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Ewa

Pour le régulateur, l’indépendance de Réseau est menacée dans la nouvelle SNCF

Mise en service de la commande centralisee du reseau en gare de Lyon Perrache le 11 novembre 2016.

Le gendarme du ferroviaire persiste et signe : il y a une menace sur l’indépendance de la société anonyme SNCF Réseau, née depuis le 1er janvier à côté de quatre autres SA (SNCF, Voyageurs, Gares & Connexions et Fret SNCF).

Dans un avis émis le 9 décembre sur les projets de décrets décrivant les modalités de gouvernance du groupe SNCF, l’Autorité de régulation des transports estime une nouvelle fois que l’organisation prévue dans la nouvelle architecture du groupe ferroviaire unifié « menace l’indépendance du gestionnaire d’infrastructure et compromet le bon fonctionnement du système ferroviaire ». L’Autorité pointe les fonctions mutualisées qui doivent être exercées par la maison mère (tout particulièrement les fonctions d’expertises et de conseils juridiques, la gestion des systèmes d’information et la gestion immobilière et foncière). Ces missions transversales relevant de la maison mère entraveront la liberté d’action de Réseau, estime-t-elle. « Elles devraient être réduites au strict minimum », écrit l’ART.

L’Autorité vise aussi les résolutions qui seront votées en conseil d’administration de Réseau car le mécanisme prévu conduira les administrateurs de Réseau à s’aligner sur les administrateurs de la SNCF, notamment au moment du vote du budget annuel, du plan stratégique ou de décisions concernant les programmes d’acquisitions ou de cessions. “Une aberration qui montre que l’Etat fait tout pour garder la main et pour que ces sociétés anonymes ne fonctionnent pas comme des sociétés classiques”, commente un administrateur du groupe.

Le fait que le projet de décret prévoit que c’est la SNCF qui aura la « fonction d’émetteur unique du groupe public unifié à compter du 1er juillet 2020, date à laquelle SNCF Réseau perdra sa capacité à se financer sur les marchés financiers de manière autonome » pose également question. L’Autorité s’interroge « sur la capacité réelle de SNCF Réseau à réaliser, dans ces conditions, les investissements nécessaires et sur la marge d’appréciation qui pourrait être laissée à la société nationale SNCF quant à l’opportunité de lever des financements pour réaliser tel ou tel projet ».

L’ART demande des clarifications sur le rôle des uns et des autres et rappelle qu’elle « veillera, comme le prévoit la loi, au respect du code de bonne conduite ». Reste que son avis n’est pas contraignant et ne devrait donc pas pousser le gouvernement à revoir sa copie.

Alors que SNCF Réseau doit être le pivot du nouveau système ferroviaire, la position de son futur PDG ne sera en réalité guère enviable estime de son côté l’administrateur. Selon lui, « il sera en quelque sorte le N-1 du directeur financier de la maison mère »

Marie-Hélène Poingt

Ewa

La région PACA lance l’ouverture à la concurrence de ses TER

TER PACA

L’ouverture à la concurrence des TER, permise depuis le 3 décembre dernier, devient réalité. Et la région sud (PACA), devrait réaliser son souhait d’être pionnière dans le domaine : elle a voté le 13 décembre une délibération permettant de passer par une DSP (délégation de service public) pour exploiter deux lots de lignes régionales : d’une part, Marseille – Toulon – Nice, d’autre part, les lignes autour de Nice. Deux lots qui représentent le tiers du réseau régional. « Nous avons également décidé de lancer le processus de reprise des matériels et des ateliers de maintenance ou des centres de remisage concernés par cette ouverture à la concurrence », explique à VRT Philippe Tabarot, le vice-président chargé des Transports au Conseil régional.

Les appels d’offres attendus au plus tard en avril

La région devrait lancer en avril, ou si elle le peut en mars, l’appels d’offres pour choisir les entreprises ferroviaires qui feront rouler des trains sur ces lignes. L’appel d’offres est attendu en avril, si possible en mars. « Nous ne savons pas si nous pourrons le lancer en mars comme nous l’espérions car nous ne disposons pas de 100 % des informations que nous avons demandées à la SNCF », précise Philippe Tabarot. « Si nous ne parvenons pas à les avoir, nous saisirons l’Autorité de régulation des transports pour qu’elle tranche et nous dise si les informations manquantes relèvent du secret des affaires ou pas », précise l’élu régional en assurant que la région n’est pas dans une position « belliqueuse » mais souhaite avoir un arbitrage sur la question. Selon lui, les informations en cause portent notamment sur les ateliers de maintenance et sur la question des personnels nécessaires à l’exploitation des TER.

