On a vraiment changé d’époque. Si nous n’avons pas la berlue, il semble bien que le débat francilien sur les transports pour les régionales en 2015 avait pour thème le retard dans les équipements, et que Valérie Pécresse avait alors fait très fort en promettant la commande de 700 trains. Six ans après, on a l’impression que la question n’est plus là. A-t-on reçu 200 trains seulement comme dit Julien Bayou ? Ou bien 650 comme l’assure Stéphane Beaudet ? On glisse quasiment sur ce point. On se serait écharpé il n’y a pas longtemps… La question n’est plus tant dans les moyens à mettre ou dans la demande à satisfaire que dans l’organisation de la région et la diminution du besoin de transport. Cette tonalité est d’ailleurs celle du Forum Vies Mobiles et de la Fabrique écologique qui avaient organisé le 4 mai un débat avec les principaux candidats aux élections régionales. Elle est aussi celle du sondage sur lequel ils s’appuyaient, qui montre un fort désir de réduire les déplacements, de développer le télétravail, voire de quitter la région. En pleine pandémie, en pleine crise climatique il n’y a pas de quoi s’étonner. Un internaute résume : l’avenir sera sobre ou l’avenir sera sombre.
Les principaux candidats avaient répondu présents, à l’exception de Jordan Bardella (Rassemblement national). Valérie Pécresse, présidente sortante et favorite, était représentée par Stéphane Beaudet, vice-président Transports.
La tonalité nouvelle, a priori, va bien à la gauche ou aux écologistes. Julien Bayou (Europe Ecologie les Verts) de demander 1700 km de voies sécurisée pour les vélos, demander un Passe Navigo Plus comportant le transport à la demande, attaque les actions de Valérie Pécresse contre la piétonisation des voies sur berge, remet en question toute la ligne 17 Nord du Grand Paris Express, inscrit ses propositions dans une vision de la « région de la demi-heure ».
Clémentine Autain (député La France insoumise, liste Pouvoir vivre en Ile-de-France), très au fait des dossiers, met l’accent sur l’organisation de la région, sur le poids du SDRIF négligé par Valérie Pécresse, dénonce l’appui de la majorité sortante à des projets d’artificialisation des sols comme au triangle de Gonesse, l’appui au CDG Express, train des riches, l’appui au projet de métamorphose de la Gare du Nord, ou s’en prend à la privatisation en cours des lignes de transports publics.
Gratuité des transports
Un peu décalée, Audrey Pulvar (liste socialiste) met en avant sa formule phare, la gratuité des transports, dont elle assure qu’elle va de pair avec une amélioration de la qualité des transports, sans expliquer vraiment comment la dite gratuité va se trouver financée. Laurent Saint Martin, candidat La république en marche, souligne l’insatisfaction des usagers, fait une priorité de l’accessibilité totale des gares, du respect de la ponctualité, ou de la garantie de la sécurité Et semble attendre beaucoup d’une pensée nouvelle des futures gares du Grand Paris Express. On les a vu naître comme points d’entrée offerts à chacun avec les activités multiples de la métropole mondiale. On attend d’elles quelles deviennent des nouvelles centralités, et quasiment des lieux de vie…
Enfin Stéphane Beaudet, tranquille, s’en tient surtout à une défense du bilan de sa présidente, et à une mise en avant d’une posture, faite selon lui d’ouverture et de pragmatisme, ayant permis au delà des investissements massifs la création d’une centrale de réservation pour le transport à la demande, le développement du vélo à assistance électrique et le lancement du projet de RER Vélo. Et de mettre l’accent sur le grand débat : le rapprochement des activités, d’accord, mais qu’entend-on par là ? Rapprochement en distance (auquel cas la métropole doit être refondée), ou rapprochement en temps (auquel cas la politique de développement des transports doit être maintenue). Seconde option qui a bien sûr sa préférence. Et s’il est temps de tout infléchir en fonction du risque écologique, si tout n’est pas rose, il rappelle que le solde migratoire reste favorable en faveur de l’Ile-de-France (+ 60000). Il n’y a pas péril en la demeure. Une demeure dont, avec Valérie Pécresse, il entend bien garder les clés.
F. D.