Lancé le 1er mai dernier, le forfait national transport à 49 euros s’est imposé comme une offre incontournable en Allemagne. Plus de 11 millions d’abonnements vendus ! Le « Deutschlandticket » (49 euros, résiliable chaque mois) est un succès comme l’avait été son prédécesseur, le « ticket à 9 euros », une offre d’essai limitée à trois mois pendant l’été 2022. « Il est inimaginable que les responsables politiques fassent aujourd’hui marche arrière. Personne n’osera supprimer ce ticket très populaire », assure Matthias Stoffregen, directeur de la Fédération des entreprises de transport ferroviaires privés (Mofair).
Selon les premières estimations, le pass (qui permet d’utiliser tous les transports en commun d’Allemagne à part les grandes lignes) aurait attiré au moins un million de clients de plus, ceux qui ne prenaient jamais le bus, le tram ou le métro. Par ailleurs, contrairement au ticket à 9 euros, le ticket n’est pas utilisé pour des excursions mais pour se rendre au travail.
Ils profitent surtout aux grands banlieusards qui étaient obligés de souscrire plusieurs abonnements sur différents réseaux. Selon un sondage commandé par la chaine publique SWR, 23% des détenteurs du Deutschlandticket aurait renoncé à leur voiture. En revanche, l’offre est beaucoup moins intéressante pour les ruraux dont les communes sont éloignées des réseaux ferroviaires régionales.
La fiabilité du rail entamée
Certains responsables politiques parlent déjà d’une « révolution ». « Mais pour nous, il s’agit surtout de savoir combien, à la fin, nous gagnerons de nouveaux clients. Il est encore trop tôt pour le dire », estime Matthias Stoffregen. Le défi de la compagnie ferroviaire allemande, Deutsche Bahn (DB), et de tous les opérateurs privés sera d’assurer une offre satisfaisante concernant les matériels, la cadence et surtout la ponctualité. Les réseaux sont dans un très mauvais état en raison d’un sous-investissement chronique qui a considérablement entamé la fiabilité du rail en Allemagne.
Pour cette raison, les experts s’interrogent sur l’utilité d’un tel produit commercial qui n’est en réalité qu’une réduction de tarif pour des millions d’abonnés déjà existants. Quel intérêt d’avoir un pass bon marché si les trains n’arrivent pas à l’heure ou n’arrivent pas du tout ? Ne vaut-il pas mieux injecter les milliards de subvention dans les infrastructures ? « Il serait important de le conserver. L’existence même de ce ticket permet d’animer le débat sur l’utilité des transports en commun dans un contexte de réduction des émissions de CO2. Au bout du compte, les politiques seront convaincus qu’il faudra investir encore plus dans les infrastructures », argumente Matthias Stoffregen.
Le financement du pass reste néanmoins très fragile. Payé par moitié par l’Etat et par les 16 régions allemandes (1,5 milliard par an chacun) pour compenser le manque à gagner des sociétés de transport, l’avenir d’un tel produit dépendra de la volonté du gouvernement Scholz d’inscrire le financement au budget fédéral au-delà de 2025. Volker Wissing, le ministre libéral des transports, refuse pour l’instant d’augmenter toute participation de l’Etat. Quant aux régions, elles s’estiment prises en otage par le ministre : elles rétorquent que l’idée vient du gouvernement et qu’il est donc logique que Berlin assure les dépassement de coûts !