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Ewa

L’association The Shifters s’inquiète de l’empreinte carbone des JO

Avion-AirFrance

L’objectif des organisateurs des JO 2024 de générer deux fois moins d’émissions carbone que lors des précédents JO ne devrait pas être tenu selon The Shifters, une association rassemblant des bénévoles engagés dans la transition bas-carbone en Europe. Dans un pré-rapport présenté le 20 juin, l’association  estime que les Jeux olympiques et paralympiques devraient générer 36% d’émissions en moins par rapport à Londres en 2012 (mais avec 10% de billets en plus : un million de billets seront vendus pour Paris 2024). « Ainsi, le budget total devrait être dépassé d’environ 32%. Près de 2,1 millions de tonnes de CO2e devraient être générées au total, contre 1,5 million selon les annonces », écrit l’association, en rappelant que «les organisateurs précisent qu’un tiers de ces émissions est alloué aux déplacements, un tiers aux opérations et un tiers à la construction des infrastructures ».

Le point noir : les déplacements

Si l’édition 2024 s’appuiera sur 95% d’infrastructures existantes ou temporaires avec des bâtiments éco-construits et des engagements sur des critères durables, le point noir reste les déplacements (en particulier en avion) des spectateurs internationaux, qui constituent le poste principal d’émission de gaz à effet de serre. L’association, qui détaille sa méthodologie dans son rapport et s’est appuyée sur plusieurs hypothèses (dont celles de l’Ademe), regrette que « le poste des déplacements soit en réalité environ deux fois plus élevé que le chiffre annoncé et qu’il n’ait pas baissé relativement à Londres 2012« .

Elle rappelle qu’une étude notamment menée par le cabinet de conseil EY sur la Coupe du Monde de Rugby organisée en France en septembre 2023 avait montré que près de 830 000 t CO2e ont été générées par l’événement. 86% de l’empreinte carbone de la compétition était liée aux déplacements des visiteurs venus de pays étrangers.

La solution : des fans zones régionalisées

Selon The Shifters, pour être compatible avec l’Accord de Paris et « si les Jeux veulent continuer à exister dans les prochaines décennies« , il faut « absolument baisser drastiquement ces émissions ». D’où la recommandation des auteurs du rapport, Paul Delanoë et Alexis Lepage, de « repenser la compétition, son format et ses objectifs« . Ils prônent la mise en place de fan zones régionalisées officielles et pilotées par l’organisateur des Jeux Olympiques. « Il n’est plus question de s’acharner à faire venir quelques millions de spectateurs privilégiés jusqu’au site des JOP, mais au contraire d’apporter les JOP sur chaque continent, au plus proche des spectateurs« , écrivent-ils.

L’étude est remise en cause par le Cojo qui, dans le journal l’Equipe, dénonce « le choix d’utiliser comme seule référence des données issues de l’édition de Londres 2012, et d’intégrer à son calcul la venue de visiteurs sans ticket », alors que « l’estimation de l’empreinte carbone de Paris 2024 se base sur la venue de visiteurs directement imputables aux Jeux, donc des spectateurs munis d’un billet ». Un bilan carbone devrait être établi après les Jeux.

Marie-Hélène Poingt

 

 

Ewa

Mobilité verte. Pékin mise sur le MaaS et les crédits carbone

Beijing Chine Pekin pollution route voiture

La plateforme #MaaS de Pékin devient un relais actif pour encourager le changement de comportements des usagers vers une mobilité durable, à travers l’intégration d’incentives basés sur un dispositif de crédits carbone. Un système d’incitations à la mobilité durable que ne pratique pas l’Europe.

Par Jingoo Choi et Josefina Gimenez

Réduire les émissions carbone du transport est un objectif partagé par la communauté internationale. Si des innovations technologiques permettent de proposer des alternatives viables à la voiture, le passage à l’acte de l’usager demeure le facteur décisif. Ainsi, la contrainte (les embouteillages), le calcul financier (le prix du carburant versus le transport collectif) ou l’accessibilité (trouver le bon vélo au bon moment) restent les éléments en considération à l’heure de choisir le bon mode, quand le choix est possible.

