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Ewa

Strasbourg lance sa ligne BHNS 100 % Aptis

Bus électrique Aptis (Alstom) lors de la mise en service commercial de la ligne H (Gare Centrale - Parlement Européen) du réseau CTS à Strasbourg, le 24 février 2020.

La Compagnie des transports strasbourgeois (CTS) a inauguré le 24 février sa ligne H exploitée en BHNS sur une flotte de 12 bus électriques Aptis (Alstom). La ligne H emprunte la ceinture des boulevards strasbourgeois sur trois kilomètres, soit 10 stations entre la gare Centrale et le Parlement européen, sans transiter par le centre-ville. Le parcours emprunte à contresens la place de Bordeaux, l’un des axes majeurs du trafic automobile entrant et sortant de Strasbourg, qui se voit amputé d’une voie de circulation.

Il bénéficie sur 30 % de son trajet d’un site propre ou de voies réservées partagées avec deux autres lignes de bus, et profite ainsi de la priorité aux intersections sur les 18 carrefours traversés. La CTS promet « un gain de temps d’au moins cinq minutes » par rapport à un parcours similaire effectué en tramway, pénalisé par une correspondance à la station République. « Cette ligne de BHNS est le premier élément de tentative de désaturation de notre réseau de tramway en centre-ville, et particulièrement du croisement de la station Homme-de-Fer où transitent la plupart des rames du tramway strasbourgeois », détaille Jean-Philippe Lally, directeur général de la CTS.

Un budget de 11 millions d’euros

L’offre commerciale prévoit une fréquence de 8 à 10 minutes et promet un temps de trajet théorique de 15 minutes. La réalisation de la ligne H a mobilisé un budget de 11 millions d’euros, « entièrement financés par l’augmentation des recettes du versement transport qui a résulté du dynamisme économique de Strasbourg », selon Robert Herrmann, président de l’Eurométropole, autorité organisatrice dans l’agglomération. L’investissement se répartit entre le matériel roulant (7,2 millions d’euros), les infrastructures de recharge (1,5 million d’euros), les équipements (1,7 million d’euros) et les travaux de voirie (1 million d’euros).

Aptis est fabriqué en série chez Alstom sur les sites alsaciens de Hangenbieten (ex-Lohr Industrie) et Reichshoffen, où une seconde ligne d’assemblage sera opérationnelle en mai 2020. Après les 12 véhicules strasbourgeois, 70 exemplaires doivent encore être livrés en 2020 à Grenoble, Toulon, La Rochelle et à la RATP. Alstom revendique déjà 200 options possibles liées à ces premiers contrats.

Olivier Mirguet

Ewa

La Commission européenne face au nouveau mariage Alstom-Bombardier

Commission eurppéenne

Il y a tout juste un an, la Commission européenne bloquait l’absorption d’Alstom par Siemens. La menace chinoise et la nécessité de développer des technologies numériques, évoquées pour justifier l’opération, n’avaient pas convaincu Bruxelles, qui craignait une position ultra-dominante en Europe de ce nouvel acteur dans les domaines de la signalisation et de la grande vitesse ferroviaire.

Bruxelles doit désormais écrire un nouveau chapitre pour déterminer sa position sur le projet d’union entre Alstom et Bombardier et sans doute définir une nouvelle doctrine européenne sur la concurrence. Pour plusieurs observateurs, l’enjeu politique devrait primer sur l’analyse juridique. «Il y a eu de tels remous politiques à Paris et à Berlin, lorsque Margrethe Vestager, alors commissaire européenne à la Concurrence (elle est aujourd’hui vice-présidente de la Commission, ndlr) a dit non au mariage Siemens-Alstom qu’il paraît peu probable que Bruxelles s’oppose à ce nouveau mariage. Et, maintenant que CRRC est arrivé en Europe, on voit bien que l’argument de dire qu’il n’y a pas de concurrence chinoise était soit stupide, soit technocrate », souligne l’un d’eux.

Toutefois, vu les niveaux de marchés détenus par Alstom et Bombardier ensemble (95 % du matériel roulant en France notamment), si on applique les règlements sur les seuils, l’opération devrait logiquement conduire à des cessions d’actifs. « Ce serait étonnant si ce n’était pas le cas. Les concurrents vont d’ailleurs sans doute interpeller la Commission européenne sur la question », poursuit cet expert. Quant aux grands clients que sont les transporteurs, ils ne sont jamais ravis de se retrouver face à des fournisseurs en situation de monopole…

M.-H. P.

Ewa

Alstom et Thales reconduits pour le prolongement du métro automatique de Sydney

Metro North West Sydney

Déjà retenus il y a quatre ans pour le Metro North West de Sydney, mis en service en mai dernier, Alstom et Thales ont été confirmés pour équiper le prolongement de cette première ligne de métro automatique en Australie. Ces confirmations font suite à la prorogation du PPP entre le Northwest Rapid Transit Consortium (NRT), dont l’opérateur MTR est le principal membre, et les Transports de Nouvelle-Galles du Sud (TfNSW). Au terme de ce projet de prolongement, NRT exploitera une ligne de 66 km en forme de U reliant Rouse Hill (nord-ouest de Sydney) à Bankstown (sud-ouest) via la City, et desservant 31 stations au total.

