On ne sait pas si la voiture de location en libre-service parisienne rencontrera le succès de Vélib?. L?appel d?offres qui sera lancé prochainement concerne 3 000 véhicules dans un premier temps. Exigence numéro un, le véhicule devra être électrique La capitale, qui a réussi le pari Vélib’ (105 millions d’utilisateurs pour le vélo en libre-service depuis son lancement, il y a deux ans), est en pleine préparation d’un projet beaucoup plus risqué : l’arrivée dans la région parisienne d’Autolib’, un système de location de voitures en libre-service. Les services de l’hôtel de ville peaufinent l’appel d’offres qui devrait être lancé à la mi-décembre. La délégation de service public concernera dans un premier temps 3 000 véhicules avec, « in fine, un objectif de 4 000 », précise Annick Lepetit, adjointe PS aux transports. Le cahier des charges devrait être assez ouvert, sorte de concours à idées permettant aux candidats potentiels de proposer toutes les solutions qu’ils imaginent pour ce système qualifié de « révolutionnaire » par le maire de Paris. « C’est une première au monde dans une grande ville. Cela n’a été fait nulle part, sauf en Allemagne, à une plus petite échelle », s’enthousiasme Bertrand Delanoë, évoquant l’expérience d’Ulm, une ville de 120 000 habitants. Seules règles préalables posées par l’élu socialiste : les véhicules seront forcément électriques. Ils pourront être garés dans n’importe quelle station Autolib’. C’est le principe du « one way » (aller simple), qui ne nécessite pas de ramener le véhicule à son point de départ comme c’est le cas pour l’autopartage. Trois candidats ont déjà fait part de leur intérêt. Le premier est un groupement rassemblant des poids lourds, SNCF, RATP, Avis et Vinci Park.?Une société qu’ils détiendront à parts égales est en cours de constitution. Les deux autres avancent seuls, chacun de son côté : Transdev et Veolia Transport, qui ont commencé à s’intéresser au dossier bien avant de savoir qu’ils allaient fusionner. Comme la fusion doit auparavant recevoir l’aval de Bruxelles, les deux groupes continuent à travailler chacun pour son propre compte. Tous ont suivi la même démarche : Transdev a racheté l’année dernière Caisse commune, une société d’autopartage, et Veolia a mis la main sur Mobizen, autre acteur de l’autopartage à Paris. De son côté, la SNCF, via Keolis, gère un service d’autopartage à Lille. Et tous affichent le même raisonnement : Autolib’ sera un élément supplémentaire dans l’offre globale de la mobilité « Nous sommes de plus en plus des organisateurs de mobilité », résume Francis Grass, directeur général France Voyageurs chez Veolia Transport, en expliquant qu’Autolib’ sera essentiellement utilisé pour les courtes distances. Selon lui, la location de voitures en libre-service ne représentera que 1 à 2 % des déplacements dans Paris. Selon des études de la ville, 73 % des Parisiens et 39 % des Franciliens de la petite couronne seraient intéressés par Autolib’, et 83 % des usagers disposant d’une voiture se diraient prêts à moins utiliser leur véhicule personnel. « Nous avons le sentiment que la clientèle va combiner de plus en plus les modes de transport. Les modes doux comme le vélo et l’autopartage prennent pleinement leur place dans la chaîne de la mobilité. Nous sommes en train de comprendre comment ces marchés évoluent. Au départ, ces marchés étaient surtout organisés par des associations. Aujourd’hui, les élus souhaitent inscrire ces modes dans une gestion publique et les utiliser comme des outils d’aménagement du territoire », explique Bernard Stumpf, le directeur délégué Ile-de-France de Transdev. La ville a déjà laissé entendre que le coût d’utilisation d’Autolib’ devrait tourner autour de 4 à 6 euros la demi-heure d’utilisation. L’abonnement devrait être proposé dans une fourchette de 15 à 20 euros par mois. « Il devrait être possible de moduler la tarification et de proposer des formules avec ou sans réservation, ou encore des utilisations différentes en fonction des heures de la journée », souligne Jean Ghédira, le directeur de la direction écomobilité et innovation à SNCF Proximités. Le principal problème à régler est lié au principe du « one way » : comment l’automobiliste aura-t-il la garantie de trouver une place quand il voudra garer sa voiture ? Il est prévu deux fois plus de places de stationnement que de voitures. Mais il faudra forcément trouver d’autres réponses à cette question. Dans le cas des Vélib’, on peut répartir les vélos entre les stations en les déplaçant par des camionnettes avec remorque. Un système de régulation difficilement applicable pour des voitures. Autre question à régler : comment être sûr que la voiture réservée aura ses batteries rechargées ? Et comment protéger les bornes de rechargement ? L’opérateur retenu devra acheter lui-même les voitures. Ou bien les louer. D’où le choix déterminant du ou des constructeurs. A 30 000 euros l’unité (il faudra en plus équiper les voitures en systèmes d’information et de communication), pas question de se tromper ! Les stations (au total 1 400, les deux tiers en surface) seront payées par les communes. Elles pourront bénéficier d’une aide de la région qui atteindra 4 millions d’euros au total, soit jusqu’à 50 000 euros par station. A Paris, 700 stations sont prévues, dont 200 en sous-sol, pour un coût de 35 millions d’euros. L’investissement est donc considérable, les coûts d’exploitation aussi. Aujourd’hui, les sociétés d’autopartage perdent de l’argent. Les opérateurs de transports publics, qui savent qu’ils s’engagent dans l’inconnu, font face à une équation complexe : comment gagner de l’argent dans cette affaire ? Quelles garanties demander à la ville ? « La ville est bien consciente des difficultés.?Nous allons travailler ensemble pour que le projet soit viable économiquement », souligne Eric Tardivel, chargé de mission à la direction générale au Développement de la RATP.?Le pari économique est risqué. Il l’est encore plus en cas de vandalisme. C’est l’un des maux de Vélib’. « Mais Vélib’ est un système quasiment gratuit », nuance Nicolas Le Douarec, l’un des fondateurs de Mobizen, embauché par Veolia pour plancher sur le dossier. Dans le cas d’Autolib’, les utilisateurs seront identifiés grâce à leur permis de conduire. Un système de vidéosurveillance pourrait être installé dans les stations, ainsi qu’un système d’alerte en cas de chocs sur les véhicules. « Dans le système autopartage, le vandalisme est très faible. Les adhérents ont le sentiment d’appartenir à une sorte de communauté », poursuit Nicolas Le Douarec. Autolib’ s’inscrira dans une autre dimension.?Bien public, accessible au plus grand nombre, donc vulnérable.?Un symbole pour lequel un nouveau modèle économique reste à inventer.
Marie-Hélène POINGT