La région s’attend à recevoir de « nombreuses » candidatures tant nationales qu’internationales. « Comme nous sommes les premiers, les exploitants ferroviaires ont intérêt à répondre car nous représenterons, pour l’exploitant retenu, une vitrine de son savoir-faire. Il sera regardé de près par les autres régions qui souhaitent se lancer aussi dans la concurrence », commente Philippe Tabarot. Grand Est, les Hauts-de-France et les Pays de la Loire sont particulièrement concernés.

La concurrence obligatoire en 2023

« Nous pensons que les offres qui nous seront faites par les entreprises ferroviaires seront très innovantes du point de vue de la distribution, de l’information voyageur ou de l’organisation du travail des agents. Bien sûr, nous en attendons une meilleure robustesse et une diminution des coûts, d’autant que les transports représentent le premier poste du budget régional avec 700 millions d’euros annuels, tous transports confondus », assure encore l’élu.

Le futur délégataire devrait commencer à faire rouler ses trains à partir de décembre 2022 entre Marseille et Nice (sept allers-retours quotidiens actuellement), et décembre 2024 pour les liaisons autour de Nice (58 allers-retours sur différentes dessertes). Les contrats seront signés pour dix ans pour une valeur totale d’1,78 milliard d’euros, selon l’AFP. Le compte à rebours a commencé pour la SNCF qui va connaître dans très peu de temps la concurrence sur son réseau actuel. Puis la concurrence sera obligatoire à partir de décembre 2023, une fois que les contrats signés par la SNCF avec les régions seront arrivés à échéance.

Marie-Hélène Poingt

Ewa

La SNCF retenue pour exploiter des trains sur le marché espagnol

AVE Espagne

Alors que le 3 décembre marque le début de l’ouverture à la concurrence dans les TER et les TET pour le marché ferroviaire français, la SNCF cherche de son côté à étendre son terrain de chasse. Candidate sur le marché espagnol, elle s’est vue attribuer fin novembre par le gestionnaire du réseau ferré Adif un lot comprenant cinq allers-retours par jour entre Madrid et Barcelone, cinq entre Madrid et la région de Valence (Valence ou Alicante) et cinq autres entre Madrid et la région méridionale d’Andalousie (Séville ou Malaga). A partir du 14 décembre 2020, date d’ouverture des lignes ferroviaires commerciales, la SNCF pourra donc concurrencer la Renfe sur le marché espagnol. Contacté par Ville, Rail et Transports, SNCF Voyages, qui devrait lancer sur ces lignes un TGV low cost sur le modèle de Ouigo, s’est refusée à tout commentaire.

La société espagnole Ilsa, filiale de la compagnie aérienne Air Nostrum, alliée à l’italien Trenitalia qui détient 45 % de son capital, a également remporté un lot, de même que l’opérateur historique, la Renfe.

Dans un communiqué, Ilsa a indiqué qu’elle lancerait ses liaisons en janvier 2022 et proposerait en particulier 16 allers-retours quotidiens entre Madrid et Barcelone. Elle desservira aussi Valence, Malaga, Séville et Alicante et disposera au total de 23 trains Frecciarossa 1 000.

Prochaine étape importante : le 15 mars aura lieu la signature des accords définitifs entre les opérateurs et le gestionnaire des infrastructures qui en attend « une augmentation de 65 % par rapport à l’offre commerciale actuelle ».

Ewa

La RATP s’allie avec Getlink pour répondre à de futurs appels d’offres sur les TER

TER PACA

Chacun fourbit ses armes en vue de l’ouverture à la concurrence dans les TER qui devient possible à partir du 3 décembre.  L’union faisant la force, la RATP et Getlink (maison-mère d’Eurotunnel) ont décidé de créer une joint-venture qui sera détenue à 55 % par le groupe RATP et 45 % par Getlink. Sa naissance sera effective une fois obtenue les autorisations administratives, explique un porte-parole de la RATP. Mais c’est RATP Dev qui signera l’accord de partenariat, ajoute-t-il.