Sur la base des objectifs de réduction d’émissions carbone en 2030 et de neutralité carbone en 2060, le gouvernement chinois encourage la mise en place des plateformes MaaS dans le territoire. Elles sont le levier pour accélérer l’adoption des modes doux et des nouveaux services de mobilité (free-floating, modes partagés et ride-hailing) en interaction avec les modes collectifs. C’est dans ce contexte que la commission de transport de la municipalité de Beijing et le bureau d’Ecologie et Environnement introduisent le premier système d’incitations à la mobilité durable à travers le dispositif de crédits carbone, « MaaS Mobility for Green City ». Il s’agit d’un dispositif de récompense afin d’encourager les usagers à s’engager dans une mobilité verte.

mobilite douce
Estimation basée sur le simulateur des émissions des trajets de l’Ademe.

Des incentives integrées à la plateforme MaaS de Beijing

La plateforme MaaS de Beijing a été lancée fin 2019, intégrant des services classiques du MaaS tel que le calcul d’itinéraire, les informations du transport public en temps réel ainsi que des données sur les modes doux (comme la marche ou le vélo). D’autres informations comme le taux de remplissage des transports, ou des rappels pour effectuer les changements sont aussi disponibles.

Le système de récompenses vient compléter le dispositif comme levier pour favoriser le choix des modes plus économes en énergie.

Afin de bénéficier du dispositif, les usagers doivent avoir un compte carbone personnel, possible via les systèmes de Amap ou Baidu Maps. Ainsi, lorsque l’utilisateur préfère un mode à faibles émissions pour son trajet (comme la marche, le vélo ou les transports en commun) via le système de navigation Amap ou Baidu, son compte est ‘crédité’ des crédits carbone en fonction de la distance parcourue. Ces crédits correspondent aux émissions carbone évitées pour avoir préféré un mode de transport doux plutôt que les déplacements individuels motorisés, comme la conduite d’une voiture ou le VTC.

Amap et Baidu Maps collectent ces crédits et les échangent sur le marché du carbone de Pékin. Quant à l’usager, les incentives prennent la forme de dons solidaires ou de soutien à des associations (comme le don pour la plantation d’arbres), ou encore des bons d’achat ou le rechargement de cartes de transport.

pekin paris transports
Comparaison de la part modale entre Paris et Pékin.

Le transfert modal et les émissions du transport

Combinée à ces crédits carbones, la plateforme MaaS va de pair avec la stratégie de décarbonation de la Chine. Le 16 juillet, la Chine a en effet lancé son « marché du carbone » qui permet non seulement aux autorités provinciales de fixer des quotas pour les centrales thermiques mais aussi aux entreprises d’acheter des « droits de polluer » à d’autres organisations ayant une empreinte carbone plus faible1. La première transaction fixait à 6,80 dollars la tonne de carbone, et l’application initiale de ces systèmes s’adresse aux entreprises du secteur de la production d’électricité (2 162 producteurs) qui contribuent aux émissions de CO2 les plus élevées de Chine (51% du total, IEA). Ainsi, les crédits collectés par Amap et Baidu Maps seront échangés auprès des producteurs d’électricité via le marché du carbone de Pékin.

Ce mécanisme d’incitations et d’échanges de crédits carbone pour encourager le « green travel » est une nouvelle extension des plateformes MaaS. Une manière supplémentaire de promouvoir la mobilité verte, et faciliter un changement substantiel dans les comportements de déplacements.

Selon les statistiques de 2018, le secteur de transport représente environ 10 % des émissions totales de CO2 de la Chine. C’est le troisième secteur le plus important, l’électricité et l’industrie contribuant à 80% aux émissions. Quant à la France, le secteur du transport représente 41%, mais le montant d’émissions est encore nettement plus élevé en Chine qu’en France (917 Mton versus 215 Mton, IEA).

Calcul et comparaison des émissions de carbone – Bonjour RATP d’Ile-de-France.