Attendu pour 2024, le prolongement vers la City et le sud-ouest de Sydney comprend la construction, déjà entamée, d’un nouveau tronçon de 15 km desservant sept nouvelles stations, ainsi que la conversion en métro automatique d’une ligne de train de banlieue, longue de 13 km et comprenant 11 gares déjà en service. Intitulé Sydney Metro City & Southwest (SMCSW), ce projet comprend également l’agrandissement de la station de Rouse Hill et la construction d’une nouvelle station de métro à Sydenham.

Un contrat de 350 millions d’euros pour Alstom

Dans le cadre de son contrat, d’un montant d’environ 350 millions d’euros, Alstom assurera la gestion, la conception, la fourniture, la fabrication, les essais et la mise en service de 23 rames de six voitures du type Metropolis, à conduite automatique intégrale. Ces rames seront fabriquées sur le site Alstom de Sri City (Inde), qui a déjà livré les 22 rames Metropolis du Metro North West, et une option permet de commander des rames supplémentaires. Alstom sera également chargé du CBTC (le système assurant la conduite automatique) du type Urbalis 400. Le matériel roulant et le CBTC à mettre en œuvre sur le Sydney Metro City & Southwest devront être de même conception que sur le Metro North West.

et d’environ 153 millions d’euros pour Thales

De son côté, Thales a signé un contrat de 250 millions de dollars australiens (environ 153 millions d’euros) pour la conception, la fabrication, la livraison, l’installation, les essais et de la mise en service des systèmes de supervision, de commande centralisée et de communications (information des voyageurs et de vidéoprotection via un système centralisé) pour le prolongement. Ici aussi, les technologies à mettre en œuvre seront similaires à celles des systèmes Thales équipant le métro automatique de Sydney en service depuis mai dernier.

P. L.

Ewa

Alstom teste la charge ultrarapide des bus électriques par le sol

Plateforme de recharge par le sol  de bus électrique mise au point par Alstom et testée jusqu'à la fin de l'automne sur le réseau de transport urbain de Malaga.

Paloma, acronyme de « Prototype for alternative operation of mobility assets ». Plus prosaïque que le prénom d’origine espagnole, ce projet pilote de recharge rapide de bus électriques en ligne et non plus forcément au dépôt, mis au point par Alstom, est testé à Málaga en première mondiale.

Objectif, recharger les bus en station ou aux terminus sans devoir transporter deux tonnes de batteries, ni devoir déployer un pantographe sur le toit pour le relier à un mât d’alimentation. Tout se passe discrètement sous l’autobus, pendant que les passagers descendent ou montent à bord, ou pendant le changement de conducteurs au terminus. Ou bien encore, au dépôt. Cela prend quatre à cinq minutes montre en main.

Recharge opportuniste

La capitale de l’Andalousie(1) a été choisie par Alstom, plus connu pour ses trains et ses tramways que pour ses bus électriques même s’il a déjà vendu une centaine d’Aptis, commande de la RATP comprise, pour expérimenter ce système de charge dite « opportuniste » par le sol. Opportuniste parce qu’il permet au conducteur de recharger les batteries pendant son service, grâce à un système d’alimentation par le sol (APS) éprouvé depuis 15 ans pour les tramways (celui de Bordeaux a essuyé les plâtres, les lignes 2 et 3 du tram de Nice en sont équipées). Sauf que pour les bus, la recharge des batteries ne se fait pas en continu mais par salves sur une plate-forme implantée en station, aux terminus et aussi dans les dépôts des bus.

A Málaga, la plateforme (photo ci-dessous) qui ressemble un peu à un ralentisseur mesure environ deux mètres carrés, surélevée sur sept centimètres. Elle est en test jusqu’à fin novembre au terminus de la ligne L qui relie les différents pôles du campus universitaire, lui-même alimenté par énergie solaire. Deux bus électriques de marques différentes, l’Aptis d’Alstom et un Linkker finlandais, assurent le service sur les six kilomètres de ligne, de 6h45 à 21h45. Toutes les 30 minutes, le temps de faire l’aller-retour, ils viennent y recharger leurs batteries en se positionnant simplement au-dessus de la plate-forme d’alimentation électrique.

Comment ça marche ?

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Plateforme de recharge par le sol : trois plaques d’alimentation électrique sont visibles, sur lesquelles viennent se connecter les minipantographes du bus (les « frotteurs »), situés sous son châssis.

Le conducteur fait une approche minutieuse pour positionner le châssis avant du bus sur la plate-forme, juste au-dessus de trois plaques d’alimentation. Trois frotteurs dissimulés sous le châssis, derrière les roues avant, se déploient alors pour entrer en contact avec les plaques.

Une fois les deux dispositifs connectés, des panneaux de sécurité encerclent la zone de transmission d’électricité et un signal de sécurité garantit la présence de courant électrique uniquement lorsque le bus est au-dessus des plaques d’alimentation. Le bus communique par Wi-Fi avec la borne de recharge 200 kW située sur la chaussée. « Si demain, nous avons besoin d’upgrader à 400 ou 500 kW, la technologie ne change pas; il faudra juste changer de chargeur », indique Philippe Bertrand, directeur Electrification, Systèmes et Infrastructures chez Alstom.

