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Stadler, le petit suisse à la table des grands
Publié le 09/09/2008 à 10h00

Stadler et le ferroviaire, cela devient plus qu’un flirt. En quelques années, le groupe suisse a multiplié par plus de 100 son nombre d’employés et par 300 son chiffre d’affaires Chez Stadler, ça pétille comme le champagne. Même au téléphone, séparé par 1 000 km de distance et une chaîne de montagnes, l’euphorie ambiante se perçoit au bout du fil. Début juillet, le petit groupe suisse – non coté en Bourse – a soufflé une gigantesque commande aux géants du secteur. C’est lui qui construira les 300 premières voitures à deux niveaux destinés au RER zurichois (un contrat de 621 millions d’euros, avec 660 voitures en option). Depuis quelques années, Stadler fait songer à un petit renard qui vient chaparder les chapons dodus dans le poulailler des grands constructeurs. Une fois encore, ces derniers ne l’ont pas vu approcher. Mais quel est donc le secret de Stadler ? L’étonnante histoire du groupe suisse a véritablement débuté il y a vingt ans. Le Stadler d’alors était un microscopique acteur de niche qui fabriquait des locotracteurs sur mesure. Une honorable maison helvète abritant 18 employés et dégageant 2,5 millions d’euros de recettes annuelles. Arrive un jeune loup de 29 ans qui s’endette jusqu’aux dents pour acheter la petite fabrique des pâturages thurgoviens. Son nom, Peter Spuhler. Sous son impulsion, l’entreprise se lance dans les automotrices voyageurs pour les voies métriques suisses. En 1995, le groupe développe son premier produit, le GTW, un train régional, et, illico, décroche un premier contrat en Suisse. Depuis lors, 432 rames GTW électriques ou diesel-électriques ont été vendues. « Ce train a été un turbo pour la croissance de l’entreprise », relate Peter Jenelten, vice-président exécutif marketing et ventes. Les résultats montent en flèche, et Stadler, qui considère qu’il devient risqué de n’avoir qu’un seul produit, lance en 2001 des études pour faire un grand frère au GTW, le Flirt. Au bout de quelques mois, se présente un appel d’offres des CFF pour les villes de Zoug et de Bâle, que Stadler remporte en 2002, pour des premières livraisons en 2004. Avec le Flirt, Stadler connaîtra le même succès qu’avec le GTW : 418 ont été vendus en Europe et même en Algérie. La troisième gamme de produits, développée dans la foulée, le Regio Shuttle (RS1) sera pour son compte commercialisée à 350 exemplaires. Et voilà notre Stadler cuvée 2008 qui se lance sur le marché du deux-niveaux. Là encore, et comme à chaque nouvelle gamme, les CFF ont passé commande. Bien commode de pouvoir compter à chaque fois sur une grande commande suisse pour se mettre le pied à l’étrier, diront les mauvaises langues. Pour les faire taire, Stadler ne brille pas qu’en Suisse, mais également en Allemagne. Les opérateurs privés allemands se laissent convaincre par la grande flexibilité du suisse, qui propose pour sa gamme Flirt jusqu’à 40 % de personnalisation. Une centaine de ces “Flirt cousus main” ont été vendus outre-Rhin. En 2001, Stadler a par ailleurs racheté l’usine Adtranz de Berlin et s’est lancé dans le tram. Tombé dans l’escarcelle du groupe suisse, le VarioBahn a fait l’objet d’un redesign et d’un reengineering. Très vite, les commandes tombent : Bochum, Munich, Nuremberg sont prises, puis Bergen, Graz et Bâle, et dernièrement Lyon. Et voilà Stadler devenu une entreprise de taille honnête : 2 500 employés et 647 millions d’euros de chiffre d’affaires. Mais le groupe n’a jamais oublié les préceptes qui ont fait de lui un outsider doré du ferroviaire. Première leçon : tu consolideras tes marchés avant d’aller voir ailleurs. Stadler a commencé par la Suisse, puis l’Allemagne, et entame tout juste son développement à l’international. « Quand nous voyons de belles occasions, nous répondons, comme pour le RER d’Alger que nous avons remporté », explique Peter Jenelten. Deuxième leçon : tu n’oublieras pas que tu es un acteur de niche. « Nous sommes des spécialistes du transport local et régional, et nous restons dans ce secteur. Notre métier, ce n’est pas les locomotives ou la grande vitesse », souligne Peter Jenelten. Troisième leçon : plus gros que le bœuf tu ne chercheras pas à te faire. « Nos moyens ne sont pas illimités, nous devons être restrictifs dans notre manière de répondre aux appels d’offres et ne participer que si nous avons de bonnes chances de l’emporter. Quand la SNCF lance un appel d’offres pour 400 trains, très clairement, cela dépasse les ressources de notre entreprise en matière de capacité industrielle ou même d’ingénierie », admet Peter Jenelten. A Lyon, le marché portait sur 6 rames et le cahier des charges était complexe, avec ces rames aptes à 100 km/h. Un casse-tête pour les autres, du billard pour Stadler : « Cela nous convenait bien. Pour nous, ce n’est pas un problème d’adapter un produit existant pour une série très courte. » Dernière leçon : loin des turpitudes du marché tu te tiendras. Tandis que les Alstom, Bombardier ont l’œil sur leur cours de la Bourse, que Siemens supprime 2 500 postes pour améliorer sa marge, Stadler avoue benoîtement : « Notre chiffre d’affaires a augmenté de 57 % en 2007. C’était une hausse énorme, nous avons réussi à bien gérer, mais ce n’est pas notre objectif de rééditer cela tous les ans. Il faut être raisonnable, maintenant, il faut honorer toutes ces commandes ! » Peter Spuhler n’aime pas les crédits : la croissance de son groupe, il l’a autofinancée. Il veut rester indépendant et ne pas avoir à rendre de comptes, sauf à ses cadres dirigeants, auxquels il a cédé 10 % du capital. Mais de revendre, il n’en est pas aujourd’hui question. Régulièrement, Spuhler répète à ses collaborateurs : « Tout mon argent est dans cette boîte, je ne peux pas m’en aller ! » Après tout, à 49 ans, il reste un jeune dirigeant.
 

Guillaume LEBORGNE

Junjie Ling
Par Junjie Ling
Journaliste
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