Pas vraiment remis de l’intégration de Bombardier qui pèse toujours sur son résultat net, le groupe ferroviaire français a annoncé le 8 mai un plan de désendettement de deux milliards d’euros. Confiant sur la dynamique de marché, Alstom voit son carnet de commandes gonfler à 92 millions d’euros.
Alstom a précisé le 8 mai les détails de son plan de désendettement de deux milliards d’euros, étape préliminaire pour sortir de la période très compliquée suite au rachat en 2021 puis l’intégration en 2022 de Bombardier Transport. Le numéro deux mondial de la construction ferroviaire avait aussi souffert dernièrement de la mise en œuvre de certains contrats. C’était « par définition une acquisition compliquée et nous savions qu’il fallait trois-quatre ans afin de complètement intégrer » Bombardier, a admis Henri Poupart-Lafarge, PDG pour quelques semaines encore, lors d’un point presse le 8 mai.
Signe que cet héritage pèse encore, le groupe a plus que doublé sa perte nette sur l’exercice fiscal 2023/24, à 309 millions d’euros contre 132 millions d’euros un an plus tôt, sous l’effet d’un certain nombre de charges exceptionnelles (frais de restructuration et d’intégration, litiges, etc.).
A l’occasion de la présentation des résultats annuels sur l’exercice décalé 2023/2024, Alstom a dévoilé les deux instruments financiers auxquels il compte recourir : une augmentation de capital de près d’un milliard d’euros pour faire entrer du cash, et un emprunt obligataire « hybride » d’environ 750 millions d’euros. Ce dernier a pour caractéristique d’être comptabilisé par les agences de notation pour moitié comme des capitaux propres de l’entreprise, ce qui lui permet de renforcer son bilan, a expliqué Bernard Delpit, vice-président exécutif et directeur financier d’Alstom. Les cessions d’actifs d’environ 700 millions – l’activité signalisation conventionnelle (US Sign) en Amérique du Nord à l’allemand Knorr-Bremse AG pour 630 millions d’euros et une autre en Russie (TMH) -, n’ont pas suffi à apporter assez d’argent frais.
« Alstom va mieux. L’entreprise est engagée aujourd’hui dans une nouvelle étape de son redressement, lancé depuis plusieurs mois et dont nous voyons les premiers signes à l’occasion de nos résultats », promet toutefois Henri Poupart-Lafarge qui deviendra en juin directeur général du groupe et cédera la présidence à Philippe Petitcolin, ancien patron du groupe aéronautique Safran.
Cette dissociation des fonctions stratégiques et exécutives sera officielle après l’assemblée générale annuelle, calée le 20 juin. Elle a été décidée mi-novembre 2023, à l’initiative des deux principaux actionnaires d’Alstom, la Caisse de dépôts et de placement du Québec (CDPQ) et BpiFrance, suite à l’avertissement de mauvais résultats, avant que Moody’s ne dégrade la note financière d’Alstom, ce qui l’aurait empêché de se financer et de répondre aux gros appels d’offres. « Ce matin, Mooody’s a confirmé notre rating et la perspective négative d’octobre 2023 devait être annulée pour devenir stable grave à ces actions de désendettement », assurait le 8 mai Bernard Delpit.
Coût social
Les difficultés d’Alstom ont aussi un coût social puisque l’industriel a d’ores et déjà annoncé la suppression d’environ 1 500 postes dans le monde, dans les fonctions support, dont environ 300 CDI au siège de Saint-Ouen, en Seine-Saint-Denis. La vente de l’usine de Derby, en Angleterre n’est plus à l’ordre du jour, mais le groupe va toutefois réduire la voilure dans l’attente de la validation d’une commande – toujours en discussion avec le gouvernement britannique – de trains supplémentaires destinés à la ligne de métro Elizabeth Line, à Londres. « Le marché va redémarrer, on va ajuster les opérations du site », soutient Henri Poupart-Lafarge.
Derrière le plan de redressement, concocté avec le directeur financier Bernard Delpit, un ancien de Safran lui aussi, on devine la patte de Philippe Petitcolin qui s’est glissé plus tôt que prévu dans un siège d’administrateur d’Alstom, à la faveur d’un jeu de chaises musicales mi-mars avec un représentant de la CDPQ.
N.A