Cette joint-venture aura une équipe dédiée, issue de salariés de ses deux maisons-mères. Et il est prévu qu’elle se dote d’une licence ferroviaire.

Ce partenariat est jugé « logique et complémentaire » par les autres entreprises ferroviaires. Les deux nouveaux alliés l’expliquent par les synergies qu’ils entendent faire jouer entre eux. « RATP Dev est spécialiste de l’exploitation et de la maintenance du transport de voyageurs en France et à l’international, Getlink est un acteur majeur des infrastructures de mobilité, et est spécialisé dans la gestion, l’exploitation et la maintenance d’infrastructures, l’exploitation de services ferroviaires de navettes dans le tunnel sous la Manche et de fret en France et à l’international », indiquent-elles. La RATP peut aussi apporter son expertise dans le domaine de la billettique, tandis qu’Europorte dispose d’un centre de formation pour la conduite ferroviaire, un atout de taille dans la bataille à laquelle vont aussi se livrer les exploitants demain pour attirer les compétences.

Un partenariat non exclusif

Ce partenariat, qui n’est pas exclusif, vise avant tout à répondre aux appels d’offres que lanceront prochainement Grand Est et les Hauts-de-France, deux régions qui souhaitent expérimenter rapidement la concurrence. Il n’est pas du tout certain qu’il concerne aussi les autres régions, notamment les Pays-de-Loire, Sud-Provence Alpes-Côte d’Azur ou Aura (Auvergne-Rhône-Alpes), des régions qui devraient aussi lancer des appels d’offres pour leurs TER et pour lesquels la RATP ne cache pas son intérêt.

L’ouverture à la concurrence dans les TER est prévue à partir de décembre 2019. Mais le temps de lancer toute la procédure (appels d’offres, choix des exploitants, mise en place des nouvelles conditions de transport), elle ne devrait pas être effective avant 2022 même pour les régions les plus actives.

Marie-Hélène Poingt

Ewa

Des concurrents de la SNCF souhaitent la saisie de la commission de déontologie ferroviaire sur la nomination de Patrick Jeantet chez Keolis

Patrick Jeantet_PDG SNCF ReseauLancement de la journee nationale de securite routiere aux passages a niveau en presence de Patrick Jeantet, PDG de SNCF Reseau

Réunis le 7 novembre pour le colloque annuel de l’AFRA, les opérateurs alternatifs à la SNCF qui sont membres de cette association ont voulu lister leurs inquiétudes à la veille de la naissance de la nouvelle SNCF attendue le 1er janvier prochain.

Elles concernent d’abord la gouvernance du groupe historique. «La nomination du futur président de SNCF Réseau sera regardée avec attention», prévient Claude Steinmetz, le président de l’AFRA, également  directeur ferroviaire de Transdev. Selon lui, « le futur président ne devra pas être lié au système et être garant de l’indépendance de SNCF Réseau ».

Reste que cette nomination sera décidée en dernier ressort par le Président de la République, avec l’aval de l’Autorité de Régulation des Transports (ex Arafer) qui a déjà démontré son indépendance en mettant son véto il y a trois ans à la nomination, à la tête de SNCF Réseau, de Jean-Pierre Farandou jugé trop proche de Guillaume Pepy. Ce qui avait alors aboutit à la désignation de Patrick Jeantet.

Mélange des genres?

Seconde inquiétude : Claude Steinmetz s’est dit « surpris » de voir l’ancien président de Réseau, Patrick Jeantet, « celui qui a préparé pendant trois ans l’ouverture du réseau » et a donc eu connaissances d’innombrables données fournies par les opérateurs intéressés par la concurrence. « prendre aujourd’hui les commandes d’une filiale de la SNCF Keolis, qui n’a jamais caché son ambition de répondre à des appels d’offres ferroviaires ».

Certains opérateurs se demandent si la Commission de déontologie du système de transport ferroviaire ne pourrait pas être saisie. Hypothèse toutefois peu probable puisque même si cette institution peut être consultée sur les risque d’atteinte à la concurrence au cas où « un membre du personnel de SNCF Réseau ayant eu à connaître, dans l’exercice de ses fonctions, d’informations confidentielles souhaite exercer, avant l’expiration d’un délai de trois ans après la cessation de ses fonctions, des activités pour le compte d’une entreprise exerçant, directement ou par l’intermédiaire d’une de ses filiales, une activité d’entreprise ferroviaire », -ce qui correspond à la situation de Patrick Jeantet -, il faudrait que ce soit le président du conseil d’administration de Reseau, donc Patrick Jeantet, qui saisisse lui-même la commission de déontologie comme le prévoit le code des transports !