Cinq minutes plus tard, le bus a rechargé ses batteries, un moyen d’apporter un supplément d’énergie si nécessaire, et d’éviter un retour au dépôt pendant le service si les batteries sont presque à plat.

Un système interopérable

Objectif d’Alstom, vendre son SRS, nom de code pour « Static recharge system », à d’autres constructeurs, la technologie étant « compatible avec un large éventail de bus électriques, quel que soit le fabricant ou le modèle », assure Philippe Bertrand. Alstom est en discussion avec Safra, le constructeur de bus basé à Albi. Comme pour l’APS des tramways, le SRS des bus n’est pas une technologie propriétaire.

Coût du système et de l’infrastructure ? « Tout dépend de la puissance et du type de batteries. En dépôt, on a besoin de moins de puissance et on traite de gros volumes, le SRS est donc au prix du marché, voire moins cher », répond sans plus de détails Benjamin Bailly, directeur Produit bus électrique chez Alstom.

Si le constructeur français insiste beaucoup sur la réduction de l’impact visuel de sa nouvelle solution de recharge dans le paysage urbain (plus besoin d’un mât de six mètres auquel vient se coller le pantographe), en réalité, Alstom vise le marché des dépôts de bus électriques. Les plates-formes de recharge rapides par le sol nécessitent en effet moins d’emprises physiques que les mâts.

Equiper surtout les dépôts de bus

« Plus que les points de recharge en ligne, nous visons le marché des dépôts », confirme Céline Feugier, directrice du site de R&D d’Alstom à Vitrolles (Bouches-du-Rhône). Là où est née la deuxième génération d’alimentation par le sol des tramways, et le nouveau système SRS pour les bus. La RATP qui essaie de se placer sur le marché de la conversion des dépôts de bus électriques pourrait trouver un nouvel outil pour cette conquête.

Le démonstrateur d’Alstom est en place jusqu’à la fin de l’automne à Málaga, le temps de se frotter aux aléas climatiques (la pluie, les feuilles mortes) et à la capacité du réseau électrique pendant les pics de consommation, pour fournir un premier bilan. Après cela, il devrait partir faire ses preuves sous d’autres cieux en Europe, dans d’autres conditions d’exploitation. Alstom ne dévoile pas le nom des villes en question.

Nathalie Arensonas

(1) Le projet pilote Paloma est cofinancé par le Fonds européen de développement régional (Feder). Il est développé par un consortium formé d’Alstom, de l’énergéticien espagnol Endesa, et du prestataire de services d’électrification Mansel.

Ewa

376 millions pour l’achat de rames régionales pour les liaisons avec l’Allemagne

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Le conseil régional du Grand Est a approuvé le 5  juillet l’acquisition de 30 rames régionales Coradia bimodes (Alstom) destinées à ses services transfrontaliers. Le projet représente un projet d’investissement de 376 millions d’euros partagé avec les Länder de Sarre, de Rhénanie-Palatinat et du Bade-Wurtemberg.

Ces rames entreront en service sur la ligne réactivée entre Metz et Trèves, ainsi que sur les lignes transfrontalières en direction de Karlsruhe et sur les axes franco-allemands au départ de Strasbourg. Le nouveau matériel roulant permettra de quadrupler l’offre ferroviaire sur les sept lignes régionales existantes entre la France et l’Allemagne. « Ces dessertes sont essentielles pour favoriser l’accès aux bassins d’emploi dans les régions voisines », rappelle David Valence, vice-président de la région Grand Est en charge du Transport.

La mise en concurrence pour l’exploitation de ces dessertes ferroviaires est prévue à partir de 2025.

Olivier Mirguet

Ewa

Et voici le MP14, premier métro parisien de 120 mètres

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Ce sera le plus long des métros parisiens, avec ses huit voitures qui en font une rame de 120 mètres. Cette version longue et à conduite automatique du métro sur pneus MP14 d’Alstom, que la RATP compte mettre en service à fin 2019 ou début 2020, est destinée à la ligne 14, mais c’est sur la ligne 1 qu’elle effectue, de nuit, des essais de type depuis janvier. Un choix qui se justifie à deux titres au moins.

D’une part, la plus ancienne ligne parisienne est équipée pour la circulation des métros sur pneus et présente les caractéristiques géométriques les plus exigeantes du réseau (courbes très serrées à la Bastille, rampes prononcées au Pont de Neuilly), qui permettront de vérifier la conformité du nouveau matériel pour ce qui est de ses performances. C’est ainsi qu’après des essais statiques, visant à valider les fonctionnalités de base du matériel, les essais dynamiques sont menés en ligne jusqu’à l’été prochain, avec pour but de vérifier plus précisément le freinage, la traction, la compatibilité électromagnétique ou le confort acoustique, mais aussi climatique.

