Dans un an et demi, le nouvel opérateur « Westbahn » lancera un train de voyageurs par heure et par sens sur la relation Vienne – Salzbourg. Sept rames à deux niveaux et vitesse à 200 km/h ont été commandées au suisse Stadler Jamais nouvelle entreprise ferroviaire ne se sera lancée avec autant d’ambitions dans une exploitation à si grande échelle, de surcroît en concurrence frontale avec l’opérateur historique existant ! Fondée en 2008, l’entreprise s’appelle Westbahn, elle est autrichienne et s’apprête à exploiter à 200 km/h, dès le 11 décembre 2011, des rames automotrices à deux niveaux, toutes flambant neuves, sur la relation Vienne – Salzbourg, avec un authentique cadencement horaire !
Première filiale opérationnelle de Rail Holding, Westbahn appartient pour moitié au patron du groupe de travaux publics Strabag, Hans Peter Haselsteiner, et pour l’autre moitié à Stefan Wehinger, ancien directeur de l’activité voyageurs des ÖBB (Österreichische Bundesbahnen, les chemins de fer fédéraux autrichiens). Directement appelé à ce poste de responsabilité en 2004 par le ministre autrichien des Transports de l’époque, Wehinger s’en est vu évincé contre son gré quatre ans plus tard, et tient désormais sa revanche en tant que nouveau directeur général de Westbahn. Et si l’on songe que le président du conseil d’administration de Rail Holding, qui apparaît aussi comme le véritable « coach » du management de Westbahn, n’est autre que le charismatique Benedikt Weibel, autrefois patron des CFF, on peut se dire que les ÖBB ont décidément quelque souci à se faire…
L’irruption de Westbahn sur la scène ferroviaire autrichienne résulterait finalement, selon Benedikt Weibel, d’un malheureux choix stratégique des ÖBB qui se seraient concentrés depuis des années sur le trafic fret, au détriment de l’activité voyageurs : recherche du gain immédiat oblige ! En Autriche, le trafic « grandes lignes » semble, en effet, ne jamais avoir fonctionné comme un réel centre de profit, hormis sur le corridor Vienne – Linz – Salzbourg, où existe depuis toujours une forte demande qui ne saurait être valablement captée par le transport aérien, vu les faibles distances séparant ces pôles urbains. Rien d’étonnant, donc, à ce que Westbahn ait justement choisi ce même corridor pour démarrer son exploitation et venir ainsi concurrencer, sur leurs terres d’élection, les tout nouveaux Railjet récemment mis en service par les ÖBB. Et cela ne pourrait être qu’un début : « Si tout marche bien, nous pourrions alors élargir notre offre jusqu’à Bratislava et Munich », a même déclaré Benedikt Weibel à l’hebdomadaire allemand Die Zeit…
« Nous serons tout simplement plus attractifs que les ÖBB », assure pour sa part Stefan Wehinger. Le concept « Westbahn » représente un investissement de 120 millions d’euros, dont l’essentiel, soit 100 millions d’euros, est consacré à l’achat du matériel roulant. Westbahn a commandé au constructeur suisse Stadler sept éléments automoteurs électriques de six caisses à deux niveaux, dont la conception technique dérive du matériel développé pour la S-Bahn de Zurich. Avec néanmoins une première différence d’importance, puisque les rames Westbahn devront pouvoir rouler à 200 km/h en service commercial…
Les sept éléments automoteurs électriques seront construits dans l’usine suisse d’Altenrhein. Leur maintenance comme leur mise en ligne dépendront entièrement du constructeur, les trains n’étant, en toute rigueur, pas « achetés », mais faisant au contraire l’objet d’un contrat de leasing assez particulier. Du côté du nouvel opérateur, on reconnaît que cette solution est plutôt chère, mais qu’elle devrait se révéler, au final, plus intéressante économiquement, à partir du moment où les calculs se basent sur une durée de vie du matériel estimée à 30 ans. La couverture des journées de roulement nécessitera normalement l’engagement des sept rames, aussi le constructeur a-t-il dû prendre en compte, avec une acuité extrême, le facteur « disponibilité du matériel ». Cela dit, le plan de transport pourra encore être réalisé avec une unité immobilisée, mais au prix d’une réduction des temps de retournement aux terminus. Pour effectuer les opérations de maintenance, Stadler disposera d’une halle à Linz, gare qui fonctionnera comme origine pour les premiers trains de la journée, et terminus pour les derniers. Il serait apparemment prévu que le cadencement horaire s’étende depuis les petites heures de la matinée jusque tard en soirée…