Marie-Hélène Poingt

Ewa

Les débrayages dans les centres de maintenance de la SNCF donnent de nouveaux arguments à la concurrence

TGV Duplex en cours de rénovation à l'atelier de Bischheim

Dans le cadre de la préparation à l’ouverture à la concurrence dans le ferroviaire, les opérateurs alternatifs demandent, s’ils gagnent un marché face à la SNCF, non seulement à faire rouler les trains mais aussi à être responsables de leur entretien. Ils souhaitent aussi disposer de toutes les données sur la maintenance du matériel roulant. Sur ce dernier point, ils semblent avoir obtenu satisfaction dans le cadre de la LOM. Ils attendent maintenant une ordonnance qui devrait préciser les grands principes.

Cela vaut pour les TER. En revanche, pour les deux lignes de TET (Nantes-Bordeaux et Nantes Lyon) qui doivent s’ouvrir à la concurrence à l’horizon 2022, l’État, qui en est l’autorité organisatrice, ne semble pas prêt à retirer à la SNCF la responsabilité de la maintenance, regrettent-ils. Or, pour les opérateurs ferroviaires, c’est une condition indispensable. Faute de quoi Transdev, notamment, pourrait ne pas faire acte de candidature, comme l’a répété plusieurs fois son président, Thierry Mallet. Ce qui serait très certainement vu comme un échec du gouvernement incapable de rentrer pleinement dans le jeu de la concurrence.

Les futurs concurrents de la SNCF ont toutefois un espoir : le dernier épisode social à la SNCF avec les débrayages dans les centres de maintenance pourrait inciter l’État à reconsidérer la question. Les concurrents de la compagnie historique ont en effet beau jeu de lui faire remarquer qu’ils ne veulent pas être pris en otage, pour l’entretien de leurs rames, par les agents de la SNCF qui seraient en conflit avec la direction de la SNCF pour des motifs internes. Ou bien pour des questions d’ordre idéologique comme cela est déjà arrivé à des trains Thello, dont la maintenance s’est parfois fait attendre, en fonction du bon vouloir de certains agents, selon le PDG de la société Roberto Rinaudo, qui fait aussi partie de l’Afra. Ces arguments sont désormais mieux entendus, estiment des opérateurs.

MH P

Ewa

Edouard Hénaut, DG France Transdev : « Nous comptons appliquer le modèle allemand dans la perspective de l’ouverture à la concurrence du ferroviaire »

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Arrivé au début de l’année au poste de directeur général France de Transdev, Edouard Hénaut a expliqué à VRT quelles sont ses priorités.

 

 

Ville, Rail & Transports. Comment abordez-vous la perspective de l’ouverture à la concurrence dans les TER et les TET ?

Edouard Hénaut. Nous ne mesurons pas encore la vitesse de mise en œuvre de l’ouverture du marché. Si on se réfère à l’exemple allemand, on voit que le marché, ouvert en 1994, a mis du temps à vraiment s’installer. En France, nous aurons le temps de nous préparer. Les régions sont désireuses aujourd’hui d’utiliser des tickets détachables pour se lancer dans l’ouverture à la concurrence. Quatre régions (la région Sud, le Grand Est, les Hauts-de-France et les Pays de la Loire) sont actuellement moteurs et prévoient des pré-informations ou des appels d’offres en 2020. Nous sommes prêts à y répondre. La concurrence fait partie de nos gênes.