D’autre part, les ateliers de la ligne 1 situés à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne) sont actuellement les seuls adaptés à l’accueil et à la maintenance d’une rame de 120 mètres pendant les essais, en attendant l’achèvement du nouveau site de maintenance et de remisage de la ligne 14, à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis). Un site que le MP14 rejoindra d’ici la fin de l’année, lorsque débuteront les essais portant cette fois sur le système de conduite automatique et les moyens audiovisuels embarqués, cette fois-ci sur la ligne 14. Ce n’est qu’une fois ces essais réalisés et l’autorisation de mise en service obtenue que la première rame, entièrement équipée et aménagée par son constructeur Alstom, pourra accueillir ses premiers voyageurs.

imgp9368Car dans son état actuel, cette première rame est pour l’essentiel dépourvue de son aménagement intérieur qui, lorsqu’il sera en place, offrira de nouveaux sièges à l’ergonomie revue et davantage de places aux personnes à mobilité réduite que l’exige la réglementation en vigueur. Indispensable pendant la phase d’essais sur la ligne 1, en conduite manuelle, le pupitre de conduite du premier MP14 (qui sera escamoté quand il sera en service) est actuellement l’équipement qui se fait le plus remarquer à l’intérieur ! L’éclairage de la rame est également en place ; à base de LED, il a été entièrement repensé et contribue à réduire de 20 % la consommation énergétique du MP14 par rapport au MP05, modèle sur pneus le plus récent actuellement. Une autre réduction promise par le nouveau matériel est celle du bruit intérieur, à hauteur de 40 %.

Le MP14 n’est pas uniquement destiné à la ligne 14, il doit équiper à partir de 2021 la ligne 4 en version à six voitures, après son passage en mode automatique, ainsi que la ligne 11 à partir de 2022, en version à 5 voitures avec conduite manuelle (qui pourra par la suite être convertie pour la conduite automatique). Au total, 72 nouvelles rames doivent être livrées ces cinq prochaines années par Alstom, pour un coût de 1 096,22 millions d’euros, entièrement financé par Ile-de-France Mobilités. « Plus de 2 000 emplois seront pérennisés en France chez Alstom et ses fournisseurs » rappelle le constructeur, dont huit sites participeront à ce projet : Valenciennes (conception et fabrication), le Creusot (bogies), Ornans (moteurs), Villeurbanne (électronique embarquée), Tarbes (traction), Aix-en-Provence (informatique de sécurité), Reichshoffen (études de collision) et Saint-Ouen (design).

Patrick LAVAL

 

 

Ewa

Pour Bruxelles, attaquer le droit de la concurrence c’est se tirer une balle dans le pied

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La décision de la Commission européenne d’interdire la fusion Alstom-Siemens s’est attiré une levée de boucliers. On a accusé Bruxelles d’avoir une vue court-termiste et une compréhension étroite de la concurrence. Les critiques sont quasi unanimes en Allemagne, largement majoritaires en France. Dans les autres pays de l’Union européenne (UE), on comprend beaucoup mieux la décision de Margrethe Vestager, la commissaire à la Concurrence.

La Commission ne manque d’ailleurs pas d’arguments. Le plus fort ? Elle applique le droit. Elle a pour mission de s’assurer qu’une entité ne peut acquérir de position dominante sur le marché intérieur par une acquisition. On peut devenir dominant par ses propres mérites. Mais, si on le devient par acquisition ou fusion, il faut concéder des contreparties.

À l’issue de son enquête, la Commission a estimé qu’environ 80 % de l’activité cumulée d’Alstom et Siemens ne posait aucun problème. Comme on le sait, c’est dans deux domaines que le bât blessait : les trains à très grande vitesse (au-delà de 300 km/h) et la signalisation. Seuls Siemens et Alstom vendent des trains à très grande vitesse dans l’UE. Il en va de même en dehors de l’Union, du moins sur les marchés accessibles. Exception faite donc des réseaux chinois, japonais et coréens, qui ne le sont pas. La position dominante du nouvel ensemble était encore plus flagrante dans la signalisation.

Dans ces deux domaines les candidats à la fusion étaient donc conduits à vendre des parties significatives de leur activité, pour laisser place à des concurrents.

Or, rappelle-t-on à la Commission, les sacrifices dans les projets de fusion se montent en moyenne entre 10 et 20 % du chiffre d’affaires. Ce n’est pas une règle, mais on s’est étonné qu’Alstom et Siemens n’aient proposé que 4 %. La nature des cessions proposées a aussi posé problème. Pour la très grande vitesse, la cession envisagée (accorder des licences) n’était pas suffisante. Alstom-Siemens aurait continué à maîtriser l’essentiel. C’est du moins ce qu’a jugé Bruxelles, même si, d’après le Financial Times, l’espagnol CAF, intéressé, était prêt à payer 900 millions d’euros pour cette partie cédée de la très grande vitesse.

Ça ne peut pas marcher

Sur la signalisation, les solutions des deux partenaires étaient aux yeux de Bruxelles beaucoup trop compliquées, faites de cessions de petits bouts un peu partout qui ne pouvaient que très difficilement constituer un véritable concurrent.

