services avaient prévu de conclure un contrat de cinq ans avec la SNCF. Trop long selon les nouveaux entrants préférant une durée de trois ans, avec éventuellement une phase transitoire pour préparer l’avenir.
Les concurrents potentiels de la SNCF ont donc eu gain de cause. Ils ont également obtenu satisfaction sur un autre chapitre : le périmètre des lignes concernées. Ils ont demandé que la convention englobe tous les trains Corail, Intercités, Téoz et Lunéa. Un package commercialement plus intéressant car n’incluant pas que les seules liaisons déficitaires déterminées par la SNCF. Cette demande présentait également l’avantage d’être soutenue par la Fnaut (fédération nationale des associations d’usagers des transports). Le gouvernement s’est appuyé dans ses choix sur un audit mené par le cabinet KPMG chargé de faire un état des lieux, de déterminer les trains éligibles au fonds de péréquation ainsi que le montant de la contribution.
Pour l’avenir, les concurrents de la SNCF souhaitent que les conventions soient passées par lots sur une durée d’une dizaine d’années. Elles pourraient par exemple concerner toutes les lignes d’une région. Veolia Transport semble particulièrement intéressé par la Normandie, notamment la ligne Paris – Granville. Une liaison emblématique mal exploitée par la SNCF selon plusieurs observateurs. Alors que la SNCF utilise 19 rames, 12 suffiraient, assurent-ils en dénigrant également la relève historique effectuée en plein milieu du parcours. Selon eux, une organisation différente permettrait de réduire drastiquement les coûts. Des arguments auxquels personne n’est insensible en période de crise. Mais il reste l’argument social qui incite le gouvernement à la prudence. Dans quatre ans, les premières expérimentations d’ouverture à la concurrence des TER devraient être lancées, sinon achevées. Le paysage aura forcément évolué, tout comme le discours syndical qui devra en tenir compte, espèrent les pouvoirs publics. Et les solutions sociales proposées par le rapport Grignon pour préparer l’ouverture à la concurrence dans les TER (dont la publication finale est attendue cet automne) pourraient facilement être transposées aux trains Intercités.
Marie-Hélène POINGT
Publié le 10/12/2024
Publié le 10/12/2024