La compétition se jouera sur la capacité à redynamiser les lignes avec de nouveaux services et des emplois polyvalents. Il faudra mettre sur pied des sociétés dédiées locales ou régionales, proches des voyageurs et qui savent s’adapter aux caractéristiques locales du marché. Nous comptons appliquer à la France le modèle allemand que nous connaissons bien. Nous nous préparons dans le cadre d’un travail conjoint avec nos collègues allemands de Transdev qui ont toute l’expérience de l’ouverture à la concurrence. Nous répondrons aux appels d’offres en fonction des connaissances que nous aurons sur les états des lignes, pour être sûrs de pouvoir garantir de l’opérationnalité, de la ponctualité, de la qualité de service et de la redynamisation de la fréquentation par plus de fréquences…

En France, nous disposons déjà d’un certificat de sécurité ferroviaire et sommes capables de former des conducteurs à nos standards. Et nous sommes convaincus que nous serons attractifs pour les cheminots de la SNCF qui voudront nous rejoindre, compte tenu du cadre social qui va se mettre en place.

C’est un moment passionnant de construction, de challenge, de conquête.

 

VRT. Et en Ile-de-France ?

E.H. Nous nous y préparons depuis des mois. Nous avons fait un recours (dont nous attendons la décision) contre le calendrier d’ouverture à la concurrence et son manque d’équité pour les opérateurs face à la RATP.

Les premiers appels d’offres vont porter sur 7 réseaux Transdev d’origine. Il y avait 140 lots, il n’y en a plus que 38 de tailles plus ou moins importantes de 20 à 40 millions d’euros par an. Nous attendons les premières consultations et les premiers cahiers des charges. Les réponses devraient intervenir à la fin de l’année et le choix de l’autorité organisatrice mi-2020 pour une mise en service au 1er janvier 2021. L’autorité organisatrice va chercher à réaliser des économies dans la réalisation de l’offre. A nous d’être créatifs et de proposer de nouveaux services.

 

VRT. Les dispositions sur le transfert des personnels de la SNCF vous satisfont-elles ?

E. H. Il est prévu que la SNCF définisse le nombre de temps pleins qui doivent être transférés si elle perd un contrat TER. Les personnels affectés à plus de 50 % à l’activité TER seront les premiers transférés, avec une priorité aux volontaires. Si ce n’est pas suffisant, il faudra également transférer des salariés qui travaillent pour les TER pour moins de 50 % de leur activité. Pour les premiers, le transfert sera obligatoire et s’ils refusent, ce sera au nouvel opérateur de les licencier et donc de les indemniser. Nous sommes surpris par cette règle. Nous l’appliquerons mais nous pensons qu’elle devra évoluer.

 

VRT. Comment vous y préparez-vous en interne ?

E. H. Brice Bohuon, directeur général adjoint, est arrivé il y a quelques mois pour travailler sur l’ouverture à la concurrence en Ile-de-France et pour superviser l’activité ferroviaire.

Nous sommes en train de renforcer notre équipe ferroviaire en recrutant des spécialistes de la billettique, du marketing, des systèmes d’information voyageurs. Nous travaillons aussi avec les équipes d’ingénierie de Transamo et avec nos collègues allemands. Une dizaine de personnes vont encore nous rejoindre, beaucoup auront des profils très orientés marketing voyageurs.

 

VRT. Quelles innovations pouvez-vous proposer dans des territoires peu denses ?

E. H. Pour répondre aux besoins de déplacements au quotidien dans les territoires où il n’y a pas ou peu d’offres de transport public, nous proposons notamment de nous inspirer du modèle que nous mettons en place aux Pays-Bas avec les bus solidaires. L’objectif est de créer des lignes régulières avec des équipes de bénévoles formés à la conduite de navettes pouvant transporter au maximum 9 personnes. Aux Pays-Bas, il existe déjà 200 lignes de bus solidaires avec 30 volontaires en moyenne par ligne.

Aujourd’hui en France, nous voulons lancer, avec les collectivités intéressées, un transport solidaire. Nous constatons que ce besoin monte dans les territoires. Nous en sommes encore au stade de l’expérimentation. Nous avons encore besoin d’un cadre qui permette de lancer ce projet en toute légalité. Le sujet intéresse aussi le ministère de la cohésion et des territoires pour les villes de moins de 12 000 habitants. Pour l’organiser, il faudra un cadre associatif et un service subventionné par l’autorité organisatrice des transports. De notre côté, nous formons les bénévoles et fournissons et entretenons le matériel.

 

VRT. Constatez-vous de nouvelles tendances ?

E. H. Dans le Pays de Caux, nous avons vu naître une initiative intéressante : la première Semop (société d’économie mixte à opérateur prioritaire) dans le transport public. Cette Semop a pris la place, début septembre, d’une DSP détenue par Transdev. C’est un modèle intéressant en termes de transparence, de prise de risque partagé et de décisions communes.

