Après Grenoble, et son « Chrono en marche », lancé cet été c’est La Rochelle qui inaugurait le 22 septembre son initiative « Carrefour de mobilité » menée par Transdev dans le but d’inciter les Rochelais à la marche. Jardinet transformé en sentier gourmand, œuvres d’art et signalétique au sol visent à rendre l’espace public plus urbain et apaisé. Ceci dans l’optique d’une refonte du réseau de bus qui ne desservira plus l’hypercentre de la ville en 2017 et dans la continuité de la piétonnisation de la zone du port depuis juillet 2015. Sur plusieurs centaines de mètres, le tout permet de prendre en charge l’usager à l’arrêt de bus pour l’accompagner à sa destination en lui indiquant les temps de marche.
A La Rochelle, la démarche est facilitée par la présence des portes médiévales de l’ancienne cité qui donnent des repères à tous. « Il fallait toutefois modifier les perceptions des gens, qu’ils revoient leur carte mentale, c’est le but de ce démonstrateur, qui révèle la porte Maubec », explique Sonia Lavadinho, la directrice du cabinet genevois BFluid Recherche et expertise, qui a travaillé avec la communauté d’agglomération de La Rochelle. « Alors que jusqu’à présent c’était juste un carrefour routier sur lequel les gens n’avaient aucune opinion. Aujourd’hui, ils réagissent : ils aiment… ou pas ! » Cette anthropologue est intarissable sur les mille et une manières de rendre une ville « marchable ».
L’expérimentation a démarré le 29 juillet et déjà les premiers enseignements sont tirés. La directrice du cabinet BFluid annonce que la V2 est déjà dans les tuyaux, car « c’est bien le principe du living lab ». « Les Rochelais sont déjà des grands marcheurs puisque 43 % marchent plus d’une heure par jour, rappelle-t-elle. 78 % des 330 personnes que nous avons interrogées nous affirment être en faveur de la poursuite de cette expérimentation dans d’autres quartiers. »
Le test se déroule dans l’un des lieux repérés comme fermés à la marche. « En commençant notre recherche, on s’est aperçus que les gens surestiment beaucoup les temps de trajets et renoncent à marcher », raconte de son côté Brigitte Desvaux, vice-présidente de la communauté d’agglo de La Rochelle, chargée des Transports. En deux ans, l’agglo a prévu d’investir « 300 000 euros dans cette démarche ». De l’hôpital à l’arrêt de bus Dames-blanches, le long du canal, on est à quelque 500 mètres du Vieux-Port, mais on ne le voit pas. Et l’aménagement urbain ne faisait jusque-là pas vraiment centre-ville. Désormais une proue de bateau invite à se poser, et un jardin des senteurs à cueillir des plantes aromatiques. Des plans explicites précisent qu’ici « tout est à dix minutes à pied » et accompagnent un jalonnement dynamique peint au sol. Enfin, diverses œuvres d’art d’artistes locaux proposent aux nouveaux piétons de flâner.
Anne de Bagneux, directrice adjointe de Transdev France, chargée de la zone sud, met en avant une « une démarche moderne et frugale en budget et en temps, qui doit permettre d’aller plus loin dans l’intermodalité et l’utilisation des transports collectifs ». La Rochelle doit dès 2017 proposer un réseau de bus doté de quatre lignes fortes cadencées aux 10 ou 15 minutes et créer 60 nouveaux arrêts pour les lignes centrales exploitées par sa régie, comme les lignes périrubaines gérées par Transdev et bientôt remises en concurrence. Le principe du Carrefour de mobilité avait déjà été testé une première fois en 2014 à Echirolles, dans la banlieue grenobloise.
Nombreuses sont les AO qui demandent aux opérateurs soit de faire mieux pour le même prix, soit aussi bien pour moins cher. « Nous pourrons proposer des démarches de carrefour de la mobilité en répondant aux appels d’offres, affirme Anne de Bagneux. Ce sont des infrastructures légères qui peuvent aisément répondre aux nouvelles problématiques. Notre observatoire des mobilités a bien montré que les gens, les seniors notamment, sont prêts à marcher dix minutes en échange de fréquences élevées à l’arrêt de bus. »
cecile.nangeroni@laviedurail.com