Les remèdes proposés le 12 décembre 2018 par les deux partenaires aux griefs de la Commission ont été testés auprès des concurrents, des clients, des autorités régulatrices. Dans des délais serrés, ils ont conclu : ça ne peut pas marcher. Et ce n’est pas la deuxième mouture de remèdes qui pouvait satisfaire. Présentée hors délais, moins d’un mois avant la date limite de décision, un peu différente mais de même ordre de grandeur, elle a été plutôt reçue comme un moyen de faire pression in extremis.

La Commission estime donc avoir appliqué le droit existant de la concurrence, qui fonctionne et auquel elle s’est tenue. Il ne l’a conduite que très rarement à une telle décision : au cours des 10 dernières années, elle a seulement interdit neuf projets de fusion et en a accepté 2 991. On veut y voir la preuve que le droit de la concurrence empêche les monopoles mais ne s’oppose pas à la création de champions.

Et puis, si les Européens se réjouissent que Margrethe Vestager applique ce droit aux Gafa, on ne peut lui demander de ne pas l’appliquer aux entreprises européennes. La base juridique qui conduit à refuser la fusion Siemens-Alstom est celle qui a permis d’infliger une amende record de 4,3 milliards à Google. En attaquant cette base, on se tirerait une balle dans le pied. Ou en l’appliquant mal. En dehors de l’Union, des grands groupes ou de grands États n’attendent qu’une chose : qu’une telle faute soit commise par Bruxelles.

Si on ne peut pas demander à la Commission de ne pas appliquer le droit, on peut changer les règles. Certains thèmes apparus dans le débat y invitent… sans toujours convaincre la Commission.

Is big beautiful  ?

Premier thème, créer un très grand groupe apparaît une évidence. Mais il n’a pas été démontré que l’entité nouvelle serait un meilleur concurrent face aux Chinois que les deux actuelles. Ni en ce qui concerne les prix plus bas, ni en ce qui concerne l’innovation. Big is beautiful ? Peut-être, mais peut-être pas.

Deuxième thème. Il faut prendre en compte le marché mondial et particulièrement la concurrence chinoise. Mais c’est une dimension que la Commission estime n’avoir pas ignorée. Or, s’agissant de la très grande vitesse, les Chinois n’ont pas vendu un seul train en dehors de leurs frontières (malgré un projet en Indonésie). En Europe, lorsqu’ils ont voulu se présenter pour le projet britannique HS2, ils n’ont pas été pré-qualifiés. On estime qu’il n’y a aucun danger d’ici cinq ans, vraisemblablement pas avant 10 ans. Pour la signalisation, la Chine est jugée encore moins avancée. La barrière à l’entrée est encore plus grande et l’Europe a trois géants mondiaux : Siemens, Alstom et Thales.

Autre reproche, Bruxelles limiterait son horizon au droit de la concurrence. Elle défend le consommateur plutôt que le producteur. Mais on estime à Bruxelles que c’est plutôt une bonne chose. Car protéger le producteur cela peut vite revenir à protéger des bases d’emploi dans certains pays membres au détriment des autres. En revanche, protéger le consommateur, c’est protéger tous les citoyens de l’Union. En limitant le nombre de candidats potentiels aux appels d’offres, il y aurait baisse de la concurrence et une moindre incitation à l’innovation… Avec le risque, au bout du compte, d’être plus mauvais face aux Chinois. Credo de Bruxelles : grâce à la concurrence, on exporte de la compétitivité. Taper sur le droit de la concurrence, c’est taper à côté de la plaque. Et oublier qu’on dispose d’autres outils.

Car le véritable outil contre la pénétration du marché européen, c’est la réciprocité dans l’ouverture des marchés publics, politique qui a deux volets.

Dans le cadre de la réforme de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), pour lutter contre les entreprises d’État et les subventions, et mieux maîtriser les marchés publics, Bruxelles met au point l’International Procurement Initiative (IPI). Présenté en 2013 par la Commission, le texte est, cela dit, toujours en discussion…

L’autre volet, ce sont les accords bilatéraux. L’accord Jefta entre l’UE et le Japon, entré en vigueur le 1er février, a notamment permis d’ouvrir les marchés publics. Dans le ferroviaire, la clause dite de « sûreté opérationnelle », qui bloquait les concurrents étrangers, a été éliminée. Non sans de sévères discussions.

Avec le Canada, l’accord Ceta, en application provisoire depuis le 21 septembre 2017, a lui aussi permis d’ouvrir ce marché, aux niveaux fédéral comme subfédéral.

Ce ne sont pas les seuls outils. Pour juger les appels d’offres des marchés publics dans l’UE, on peut s’appuyer sur d’autres critères que le prix : par exemple les critères sociaux et environnementaux qui ne sont pas assez utilisés. Dommage : ils favorisent de fait les Européens.

Autre arme, le contrôle des investissements étrangers. Sur les 28 États membres, 12 ont un tel dispositif, dont la France (décret de 2005, renforcé par le décret Montebourg, et maintenant par loi Pacte). Mais certains pays de l’Union sont très peu regardants. La Grèce a vendu au Chinois Cosco le port du Pirée. On avait des trous dans la raquette, reconnaît-on. Or, la Commission a proposé en septembre 2013 un cadre qui a très vite fait l’objet d’un accord entre la Commission, le Conseil, et le Parlement, permettant le filtrage des investissements directs étrangers. Le texte devait être discuté en plénière au Parlement le 11 février.