Une Semop peut répondre à la demande de certaines collectivités qui souhaitent faire évoluer leurs marchés de service. La collectivité doit avoir au minimum 34 % des parts et jusqu’à 49 %. L’opérateur doit en détenir au moins 51 %. Le président de la Semop est l’élu. C’est un dispositif un peu complexe qui peut permettre aux élus d’être plus en prise directe dans la gestion, avec un partage des investissements.

Propos recueillis par Marie-Hélène Poingt

 

Ewa

RNTP Nantes – Les pistes de croissance de Vectalia sur le marché des transports publics français

Elie Franc, directeur de Vectalia France.

L’opérateur espagnol de transport Vectalia était sur les rangs pour racheter CarPostal France, filiale de la Poste suisse qui exploite des réseaux de villes moyennes. C’est Keolis qui a remporté la mise, la vente a été finalisée le 30 septembre, la veille des Rencontres nationales du transport public (RNTP).

Entretien avec Elie Franc, directeur général de Vectalia France, présent à la grande messe des transports urbains et interurbains organisée cette année à Nantes.

Ville, Rail & Transports. Vectalia a percé en France en 1999 à Perpignan mais depuis, l’entreprise n’a remporté qu’une poignée de réseaux urbains. Comment expliquez-vous cette avancée à pas feutrés ?

Elie Franc. C’est vrai, en 1999, nous avions été la première entreprise étrangère à remporter un réseau de transport urbain : celui de Perpignan, de l’autre côté des Pyrénées. Puis nous avions gagné les appels d’offres d’Amiens, Antibes, Cambrai, Sète et Béziers. Nous n’avons pas été reconduits dans un certain nombre de ces villes, et restons présents à Perpignan, notre fief historique, à Béziers où nous exploitons des services urbains, interurbains, scolaires et touristiques et à Cambrai, dans le Nord. Nous assurons aussi des lignes régulières interurbaines dans l’Aude et les Pyrénées-Orientales. Cette croissance n’est pas satisfaisante, nos concurrents sont très agressifs sur les prix, nous avons ainsi perdu Menton et Antibes Sophia Antipolis contre Keolis, Sète contre CarPostal.

Quelles sont les autres implantations du groupe et quel est son chiffre d’affaires ?

Vectalia est un groupe familial indépendant, propriété de la famille Arias. Il est basé à Alicante, tête de pont de nos activités en Espagne où nous réalisons 300 millions d’euros de chiffre d’affaires sur le marché des bus, des gares routières, des fourrières et des stations-service. Nous sommes aussi présents au Maroc pour un CA de 70 millions d’euros, et en France pour 55 millions de CA, avec 850 salariés et 430 véhicules. L’objectif est de le faire progresser de 20 à 30 % sur l’Hexagone. On va s’appuyer sur l’expertise des Transports Métropolitains de Barcelone (TMB, l’équivalent de la RATP dans la capitale catalane, ndlr) qui ont pris 20 % de participation dans le réseau de Perpignan et 5 % de la filiale Vectalia Transports urbains et jouent, en contrepartie, le rôle d’assistant à maîtrise d’ouvrage. Ils nous accompagnent pour l’achat de bus électriques, au biogaz, par exemple. Nous travaillons aussi en partenariat avec la start-up d’autopartage Modul’Auto et MyBus pour la billettique et l’information voyageurs en temps réel sur smartphone.

Vectalia n’a pas pu mettre la main sur CarPostal France, quelles sont les pistes de croissance en France ?

Cela aurait été compliqué d’avaler une entreprise de cette taille et dont les activités sont très disséminées en France. Les actionnaires de Vectalia demandent une croissance raisonnable, ils s’inscrivent dans le temps long. J’ai rejoint l’entreprise fin 2018 (Elie Franc était auparavant chez Trandev, ndlr), renouvelé les équipes, recruté de nouveaux talents, ma feuille de route est claire : maintenir Cambrai et gagner deux nouveaux contrats urbains. Notre cible reste celle des villes moyennes, notamment sur le pourtour méditerranéen. Nous attendons le résultat de l’appel d’offres de Tarbes-Lourdes et cherchons des opportunités de croissance externes avec le rachat de PME autocaristes locales pour développer nos activités en transport interurbain, scolaire et touristique. Ce n’est pas simple d’être sur un secteur très consolidé, nous nous plaçons avec des offres sur-mesure c’est comme cela que nous avons renouvelé le contrat à Béziers en janvier 2019 : 30 millions d’euros de chiffre d’affaires cumulé sur dix ans. Nous n’étions pas les favoris, et au final, nous l’avons remporté en défensif. En 2020, nous devons maintenir Cambrai et gagner deux réseaux urbains. Nos concurrents sont très agressifs sur les prix, nous avons ainsi perdu Menton et Antibes contre Keolis.

