Le 19 juillet, Vossloh a annoncé le rachat de l’entreprise France Aiguillages Services (FAS), basée à Bertrichamps (Meurthe-et-Moselle), qui présente un portefeuille complet de services pour les appareils de voie (« aiguillages » en langage courant) et les systèmes de signalisation associés. Son client le plus important est SNCF Réseau et FAS dispose de nombreuses habilitations pour effectuer des inspections techniques et des services de maintenance sur les appareils de voie et les installations de signalisation du réseau ferré national.
Cette transaction comprend également le centre de formation agréé LUNEFCF, qui dispense des cours dans les domaines du risque ferroviaire et de la signalisation mécanique, ainsi que des contrôles ou du perfectionnement technique associés à cette dernière. Ces formations sont dispensées tant au personnel de SNCF Réseau qu’aux salariés de FAS.
Déjà présent de longue date en France dans le domaine des appareils de voie, le groupe allemand Vossloh y renforce son offre de services par l’acquisition de FAS. Fondateur de cette entreprise, Christophe Calley « continuera à la soutenir dans un rôle de direction »</emo, ajoutant être « très heureux que FAS et Vossloh unissent maintenant leurs forces », dans la mesure où « les compétences des deux entreprises se complètent parfaitement ». Une approbation préalable de la part des autorités de la concurrence pour l’intégration de FAS au groupe Vossloh n’a pas été nécessaire, selon ce dernier.
Jeudi 6 février vers 5 h 30, près de Casal Pusterlengo, au sud-est de Milan, une rame « Flèche rouge » de Trenitalia a déraillé à 290 km/h sur la ligne à grande vitesse Milan – Bologne. Les deux agents de conduite ont perdu la vie dans l’accident, et 31 voyageurs ont été blessés.
De l’avis des sauveteurs, une catastrophe a été évitée, dans la mesure où la rame était fort peu remplie à cette heure de la matinée. La motrice menante a déraillé la première, entraînant une rupture d’attelage avec la voiture suivante, puis elle s’est couchée aux abords de la voie après avoir, semble-t-il, heurté un bâtiment d’exploitation.
Une aiguille indûment disposée
Les causes du déraillement n’ont pas encore pu être totalement élucidées. Toutefois, le magistrat en charge de l’enquête judiciaire, Domenico Chiaro, laissait entendre, le soir même à Lodi (ville la plus proche du lieu de l’accident), qu’une aiguille indûment disposée pour la voie déviée pouvait être à l’origine du déraillement. Des travaux de maintenance des infrastructures étaient en cours sur ce secteur, et l’on songe bien sûr déjà à l’éventualité d’une erreur humaine lors de la restitution de l’intervalle. « Si l’aiguille avait été disposée pour la voie directe, le train n’aurait jamais déraillé », devait même ouvertement déclarer Domenico Chiaro à quelques journalistes.
Les déraillement sur LGV sont exceptionnels
Les déraillements de trains commerciaux sur lignes à grande vitesse sont très rares. En Allemagne, la catastrophe d’Eschede (rupture d’un bandage de roue) le 3 juin 1998 avait fait 101 morts et 88 blessés. En France, deux évènements sont restés dans les esprits : Macon-Loché-TGV (défaillance, lors d’un freinage, d’un tiroir anti-enrayeur sur une rame) le 14 décembre 1992, et Ablaincourt-Pressoir (survenue d’un fontis sous la plate-forme de la voie) le 22 décembre 1993. Aucun de ces deux évènements n’avait entraîné de graves dégâts corporels.
En plein débat sur le projet de loi Economie circulaire au Sénat, SNCF Réseau organisait le 9 octobre à la Recyclerie (au-dessus de la Petite Ceinture à Paris) un « petit-déjeuner Innovation » sur la conception bas carbone. Autrement dit, l’écoconception dès le design d’un projet de manière à émettre le moins possible de CO2.
Avec un focus sur les 400 000 traverses de chemin de fer que le gestionnaire des 30 000 kilomètres de voies ferrées doit renouveler chaque année, et qui sont dans le collimateur des autorités sanitaires européennes et françaises à cause de leur traitement à la créosote, un fongicide cancérigène.
L’utilisation des bois traités à la créosote est interdite en France depuis le 23 avril 2019… sauf pour les traverses de chemin de fer qui bénéficient d’une dérogation jusqu’en mars 2021 accordée par l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), et renouvelable.