De plus, il n’a pas échappé à la Commission qu’environ 50 000 entreprises chinoises sont des entreprises d’État qui bénéficient de subventions déloyales. L’Europe n’est pas tout à fait démunie. 143 mesures antidumping ont été prises par la Commission dont une centaine concernaient des entreprises chinoises. On les juge efficaces, puisque les importations concernées par ces mesures ont baissé de 70 %. Premiers visés, les produits sidérurgiques, dont le volume importé a baissé de 97 %.

Le plaidoyer de la Commission résistera-t-il à la campagne électorale, en pleine période de replis nationalistes ou de désaveu de l’Europe ? Pas sûr. Il vaut tout de même la peine d’être entendu.

F. D

Ewa

Fusion Alstom-Siemens : la Commission européenne donne les raisons de son refus

Margrethe Vestager

Pas l’ombre d’un doute. Pour la Commission européenne, la concentration qui « aurait permis à Siemens et à Alstom de mettre en commun leurs activités en matière de matériel et de services de transport dans une nouvelle société exclusivement contrôlée par Siemens, […], aurait porté atteinte à la concurrence sur les marchés des systèmes de signalisation ferroviaire et des trains à très grande vitesse ». Et, déclare Margrethe Vestager, commissaire chargée de la Politique de concurrence, « la Commission a interdit la concentration parce que les parties n’étaient pas disposées à remédier aux importants problèmes de concurrence que nous avons relevés ».

Les griefs

Les griefs portaient sur deux domaines. La signalisation et les trains à très grande vitesse (plus de 300 km/h). La concentration aurait, selon un communiqué publié le 6 décembre par la Commission, créé le « leader incontesté du marché sur certains marchés de la signalisation et un acteur dominant dans le secteur des trains à très grande vitesse. Elle aurait réduit de manière significative la concurrence dans ces deux domaines, restreignant ainsi le choix des clients, notamment les opérateurs ferroviaires et les gestionnaires d’infrastructure ferroviaire, en matière de fournisseurs et de produits ».

Au cours de son enquête, la Commission indique « avoir reçu plusieurs plaintes émanant de clients, de concurrents, d’associations professionnelles et de syndicats. Elle a aussi reçu des observations négatives de plusieurs autorités nationales de la concurrence dans l’Espace économique européen (EEE). »

Pour les systèmes de signalisation, l’opération envisagée « aurait éliminé un concurrent très puissant de plusieurs marchés de la signalisation pour grandes lignes et lignes urbaines ». Alstom-Siemens serait devenu « le leader incontesté sur plusieurs marchés de la signalisation grandes lignes, en particulier en ce qui concerne les systèmes de protection automatique des trains ETCS dans l’EEE et les systèmes d’enclenchement autonomes dans plusieurs Etats membres ». Et, pour les métros, « l’entité issue de la concentration serait également devenue le leader du marché pour les systèmes de signalisation les plus récents de type CBTC ».

Pour les trains à très grande vitesse, l’opération « aurait réduit le nombre de fournisseurs en supprimant l’un des deux principaux fabricants de ce type de trains dans l’EEE ». L’entité issue de la concentration aurait détenu des parts de marché très importantes « tant au sein de l’EEE que sur un marché plus vaste comprenant aussi le reste du monde à l’exception de la Corée du Sud, du Japon et de la Chine (où le secteur n’est pas ouvert à la concurrence). » Cette réduction « aurait porté préjudice aux clients européens. Les parties n’ont avancé aucun argument étayé expliquant en quoi l’opération aurait généré des gains d’efficacité propres à la concentration ».

Alors qu’on lui reproche d’avoir limité ses vues au marché européen la Commission indique avoir, en particulier, « analysé la concurrence qui pourrait être exercée à l’avenir au niveau mondial par les fournisseurs chinois ». Or, « en ce qui concerne les systèmes de signalisation, l’enquête de la Commission a confirmé que les fournisseurs chinois ne sont pas présents dans l’EEE aujourd’hui, qu’ils n’ont à ce jour même pas tenté de participer à des appels d’offres et que, par conséquent, ils ne deviendront pas des fournisseurs crédibles pour les gestionnaires d’infrastructure européens avant très longtemps ». En ce qui concerne les trains à très grande vitesse, la Commission estime qu’il est « hautement improbable que l’entrée de la Chine sur le marché ne constitue une contrainte concurrentielle pour les parties à la concentration dans un avenir prévisible ».

Or, les « mesures correctives proposées par les parties ne permettaient pas de répondre de manière satisfaisante aux préoccupations concurrentielles de la Commission ».

En particulier, en ce qui concerne les systèmes de signalisation grandes lignes, « le remède proposé consistait en une combinaison complexe d’actifs de Siemens et d’Alstom, certains d’entre eux étant transférés en tout ou en partie, et d’autres cédés sous licence ou copiés ». En conséquence, « la mesure corrective proposée ne consistait pas en une activité autonome et pérenne qu’un acheteur aurait pu utiliser pour concurrencer de manière effective et indépendante l’entreprise issue de la concentration ».