Et en Ile-de-France où l’ouverture à concurrence du réseau Optile se profile ?

C’est loin de nos bases, mais on ne s’interdit rien, mais si nous concourrons en Ile-de-France, ce sera à pas comptés.

Propos recueillis par Nathalie Arensonas

Ewa

Keolis conclut le rachat de CarPostal France

carpostal france

Clap de fin pour l’opérateur de transport public d’origine suisse, CarPostal France. Quatre jours après avoir obtenu le feu vert de l’Autorité de la concurrence pour son rachat par le géant Keolis, la vente est conclue aujourd’hui.

Les négociations entre la filiale de la SNCF et celle de La Poste Suisse étaient engagées depuis mai 2019. Les deux opérateurs de transport ne communiquent pas le montant de l’opération, effective ce 30 septembre. Les 1 200 salariés des réseaux urbains et interurbains de villes de taille moyenne exploités par CarPostal France sont repris par Keolis (37 000 salariés en France, 66 000 à l’international), ainsi que l’ensemble des actifs, dont 760 autobus et autocars.

Cap à l’est

« Nous sommes très heureux de conclure l’acquisition de CarPostal France qui va renforcer notre implantation territoriale [dans l’est de la France, NDLR] et nous permettre d’accélérer notre développement […] », commente Frédéric Baverez, directeur France de Keolis.

Entrée en France en 2004 sur le marché des villes de taille moyenne, des transports interurbains et des transports scolaires, CarPostal France est bien implantée dans l’est et le sud-est de l’Hexagone où l’entreprise exploite les transports de Mâcon, Bourg-en-Bresse, Villefranche-sur-Saône, Dole, Menton, Salon-de-Provence, Sète, Agde et Haguenau. Elle assure également des lignes d’autocar interurbains en Bourgogne-Franche-Comté, Isère, Haute-Savoie, Loire et Hérault.

En 2016, après avoir été condamnée par la justice française à verser à trois transporteurs isérois plus de 10 millions d’euros de dommages et intérêts pour concurrence déloyale, CarPostal France avait signé un protocole transactionnel de 6,2 millions d’euros et renoncé à faire appel. Par ailleurs engluée depuis 2018 dans un scandale après la découverte de caisses noires, CarPostal avait décidé début 2019 de jeter l’éponge en France, et entamait quelques semaines plus tard des négociations avec Keolis.

C’est sans doute la dernière opération de croissance externe pour Jean-Pierre Farandou, le dirigeant de Keolis appelé à présider la SNCF début novembre. Il est auditionné le 2 octobre par les commissions du Développement durable et de l’Aménagement du territoire de l’Assemblée nationale et du Sénat. En cas d’avis positif des parlementaires, son nom sera approuvé en conseil des ministres. S’ouvrira alors la question de sa succession à la tête de Keolis.

N. A.

Ewa

La SNCF veut lancer une compagnie ferroviaire européenne à grande vitesse

thalys eurostar

Juste avant de laisser la place à Jean-Pierre Farandou, Guillaume Pepy a lancé fin septembre un dernier grand chantier : la création d’une compagnie ferroviaire européenne à grande vitesse. Celle-ci naîtra du mariage d’Eurostar et de Thalys dont les réseaux sont parfaitement complémentaires, résume l’actuel patron de la SNCF.

Ce projet baptisé Green Speed, qui n’en est encore qu’à un stade préliminaire, a été présenté le 27 septembre aux actionnaires de Thalys (SNCF et SNCB) et d’Eurostar (SNCF, SNCB, ­Patina Rail LLP, un consortium composé de la Caisse de dépôt et placement du Québec et d’Hermès GPE LLP).

