La convention collective ferroviaire, en cours d’élaboration, vient de franchir une étape décisive. L’Unsa-Ferroviaire, la CFDT-FGTE Cheminots et Sud Rail, qui représentent 62,2 % des salariés de la branche, ont signé le 15 décembre l’accord sur les rémunérations et classifications. Cet accord va s’ajouter aux chapitres déjà écrits et validés au fil des négociations. S’ajoute un second accord sur le «sac à dos social», également signé par l’Unsa et la CFDT, mais pas par Sud-Rail, qui s’est toutefois engagé, selon Claude Faucher, à ne pas le dénoncer.
Conséquence, indique le délégué général de l’Union des Transports Publics, 90 % de la convention collective ferroviaire est désormais écrite. En effet, même si la CGT-Cheminots décidait de dénoncer les textes, son poids (elle représente 37,8 % des salariés de la branche) ne serait pas suffisant pour annuler les accords (une représentation d’au moins 50 % des salariés est nécessaire). Rappelons qu’en 2020, la CGT-Cheminots et Sud-Rail (ainsi que FO, qui n’est plus représentatif aujourd’hui) n’avaient pas hésité à dénoncer l’accord sur les classifications et les rémunérations. Le texte rejeté est toutefois revenu sur la table des négociations, l’UTP ayant accepté de relancer les discussions malgré un décret déjà pris cet été par le Gouvernement et s’appuyant sur les recommandations patronales moins favorables.
Pour l’UTP, ces deux accords signés aujourd’hui constituent « un volet essentiel de la construction de la convention collective nationale de la branche engagée par les partenaires sociaux depuis décembre 2013 ». Le premier accord, sur les classifications et rémunérations, permet de déterminer les règles de classification des emplois et les rémunérations minimales garanties applicables aux salariés dans toutes les entreprises de la branche ferroviaire. Il définit notamment 150 emplois types, tout en laissant une marge de liberté aux entreprises pour spécifier leurs propres postes, et il définit de façon large la polyvalence, permettant là encore aux entreprises de s’organiser comme elles le souhaitent.
Les facilités de circulation largement ouvertes à tous
Quelques évolutions sont toutefois à noter dans ce texte par rapport au texte écrit en 2020. « Les minimas ont été augmentés de 3 %. Et deux pas d’ancienneté de plus sont établis, avec deux nouveaux échelons à 27 ans et à 37 ans d’ancienneté. On peut donc cumuler des primes d’ancienneté plus longtemps. Enfin, des primes pour les cadres non contractuels vont être progressivement appliquées. A partir de 2024, tout le monde aura une prime d’ancienneté », se félicite Sébastien Mariani, le secrétaire général adjoint de la CFDT-Cheminots, en rappelant que le coût global des mesures salariales avait été évalué en 2020 à 67 millions d’euros.
Surtout, le texte intègre un élément essentiel aux yeux des cheminots : les facilités de circulation « car elles sont considérées comme un avantage en nature », souligne Didier Mathis, le secrétaire général de l’UNSA-Ferroviaire. L’accord proposé ouvre la possibilité à toutes les entreprises de la branche ferroviaire de faire bénéficier à leurs salariés, retraités et ayants droit les facilités de circulation par un accord collectif ou une décision unilatérale. Cette disposition correspond au scénario le plus favorable proposé par un rapport commandé par le Gouvernement et présenté officiellement à la rentrée. Les entreprises qui accorderont des facilités de circulation (dont la SNCF) devront abonder un fonds géré par la branche qui sera chargée de collecter l’argent et de le redistribuer aux entreprises au prorata de leur activité. « Le coût des facilités de circulation n’est pas exorbitant puisqu’il est évalué à 400 euros par an et par cheminot », rappelle Sébastien Mariani.
Ces évolutions ont permis à Sud Rail de revoir sa position et d’accepter de signer, estime l’UTP en rappelant que ces accords sont le résultat d’un long processus.
Quant au second accord sur le « sac à dos social », il définit, au-delà des règles déjà prévues par la loi (garanties de l’emploi et de rémunération, affiliation au régime spécial de retraite), les règles qui continueront à s’appliquer aux cheminots s’ils sont transférés à une autre entreprise ferroviaire dans le cadre de l’ouverture à la concurrence. Il s’agit par exemple du maintien dans leur logement locatif, de l’accès à la médecine de soins SNCF ou du devenir de leur compte épargne-temps. Il prévoit aussi le maintien du dispositif des facilités de circulation mis en œuvre actuellement à la SNCF pour tous les cheminots, y compris ceux qui seront transférés.
Le 1er janvier, les deux accords devraient s’appliquer à toutes les entreprises de la branche et à leurs 160 000 salariés.
Marie-Hélène Poingt