Et, en ce qui concerne le matériel roulant à très grande vitesse, « les parties ont proposé de céder soit un train actuellement incapable de rouler à très grande vitesse (le Pendolino d’Alstom), soit une licence portant sur la technologie à très grande vitesse Velaro de Siemens. La licence était soumise à de multiples conditions restrictives et exceptions, qui auraient, pour l’essentiel, fait obstacle au développement, par l’acheteur, d’un train à très grande vitesse concurrent ».

Mesures correctives insuffisantes

La Commission « a sollicité l’avis des participants au marché sur les mesures correctives proposées. Les retours ont été négatifs dans les deux domaines. Cela a confirmé l’analyse de la Commission selon lequel les mesures correctives proposées par Siemens ne suffisaient pas à remédier aux graves problèmes de concurrence ». Aussi la Commission « a-t-elle interdit l’opération envisagée ».

Ewa

Aujourd’hui la restructuration des constructeurs de train, demain la bataille pour les voies ?

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Si l’alliance entre Siemens et Alstom représente un bon deal pour les actionnaires, elle permet aussi de constituer un groupe puissant, présent sur tous les segments du marché, du tram au TGV, très fort dans les métros automatiques (il est de loin leader mondial de ce marché) et également leader mondial dans la signalisation. « Dans ce domaine, l’avance sur les Chinois est très importante », estime un industriel français. S’ajoute une belle capacité d’innovation des deux côtés (par exemple les trains à hydrogène qu’est en train de tester Siemens en Allemagne).
A eux deux, leur présence est planétaire : Siemens est fort en Extrême-Orient, en Russie et en Amérique du Nord (où son carnet totalise 400 commandes de tramways, il livre ou va livrer des locomotives diesel et électrique aux Etats-Unis, et fournit des équipements électriques et de sécurité comme le CBTC). Un positionnement plutôt complémentaire avec Alstom, très présent en France bien sûr et en Europe, mais aussi au Proche et au Moyen-Orient et au Maghreb. En Amérique du Nord, le groupe français a récemment gagné des contrats pour fournir des trains à grande vitesse et des trains de banlieue.
Le groupe, qui réalise plus de 15 milliards d’euros de chiffre d’affaires et dispose de trésorerie, affiche aussi une bonne rentabilité financière tournant autour de 6,5 %-7 % (Siemens présente une rentabilité de 8,7 % et Alstom de plus de 5 %).
Reste un vrai problème culturel qui pourrait mettre des années à être résolu, estiment des observateurs : « Il va falloir que les deux groupes apprennent à travailler ensemble, et passer outre leur rivalité qui dure depuis des années. »
Cette alliance poussée par l’apparition du groupe chinois CRRC même si elle était évoquée depuis des années, comme d’autres alliances possibles, n’est sans doute que le début d’un mouvement de restructuration encore plus vaste qui va encore toucher l’ensemble du secteur ferroviaire. Les fournisseurs d’équipement pour les voies et les entreprises de travaux sur les infrastructures pourraient être les prochains touchés. Le mouvement a déjà commencé. Ainsi Vossloh a déjà repris plusieurs entreprises européennes dont Cogifer en France. « En Chine, de vastes regroupements d’entreprises sont à prévoir », estime un industriel. Ce qui pousserait alors encore la concentration dans le secteur. Demain la bataille pour les voies ?

M.-H. P.

Ewa

« Airbus du rail » : la zone d’ombre politique d’une bonne nouvelle, selon Gilles Savary

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Ville, Rail & Transports a demandé à Gilles Savary de réagir après l’annonce de la fusion entre Siemens et Alstom. Voici ce que nous a répondu l’ancien député socialiste de la Gironde, rapporteur de la loi
de réforme ferroviaire et de celle sur la sécurité et la fraude dans les transports :

 

« Lancée par une tribune publique de quatre parlementaires français reprise par Alain Juppé, l’idée de création d’un Airbus du rail se profile au moment où l’on ne l’attendait pas.

Comme souvent en matière européenne, à l’instar du traité constitutionnel européen en 2005, cette idée française fait l’objet de vives oppositions et controverses françaises.

En cédant de fait ses « parts optionnelles » dans Alstom Transport à Siemens, l’Etat français est accusé de privilégier une aventure étrangère aux dépens d’un champion français.

S’il est une chose qui n’est pas contestée, c’est la nécessité, et même l’urgence, d’une consolidation d’Alstom Transport face aux géants asiatiques qui pointent leur nez sur le marché européen. Le japonais Hitachi a déjà mis un pied en Europe en absorbant l’essentiel des activités ferroviaires de l’italien Ansaldo et en vendant des trains à grande vitesse à la Grande-Bretagne. Il contrôle désormais l’entreprise de signalisation italienne Ansaldo STS, leader du fameux système de signalisation ferroviaire ERTMS. C’est une entreprise de Hongkong, MTR Corporation, qui a délogé le français Veolia du métro de Stockholm. La fusion des deux opérateurs chinois CSR et CNR, le 30 décembre 2014, en un géant mondial redoutable, déjà très impliqué dans la création d’une prometteuse « Route de la soie ferroviaire » entre la Chine et Hambourg, et qui a mis la main sur les activités ferroviaires du tchèque Skoda, ne pouvait laisser les Européens indifférents. Une fusion entre Siemens et Alstom est infiniment préférable au «  picorage » asiatique d’une industrie européenne en ordre dispersée, et à l’éventualité d’un rapprochement opportuniste entre Siemens et les Chinois. Et s’il faut envisager ultérieurement de prendre pied en Asie, le nouveau groupe européen disposera des moyens d’une telle ambition, qui n’est pas aujourd’hui à la portée de nos « champions nationaux » européens.