Entre 18 mois et deux ans pour marier Eurostar et Thalys

Une fois précisément défini, il devra être approuvé par les conseils d’administration des compagnies ferroviaires et par la Commission européenne. Il sera aussi soumis aux instances représentatives du personnel. Un processus qui devrait durer entre 18 mois et deux ans.

Ce rapprochement « évident » selon Guillaume Pepy, était dans l’air depuis plusieurs années. L’ouverture à la concurrence des lignes commerciales (tout particulièrement les LGV), programmée le 12 décembre 2020, le met définitivement sur les rails. Et pousse la SNCF, actionnaire de référence des deux entreprises (55 % des parts d’Eurostar, 60 % de celles de Thalys), à rassembler leurs forces. Le moment est d’autant mieux choisi que sa grande concurrente, la DB, est plus occupée à se recentrer sur son marché domestique que prête à se lancer dans de grandes offensives.

À elles deux, Eurostar, qui relie l’Angleterre au continent via le tunnel sous la Manche, et Thalys, qui relie Paris à Bruxelles, et au-delà aux Pays-Bas et à l’Allemagne, desservent cinq pays (France, Grande-Bretagne, Belgique, Pays-Bas et Allemagne), soit 245 millions d’habitants. En 2018, elles ont transporté 18,5 millions de passagers (11 millions pour Eurostar, 7,5 millions pour Thalys). La SNCF estime que le trafic pourrait doubler, passant à 30 millions annuels de voyageurs.

Concurrencer l’aérien et la route

L’idée est avant tout de desservir ces cinq pays, et peu à peu, avec l’extension de la grande vitesse européenne, de pousser un peu plus loin les dessertes en Europe du Nord, voire en Europe centrale. Guillaume Pepy évoque notamment la Tchéquie, la Pologne ou l’Angleterre qui ont chacune, à plus ou moins long terme, des projets de liaison ferroviaire à grande vitesse. Le reste de l’Europe n’est pas (encore) concerné. « Nous allons relier la Tamise à la Méditerranée et la mer du Nord à l’océan Atlantique. L’objectif est de créer une entreprise européenne qui permettra de relier les villes en Europe et concurrencera l’avion et la voiture », souligne Rachel Picard, la directrice générale de Voyages SNCF. « L’Europe est faite pour le ferroviaire », insiste Guillaume Pepy. Les préoccupations environnementales fortes qui s’expriment (« la honte de l’avion ») vont dans ce sens.

L’intérêt est avant tout commercial puisqu’il n’est pas question aujourd’hui d’harmoniser les flottes, chacune des entreprises faisant rouler des matériels adaptés aux caractéristiques techniques des réseaux qu’ils traversent. Ainsi, les rames Thalys sont dotées de plusieurs équipements de signalisation pour pouvoir circuler dans quatre pays, ce qui n’est pas le cas des rames Eurostar. Et les trains rouge et blanc de la société franco-belge ne peu­vent pas emprunter le tunnel sous la Manche.

Question sensible : la valorisation de la future société

En s’unissant, les deux compagnies pourront proposer des voyages de bout en bout quel que soit le trajet, des parcours simplifiés avec des correspondances adaptées, et un système de réservation commun avec une tarification commune, des programmes de fidélité et des systèmes d’information unifiés.

Restent toutefois encore de nombreuses questions à régler. À commencer par la valorisation des entreprises et l’équilibre qu’il faudra trouver entre les différents actionnaires dans la future société. La SNCF veut logiquement rester majoritaire dans la future entité. Mais elle devra prendre en compte les intérêts des uns et des autres. Avec ses 40 % de parts, la SNCB est un acteur de poids qu’il faudra écouter côté Thalys. Mais, élément négatif, son parc n’est plus très jeune et nécessite de lourds investissements. De son côté, Eurostar pèse plus lourd que Thalys et bénéficie d’un parc plus récent. Mais sa valeur pourrait être
impactée par le Brexit. « Ce sont probablement ces questions qui mettront le plus de temps à être résolues. Il faudra réussir à aligner les intérêts de tout le monde », estime un bon connaisseur du secteur. Le choix de la localisation du siège social devra aussi être réglé. Quant aux conséquences sociales, si des synergies sont à prévoir, le projet vise surtout le développement de l’activité, synonyme de croissance.

Marie-Hélène POINGT