La CGT Cheminots déjà « à l’offensive »
Pour la CGT Cheminots, « l’anti services publics entre en gare de Matignon!» Le ton est donné dans ce communiqué publié le 17 mai par la fédération qui dresse une liste d’actions menées à l’encontre des agents SNCF par Elisabeth Borne quand elle était à la SNCF puis au gouvernement : « En 2002, Elisabeth Borne est directrice de la Stratégie à la SNCF sous l’ère Pepy. Elle sera celle qui participera au découpage de l’entreprise publique, de sa mise en silos, au pilotage par activités, au dépeçage et au rabougrissent du transport de marchandises par le fer ».
Plus tard, au cabinet de Ségolène Royal, elle accordera aux gestionnaires d’autoroutes « un allongement allant jusqu’à six ans de leurs concessions ». Devenue ministre des Transports, elle met en oeuvre le Pacte ferroviaire, avec « transformation du statut juridique et découpe de la SNCF en 5 sociétés anonymes, fin du recrutement au statut, ouverture à la concurrence du transport de voyageurs… ». Le syndicat cheminot pointe aussi son action en tant que ministre du Travail : » Elle sera l’instigatrice de la réforme de l’assurance chômage qui abaisse les droits de nos concitoyens les plus touchés et les plus fragilisés par une situation sociale déjà fortement dégradée ».
La Fédération CGT des Cheminots assure qu’elle « sera très attentive et déjà à l’offensive quant aux politiques qui seront menées, tant sur les sujets interprofessionnels que sur ceux touchant au domaine ferroviaire ».
Pour Sud Rail, la SNCF paie aujourd’hui la fin du statut
« Pour être franc, je ne l’ai pas connue lorsqu’elle était directrice de la Stratégie », indique Fabien Villedieu que nous avons contacté. Le délégué SUD Rail rappelle qu’à ce poste « entre 2002 et 2007, elle a porté le choix du « tout TGV ». Pourtant, dix ans plus tard, changement de direction, lorsqu’elle devient ministre des Transports. Elle prône alors la priorité aux trains du quotidien, sous la pression des élus locaux qui veulent tous que leur ville soit desservie par le TGV. Probablement, une sorte de realpolitik du chemin de fer ! ».
Le syndicaliste revient aussi sur la fin du statut pour les nouveaux embauchés. « Ce statut était attractif. Aujourd’hui, la SNCF paie cet abandon et a du mal à recruter. De plus, il n’y a jamais eu autant de démissions : 1186 en 2021, soit une augmentation de 2,3 % par rapport à 2020. C’est vraiment une conséquence de la politique d’Élisabeth Borne, qui aura des effets à long terme« .
L’UNSA-Ferroviaire se souvient de discussions « difficiles » avec la ministre
Didier Mathis, le secrétaire général de l’UNSA-Ferroviaire raconte :« Lorsqu’Elisabeth Borne était présidente de la RATP, elle était plutôt appréciée par les organisations syndicales de la Régie d’après les échos que nous en avions. Du point de vue des cheminots, c’est très différent. Lorsqu’elle était ministre des Transports, elle a notamment mis en place en 2018 la réforme ferroviaire qui a entériné entre autres la fin de l’embauche au statut cheminot ‑ cela entraîne des difficultés pour recruter de nouveaux personnels – et la transformation de la SNCF en cinq sociétés anonymes. Cette période, qui a été marquée par trois mois de grève des cheminots au printemps, nous l’avons vécue très difficilement. Lorsque nous nous rendions au ministère des Transports pour mener des négociations, la ministre parlait, elle, de « réunions de concertation ». Au-delà de la sémantique, il y avait un réel décalage. Difficile de négocier et d’obtenir des avancées dans un tel contexte… Aujourd’hui, on ignore qui sera le futur ministre des Transports du gouvernement que doit former la Première ministre (l’interview a été réalisée le 17 mai, ndlr), mais ce qui est certain, c’est qu’il lui faudra décider d’investir massivement dans le réseau ferré et aussi trouver le moyen de compenser les pertes financières dues à la baisse de fréquentation des trains – et donc des péages collectés – qu’a entraîné la pandémie de Covid. Reste que cette future nomination est suspendue aux résultats des élections législatives en juin prochain… »
Pour la CFDT Cheminots, priorité maintenant aux questions sociales
Pour Thomas Cavel, le précédent quinquennat a été avant tout marqué par la réforme ferroviaire de 2018, « Une mauvaise réforme engagée par le gouvernement sans consultation préalable des corps intermédiaires et parmi eux, les syndicats« . Et le secrétaire général de la CFDT Cheminots de poursuivre : « C’était vraiment une période “zéro dialogue”. Elisabeth Borne, alors ministre des Transports, annonçait des concertations avec les organisations syndicales, mais au final, la mise en œuvre de la réforme s’est faite à coup d’ordonnances… Aucune disposition sociale ne figurant dans les textes en question, cela a donné lieu à un mouvement social totalement inédit à la SNCF, aussi bien dans sa forme que dans sa durée. Outre l’ouverture à la concurrence, les cheminots se sont mobilisés contre la suppression de l’embauche au statut, qui, on l’a rapidement constaté, a entraîné de grandes difficultés de recrutements alors que les besoins sont réels… Plutôt que le projet de réforme des retraites, qui a été repoussé en raison de la pandémie, nous estimons qu’aujourd’hui, la priorité doit être accordée sans délai à d’autres questions sociales : le pouvoir d’achat, les modalités de transfert des cheminots vers un autre opérateur, la fidélisation des salariés actuels – le nombre de démissions est particulièrement élevé –, les salaires, l’emploi. Nous attendons du futur gouvernement qu’il ait pleinement conscience de l’absolue nécessité de développer le service public ferroviaire, a fortiori à l’heure de la transition écologique. Dès le début de la crise sanitaire, les cheminots se sont mobilisés de manière exemplaire pour que les trains continuent de circuler et de transporter les Français. Nous attendons une reconnaissance de l’engagement constant des salariés de la SNCF depuis que la pandémie a commencé. »
Yann Goubin et Anne Jeantet