Le choix par Westbahn d’un matériel automoteur, qui prend ainsi le contre-pied de celui des ÖBB avec leurs rames tractées réversibles Railjet, paraît à l’évidence tout sauf innocent : grâce aux excellentes valeurs d’accélérations qui caractérisent généralement un tel matériel (en l’occurrence 1,1 m/s2 pour les futures rames Stadler), le nouvel opérateur peut d’ores et déjà annoncer un temps de parcours de seulement 2 heures et 50 minutes entre Vienne et Salzbourg, en dépit de cinq arrêts intermédiaires (Vienne-Hütteldorf, Saint-Pölten, Amstetten, Linz, Wels et Attnang-Puchheim) ! Et sans doute, dès 2013, une fois achevé le tunnel du Wienerwald (la forêt viennoise) entre Hütteldorf et Saint-Pölten, ce temps s’abaisserait même à 2 heures 30…
Pour le voyageur, emprunter un train de la Westbahn devrait s’avérer d’une déconcertante facilité. Déjà, le cadencement systématisé lui évitera toute mémorisation d’horaires, puisqu’il n’aura finalement à se souvenir que de la minute à laquelle partent, à chaque heure, les trains de sa gare. De plus, il n’aura même plus à se soucier de prendre son billet. Pour Westbahn, le choix d’un matériel à deux niveaux, associé au cadencement horaire, devrait garantir, sans exception aucune, un excédent de places disponibles dans tous les trains. En conséquence, inutile de réserver au préalable. Le voyageur aura toute latitude pour monter jusqu’au dernier moment dans le train qu’il souhaite emprunter, sans même avoir de titre de transport en poche, puisqu’il pourra l’acheter à bord. Ce sera d’ailleurs une manière courante de voyager avec le nouvel opérateur qui va réaliser, du même coup, de substantielles économies en faisant l’impasse définitive sur la vente en gare, vente qui autrement aurait nécessité la location d’autant de guichets spécialisés, ainsi que la rétribution d’agents commerciaux à longueur de journée. Bien sûr, la vente par Internet reste également prévue, et il faut noter que les cartes de réduction actuelles ainsi que les abonnements délivrés dans le cadre de communautés tarifaires existantes devraient être également acceptés, pour autant que les négociations correspondantes aboutissent d’ici là…
« Rien à terre, tout à bord », telle pourrait être, décidément, le maître-mot du concept « Westbahn », à l’évidence issu d’une nouvelle approche de l’exploitation ferroviaire centrée sur la profitabilité. Ainsi, pour assurer la vente et le contrôle des titres de transport, répondre aux attentes des voyageurs, mais aussi… pour effectuer le nettoyage des voitures, les dépannages et autres petites interventions d’entretien pendant le parcours et surtout lors des stationnements en gare entre deux trains successifs, l’opérateur a prévu d’employer pas moins de six « accompagnateurs clients » par train, soit un agent par voiture ! Ce sont eux qui assureront aussi le service des boissons chaudes ou rafraîchissantes, ainsi que la restauration froide pour laquelle la fraîcheur, la simplicité, la valeur diététique et le rapport qualité/prix devraient apparemment revêtir une importance primordiale…
Du coup, sur les quelque 250 collaborateurs appointés par Westbahn, moins de 10 % seront employés à terre pour des tâches administratives. Leur quartier général sera installé à l’intérieur des bâtiments de la gare de Vienne-Westbahnhof (la gare de l’Ouest), qui fait l’objet d’une complète réhabilitation. A bord des futurs trains, les nombreux « accompagnateurs clients » auront à charge d’assurer un vrai moment de détente à leurs voyageurs, dans un environnement voulu de grand confort. Il est intéressant de constater que le nouvel opérateur cite la France comme l’exemple qu’il a suivi lorsqu’il vante le confort de ses futurs sièges en cuir, de grande largeur, qui seront au demeurant fabriqués par l’équipementier espagnol Fainsa… Surtout, Westbahn entend proposer sa première classe au prix de la seconde telle qu’elle est tarifée par la concurrence. On murmure que les ÖBB prendraient la menace très au sérieux…
Philippe HÉRISSÉ
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