Pourquoi s’évertuer à couper des chênes pour les transformer en matériaux toxiques ? SNCF Réseau a bien pensé remplacer le bois par du béton (photo ci-contre) : 1,2 million de traverses sur les 40 millions que compte le réseau sont en béton, mais « c’est plus cher à l’achat (80 € en moyenne pour une traverse en béton contre 60 € en bois), plus cher et long à installer, beaucoup plus lourd sur le ballast (300 kg contre 80 kg) et très consommateur en énergie. Bref, un bilan environnemental et économique pas très positif », résume Patrizia Gatti-Gregori, cheffe de projet « Plancher Bois » chez SNCF Réseau.
Et les matériaux composites ? Le Japon a mis au point des traverses en plastique avec de la fibre de verre, mais à 450 euros l’unité, ça refroidit ! Au problème de coût, s’ajoutent les contraintes logistiques et un bilan carbone désastreux car les matériaux seraient acheminés depuis l’autre bout du monde. L’absence de filière en France (seul le ferroviaire utilise des traverses), les problèmes de recyclage du polyuréthane et le risque d’exposition des cheminots aux gaz toxiques dégagés par cette matière plastique en cas de fortes chaleurs ont fini par avoir raison du composite.
SNCF Réseau ne sort pas du bois
Revenir au bois ? «Par sa nature, 1 m3 de bois permet de stocker une tonne de CO2, tandis que pour fabriquer 1 m3 de béton, on émet 1,2 tonne de CO2 », affirme la géologue qui a rejoint la SNCF après s’être occupée des barrages contre les hautes eaux à Venise. A raison de 400 000 traverses à remplacer chaque année, « utiliser le bois revient à absorber les émissions carbone de 10 000 voitures en France », avance-t-elle, citant une étude comparative des émissions de CO2 des voies posées sur traverses en bois et en béton (étude CO2LOGIC 2009 menée pour le compte du gestionnaire du réseau ferré belge, Infrabel).
Depuis 2018, pour préserver la santé de ses agents, SNCF Réseau se fournit en azobé pour les traverses d’aiguillage. Une essence de bois africaine imputrescible qui ne nécessite pas de traitement chimique et très résistante. Network Rail, l’homologue britannique de SNCF Réseau, n’utilise que de l’azobé. Mais en s’approvisionnant majoritairement au Gabon, SNCF Réseau qui a déjà réalisé cinq levées de fonds de cinq milliards d’euros en obligations vertes (les green bounds), pour financer la régénération du réseau ferré, ne peut s’offrir d’ignorer la biodiversité.
Peser sur l’industrie chimique
Patrizia Gatti-Gregori a créé en 2018 un réseau européen du bois traités qui regroupe aujourd’hui 60 industriels dans 20 pays du Vieux Continent, pour tenter de peser sur l’industrie chimique. « Nous lui offrons un marché et exigeons en contrepartie des solutions économiquement viables et plus respectueuses pour l’environnement et la santé. Les résultats sont là : le secteur chimique commence à bouger avec des solutions sans additifs, lesquels peuvent être aussi cancérigènes et moins efficaces que la créosote, observe la cheffe de division environnementale et réglementaire de SNCF Réseau. Les principes imposés par la réglementation européenne biocide jouent pour nous », poursuit-t-elle.
SNCF Réseau a par ailleurs contribué à créer une start-up en Belgique, un laboratoire semi-industriel qui teste des matériaux alternatifs. « C’est aussi une plateforme pour une gestion raisonnée du bois : pour faire une traverse de chemin de fer, on utilise 30 % de l’arbre. En associant d’autres corps de métier – paysagistes, architectes pour les passerelles de gares, les bardages etc. – on écoule les 70 % restants et on partage les coûts, tout en payant le juste prix pour du bois qui provient de forêts durablement gérées », justifie la géologue.
Glyphosate : 2021 on arrête tout ?
L’autre sujet épineux, c’est le désherbant au glyphosate qui sera interdit en 2021. Jean-Pierre Farandou, futur président de la SNCF, a confirmé lors de son audition devant le Sénat le 2 octobre, l’arrêt de son utilisation à cette date, et souhaité que la SNCF devienne un producteur d’énergie propre : « Le long des voies, au lieu de glyphosate, peut-être qu’on mettra des panneaux solaires », a lancé le futur premier cheminot de France.
Vite dit car SNCF Réseau, qui consomme 0,4 % du glyphosate utilisé en France (35 tonnes épandues chaque année le long des rails), a eu beau lancer de nombreuses expérimentations ces dernières années pour trouver des solutions alternatives (désherbants naturels, pose de films empêchant la croissance de la végétation, un train herbicide présenté lors du dernier salon ferroviaire Sifer, en mars à Lille), « Il n’y a pas de solution miracle, et on a encore beaucoup d’incertitudes sur les coûts, sur l’efficacité, sur l’impact environnemental et sur les délais », avait confié Guillaume Pepy, dirigeant de la SNCF, lors de son audition à l’Assemblée nationale en avril 2019.