Alors qu’on fêtait le 1er juillet la mise en service de deux LGV dans le Grand Ouest de la France, une autre ligne a été ouverte à la circulation, avec moins de fastes, bien qu’elle représente une minirévolution à suivre par tous ceux qui s’intéressent de près aux transports : le tram T11 est entré en service, reliant Epinay-sur-Seine au Bourget en moins de 15 minutes, desservant sept gares.
Une liaison interbanlieue sans passer par Paris qui fait dire à Valérie Pécresse : « C’est le grand Paris avant le Grand Paris ! » Selon la présidente de la région Ile-de-France, qui voyageait à bord de ce tram, la veille de son lancement commercial. « Cela va changer le quotidien de 60 000 Franciliens et leur faire gagner 15 minutes. »
Pour Patrick Jeantet aussi, cette ligne du nord francilien est « tout à fait innovante ». Le PDG de SNCF Réseau rappelle que ce tram circule sur le réseau ferré national, ce qui n’est pas courant en France. « C’est sans doute la solution de demain pour les relations de banlieue à banlieue », ajoute-t-il. La liaison a représenté un coût de 600 millions d’euros, dont l’essentiel pour l’infrastructure et une soixantaine de millions pour le matériel.
Seules peut-être les organisations syndicales ne partagent pas la satisfaction de l’autorité organisatrice des transports, désormais nommée Ile-de-France Mobilités (ex-Stif), et de son opérateur la SNCF. Cette dernière a en effet décidé de sous-traiter l’exploitation de la ligne à une société de droit privé, Transkeo, détenue à 49 % par ses filiales SNCF Participation et à 51 % par Keolis.
Pour Bruno Charrier, responsable régional maîtrise et cadres à la CGT-Cheminots, « le choix de Guillaume Pepy de faire exploiter le T11 à une sous-filiale du groupe conduit à faire jouer le dumping social ». Le syndicaliste reconnaît toutefois que les agents de Transkeo ne sont pas moins payés, mais il réclame « le maintien du service public dans des conditions de service public acceptables et dans des conditions de sécurité acceptables ».
« C’est une ligne innovante que nous ne pouvons pas exploiter comme une ligne de Transilien qui ferait 180 km. Elle sera gérée par une équipe de 90 personnes et non pas de 13 000 comme c’est le cas à Transilien », répond Alain Krakovitch qui revendique ce choix. Pour le patron de Transilien, il fallait mettre au point une organisation différente du travail, et cela n’aurait pas été possible dans le cadre de la SNCF. « Nous souhaitions introduire de la polyvalence dans les tâches. C’est dans l’intérêt des conducteurs qui pourraient se lasser de faire toute la journée des allers-retours de 10 km », précise-t-il.
Plus d’une quarantaine de conducteurs ont été formés. En plus de la conduite, ils seront amenés à être présents en gare et à assurer des tâches de vente et d’accueil-information voyageurs. Une vingtaine de contrôleurs ont aussi pour mission l’accueil et l’information voyageurs. « Les contrôleurs seront très présents et visibles par les voyageurs. Et les gares, toutes conçues selon les mêmes principes, sont fermées. Nous visons le zéro-fraude », précise Georges Maltese, le directeur opérationnel Tram 11 Express.
Enfin, l’équipe Transkeo compte aussi une vingtaine de superviseurs. « En étant très polyvalents et en développant les compétences des agents, nous serons plus réactifs », assure Georges Maltese. Selon lui, le taux d’occupation moyen des rames sera de 50 % et il y aura une montée en charge progressive. « En cas d’événement, comme le Salon du Bourget, il sera possible de faire évoluer facilement le plan de transport en utilisant des unités multiples, ce qui permettra d’accueillir 30 % de voyageurs en plus à parc constant », poursuit Georges Maltese.
Au total, les coûts d’exploitation de la ligne seront abaissés de 40 % par rapport aux coûts habituels de Transilien. Il sera possible de gagner 25 % de coûts sur les infrastructures (il n’y a que deux voies) et 15 % grâce à la nouvelle organisation du travail, estime Alain Krakovitch. « On ne peut pas reprocher à la SNCF de faire mieux avec moins d’argent », approuve Valérie Pécresse.
Si cette nouvelle organisation fait ses preuves, elle pourrait être dupliquée. En Ile-de-France, les petits frères du T11 sont attendus avec impatience : les T10, T12, et autres T13…
M.-H. P.