Berceau du chemin de fer, l’Europe ne comptait pas moins d’une quinzaine de producteurs de matériels roulants ferroviaires, pour la plupart autocentrés sur leurs étroits marchés domestiques, avant que les industriels asiatiques ne s’y intéressent pour en faire leurs têtes de pont européennes.

Alstom Transport est dans une position intermédiaire un peu paradoxale. Particulièrement dynamique et offensive sur les marchés extérieurs avec un carnet de commandes de l’ordre de 24 milliards d’euros, ses usines françaises quasi exclusivement dédiées au marché intérieur avec une gamme limitée à deux trains, le Régiolis pour les TER et le TGV pour les grandes lignes, sont confrontées à l’épuisement du modèle économique du TGV, et par conséquent de son « droit de tirage » politique sur une SNCF surendettée par l’investissement en LGV, qui a dû de surcroît déprécier plus de 12 milliards d’actifs en 2016 du fait d’un « suréquipement » en TGV.

On ne peut s’empêcher de penser que la fusion Alstom-Siemens procède d’une convergence d’intérêts entre, d’une part, le gouvernement français en recherche de cash dans le cadre de son programme de redressement budgétaire, Alstom dont les pressions sur la commande publique nationale atteignent des limites mises en lumière par l’épisode du « chantage » à la fermeture du site de Belfort, et d’autre part la nécessité de créer un géant européen dimensionné pour affronter la concurrence asiatique qui se profile.

Pour autant, cette opération n’est pas de même nature que la création d’Airbus. D’abord, parce qu’il s’agit d’une opération gigogne d’échange – acquisition d’actions, somme toute classique, et non pas d’un programme intergouvernemental volontariste, sous contrôle stratégique initial des gouvernements. Ensuite parce que de nombreux autres opérateurs européens, et non des moindres comme le français Thales en matière de signalisation, ne sont pas de la partie ! Sans compter les industriels suisses, britanniques, espagnols, roumains, polonais et tchèques qui ne sont pas quantités négligeables. Enfin parce qu’elle intervient dans un secteur industriel à maturité qui ne présente ni les mêmes caractéristiques pionnières, ni les mêmes perspectives de marché que l’aéronautique civile à l’aube d’Airbus.

S’il n’est pas interdit d’espérer que le rapprochement Alstom-Siemens en agglomère d’autres, il est fatal que cette consolidation prometteuse entraîne ultérieurement des restructurations, qui, pour l’instant, demeurent l’angle mort du dossier.

Il n’est donc pas étonnant que cette annonce – qui revient à sortir Alstom de son illusoire cocon colbertiste et à préparer l’industrie ferroviaire européenne à l’agressivité de concurrents asiatiques désormais à demeure sur le marché européen, et à niveau pour lui tailler des croupières sur le marché mondial – fasse l’objet d’interrogations voire de craintes.

Il est en effet très difficile aujourd’hui d’imaginer comment vont se répartir à terme les sites de production, les charges et les emplois du futur groupe, à la différence du « modèle » Airbus qui a constamment veillé à distribuer les plans de charges industriels de façon équitable entre les usines des différents pays du consortium.

Certes l’alternative d’une nationalisation d’Alstom, qui reviendrait à la maintenir à une taille sous-dimensionnée par rapport aux conditions actuelles de la concurrence mondiale, et à enfermer un peu plus ses usines françaises dans un marché domestique saturé (sans compter les clauses de protection contre les entreprises publiques sur les marchés concurrentiels étrangers) procède de la plus pure illusion protectionniste en économie fermée.

Les Anglais comme les Italiens nous ont démontré depuis longtemps que ce n’est pas tant la nature de la propriété qui garantit le mieux le maintien d’entreprises et d’emplois industriels dans nos vieux pays européens, que la capacité des Etats à y créer un climat et un environnement public propices à leur adaptation aux défis de la mondialisation des marchés.

La fusion des activités transports des deux champions européens du ferroviaire est incontestablement une chance pour l’Europe de continuer à figurer au premier plan du vaste marché ferroviaire mondial. Pour être utile à la France, elle devra rompre avec le confinement national, devenu trop étroit, dans lequel Alstom a maintenu ses usines françaises et leurs emplois, et leur faire profiter enfin de ses remarquables performances à l’étranger.

Mais, avouons-le, pour établir un parallèle crédible avec Airbus, il manque cruellement la dimension politique d’un accord industriel européen à ce dossier. »

Gilles SAVARY