Coup de tonnerre sur CDG Express après une décision du tribunal administratif de Montreuil (en Seine-Saint-Denis), qui a réfuté « l’intérêt public majeur » du projet. Cette juridiction a en effet partiellement annulé l’arrêté interpréfectoral autorisant les travaux de cette liaison ferroviaire dédiée qui doit relier à l’horizon 2025, l’aéroport de Roissy Charles-de-Gaulle à la Gare de l’Est.
Cet arrêté, signé le 11 février 2019 par les préfets de Paris, Seine-Saint-Denis, Seine-et-Marne et Val-d’Oise, octroyait une dérogation au code de l’environnement pour créer cette liaison de 32 km, mettant l’aéroport à 20 minutes de Paris. Cette dérogation s’appuyait elle-même sur le principe d’« intérêt public majeur » reconnu à CDG Express, qui pouvait de ce fait traverser des zones où vivent des espèces protégées. Or, les magistrats ont démonté les principaux arguments liés à cet « intérêt public majeur », avancés par les promoteurs du projet, en tête desquels figure Aéroports de Paris.
Alors que le projet vise à absorber un trafic aérien supposé croître à l’avenir de façon exponentielle, selon ces promoteurs, la réalité est toute autre, ont estimé les magistrats. Ainsi, ADP a annoncé fin octobre des prévisions alarmantes, avec un trafic qui pourrait plonger jusqu’à 70 % en 2020. Dans ce contexte, il n’apparaît pas « qu’une reprise de la croissance de trafic aérien puisse être anticipée à la date prévisible de mise en service de l’infrastructure litigieuse », pointent les magistrats.
Une infrastructure pas indispensable selon les magistrats
Autre argument pour justifier le projet : cette liaison rapide doit être lancée au moment des Jeux olympiques de Paris en 2024. Or, en mai 2019, la ministre des Transports de l’époque, Elisabeth Borne a décidé de reporter d’un an, à la fin 2025, cette mise en service afin de limiter les perturbations liées aux travaux pour le RER B, dont les conditions de transport sont régulièrement critiquées par les usagers. Le projet du CDG Express ne peut donc être regardé « comme constituant une infrastructure indispensable, répondant, par conséquent, à des raisons impératives d’intérêt public majeur », concluent les magistrats.
Réagissant à cette décision, le groupement chargé de CDG Express (regroupant SNCF Réseau, ADP et la Caisse des dépôts) a indiqué que « les chantiers non concernés par cette dérogation se poursuivent ». Il a aussi indiqué travailler à « identifier les adaptations nécessaires pour les autres chantiers ».
Mais pour les associations d’usagers opposées au projet, qui se battent avec des communes pour arrêter le chantier, la décision de la juridiction administrative représente une belle victoire. C’est d’ailleurs la commune de Mitry-Mory (en Seine-et-Marne), concernée par le passage de la liaison, qui avait saisi la justice en juin 2019 contre ce train vu comme « le train des riches », passant sous le nez de banlieusards entassés dans les RER.
Pour l’association La Vignette du respect, « ce projet multiplie les défauts de fabrication : dangereux pour les usagers du RER qui doivent partager leur voie de transport saturé avec un nouvel équipement qu’ils ne pourront utiliser ; coûteux pour les finances publiques : les opérateurs privés ont tous renoncé à investir ; cher pour ses nouveaux usagers qui devront débourser 24 euros pour un aller simple ».
Une opération « vérité » demandée par IDFM
Quant à l’association Non au CDG Express, elle réclame l’arrêt définitif du projet et la priorité aux transports en commun. « Nous ne sommes pas surpris par la décision de la justice », confie Didier Le Reste, son président. « L’enquête publique, puis l’autorité environnementale avaient déjà pointé un dossier incomplet, incohérent et non conforme au code environnemental. Quand on regarde le dossier, on constate que CDG Express a toujours obtenu un feu vert sur toute la ligne, même en tordant la règle », souligne-t-il. C’était notamment le cas, rappelle-t-il, quand les pouvoirs publics ont contourné la « règle d’or » pour permettre à SNCF Réseau de s’endetter pour CDG Express, au mépris de la loi.
« Les justifications en faveur de CDG Express tiennent de moins en moins », poursuit-il. Selon lui, la nouvelle voie de huit kilomètres en train d’être construite a multiplié les désagréments subis par les usagers du RER B, mais aussi des lignes K, H, et du TER Picardie (retards, trains supprimés, transferts sur cars…). « Si on abandonne le train CDG Express, cette nouvelle voie pourrait permettre de renforcer l’exploitation des trains dans ce secteur car on pourrait y transférer une partie des circulations en cas de problèmes », suggère-t-il.
La région Ile-de-France est aussi à la manœuvre. Rappelons que début novembre, suite à une audition de la RATP et de la SNCF, Valérie Pécresse s’interrogeait sur CDG Express, demandant « une opération vérité sur l’impact des travaux sur le fonctionnement du RER B ». La présidente d’IDFM, annonçait la réunion prochaine d’un comité de ligne avec les associations d’usagers, des administrateurs d’IDFM, le préfet, élus concernés…, qui pourraient auditionner ADP, SNCF Réseau, la RATP, ou la Caisse des dépôts… Et elle réclamait « un fonds d’indemnisation des opérateurs pour indemniser les usagers en cas de remise tardive des travaux ».
Marie-Hélène Poingt