Les promoteurs de la transformation de la gare du Nord ont poussé un grand ouf de soulagement après le feu vert donné le 10 octobre par la Commission nationale d’aménagement commercial (CNAC) en faveur de leur projet de rénovation. Cette décision était attendue depuis que le 27 juin, la Commission départementale d’aménagement commercial avait émis un avis défavorable au projet.
Mais elle ne devrait pas mettre un terme à la polémique enflant depuis plusieurs mois sur la place trop importante qui devrait être accordée à l’avenir aux commerces dans la gare du Nord. Ce projet mené par SNCF Gares & Connexions et la foncière d’Auchan, Ceetrus, dans le cadre d’une société à économie mixte baptisée StatioNord (34 % des parts à la SNCF, 66 % pour Ceetrus), prévoit d’agrandir fortement la gare en la faisant passer de 35 000 à 110 000 m² et, à l’intérieur, de multiplier par cinq les surfaces commerciales, qui passeront de 3 600 à 19 890 m2. Parmi les nouveautés, outre des commerces, il est prévu des bureaux, des équipements culturels, une salle de sport, un parking à vélos de 2000 places, une grande nef transversale ou encore un toit terrasse végétalisé d’un hectare. L’investissement est évalué à 600 millions d’euros.
La Ville de Paris change de ton
Tout au long des derniers mois, le projet a été discuté dans le cadre d’une concertation tendue. Il a un peu évolué, en intégrant ici des espaces verts, là des nouveaux services. La contestation a pris un nouveau ton cet été. Une vingtaine d’architectes de renom, dont Jean Nouvel et Roland Castro ont jugé, dans une tribune publiée dans Le Monde début septembre, que le projet était « inacceptable » et « pharaonique », et demandé qu’il soit « repensé de fond en comble ». Peu après, c’était au tour de la Ville de Paris, qui l’avait pourtant d’abord soutenu, de faire savoir qu’elle s’y opposait, le jugeant trop commercial.
De son côté, la SNCF explique que les travaux visent avant tout à agrandir la gare et à séparer les flux (d’un côté les départs, de l’autre les arrivées) pour pouvoir faire face demain à un surcroît de trafic : 700 000 voyageurs quotidiens actuellement, 900 000 attendus en 2030.
Pepy, Djebbari et Pécresse montent au créneau
Il s’agit aussi, grâce aux redevances qui seront perçues demain sur les commerces, de financer le projet d’agrandissement et de modernisation de la plus grande gare d’Europe et de financer les travaux d’autres plus petites gares en France, sans en faire peser le coût sur les voyageurs ou les collectivités.
Guillaume Pepy est monté au créneau pour défendre « un bon projet » et « une urgence à désaturer la gare », soutenu par Jean-Baptiste Djebbari, qui l’a estimé « nécessaire » non seulement pour les Franciliens mais aussi en prévision des JO de 2024. Le secrétaire d’Etat aux Transports a également dénoncé « le rétropédalage de la Ville de Paris », « un jeu politique » à quelques mois des élections municipales. La présidente de la région Ile-de-France a aussi affiché son soutien au projet, le qualifiant « d’ultra-prioritaire ».
Si la décision positive de la CNAC ouvre aujourd’hui la voie à la délivrance du permis de construire permettant de lancer les travaux (prévus pour le début 2020, avec l’objectif d’être prêts en 2024), les opposants n’excluent pas de déposer un recours « si le dialogue ne permet pas de faire évoluer le projet », a indiqué à l’AFP le Premier adjoint à la mairie de Paris, Emmanuel Grégoire. La Ville a ensuite précisé dans un communiqué qu’elle souhaite la poursuite des négociation et qu’elle proposera dès cette semaine « des pistes d’évolution au Préfet de région et au président de la SNCF pour trouver une solution qui améliore le confort des voyageurs et la qualité de vie des habitants« .
Marie-Hélène Poingt