Dans le cas de Pékin, le recours aux différents modes de transport est globalement équitablement réparti en termes de partage modal. La part des émissions des véhicules particuliers est naturellement plus élevée due à une majeure émission de carbone par unité de distance, comparativement aux autres modes de transport (collectifs ou partagés). Par ailleurs, aussi bien à Paris qu’à Pékin, environ 20% des déplacements sont effectués en véhicule particulier. Cependant, la différence dans le volume des voitures entre les deux villes fait que les émissions de carbone des véhicules particuliers à Pékin (15 millions de tonnes), avait un poids d’environ 75% sur le total des émissions de carbone du secteur du transport en 2012.

Et ce malgré la forte proportion du recours à de modes actifs tels que la marche à pied et le vélo (53%) à Pékin comparativement à Paris. Le report modal de Pékin peut sembler positif, mais compte tenu de son empreinte carbone élevée, une réduction supplémentaire des émissions locales à travers la réduction du recours à la voiture peut être attendue grâce au transfert vers des modes à faibles émissions.

Ainsi, dès lors qu’on prend en compte le potentiel des modes doux dans la réduction des émissions liées au transport et à la voiture en particulier, la possibilité d’intégrer des systèmes incitatifs dans les plateformes MaaS peut être envisagée comme un nouveau levier pour accompagner le changement de comportement des usagers.

Calcul et comparaison des émissions de carbone – OURA d’Auvergne-Rhône-Alpes

Quelle place pour les incentives dans les plateformes MaaS en France ?

Si la mise en place des marchés carbone en Europe permet de mesurer et contrôler les émissions des industries, la création de systèmes de crédits personnels ne semble pas à l’heure du jour. Cependant, diverses plateformes de MaaS françaises, comme « Bonjour RATP » d’Ile-de-France, « OùRA » d’Auvergne-Rhône-Alpes ou « Fluo » de Grand-Est indiquent les émissions de carbone sur les itinéraires sélectionnés.

La question demeure de savoir si l’information suffit à l’usager pour prendre la décision dans le sens de la réduction d’émissions. Dans quelle mesure ce niveau d’information est un premier pas vers la création d’un système d’incentives ?

Même si leur poids est inférieur par rapport à Pékin, en France les émissions des véhicules particuliers représentent 51 % du secteur de transport, soit 16 % des émissions totales de gaz à effet de serre du pays en 2019 (SDES 2021). Associés à des mesures d’offre de mobilité verte comme les pistes cyclables et les aménagements piétons ou le projet du Grand Paris Express, les dispositifs incitatifs peuvent créer des synergies tout en stimulant la demande des utilisateurs.

Calcul et comparaison des émissions de carbone – FLUO de Grand Est.

Cependant, le marché des crédits carbone tel que celui de Pékin et l’application des incitations restent à étudier parmi les parties prenantes. Le marché français du carbone est conforme aux normes de l’Union européenne2 (UE) depuis 2005 et les secteurs concernés sont l’industrie (chaleur, raffineries, acier, fer, ciment et chaux, verre, céramique, pâte à papier, etc.) et la production d’électricité, qui représentent 41 % des émissions totales de carbone de l’UE. Compte tenu du niveau d’émissions du secteur du transport, une réflexion sur l’adoption du marché du carbone par les acteurs du transport pourrait être envisagée.

Actuellement, des tentatives basées sur des systèmes incitatifs voient le jour en France, comme le « Compte CO23» et la plateforme « Rob4». Ces dispositifs sont également basés sur des application smartphone et offrent des récompenses pour l’utilisation de modes de transport respectueux de l’environnement, comme des points ou de l’argent virtuel permettant des réductions d’achats ou des cadeaux éthiques.

Cependant, ces applications d’incitations sont indépendantes des plateformes MaaS existantes, ce qui peut rendre difficile l’accès aux utilisateurs, et freiner leurs utilisations. Ceci remet les acteurs du MaaS français au centre, et les interpelle sur leur capacité à mettre en place des dispositifs internes afin d’encourager et récompenser l’attitude des usagers.

1 La Chine lance officiellement son marché du carbone, 16 juillet 2021, Le Monde.
2 Marchés du carbone | Ministère de la Transition écologique (ecologie.gouv.fr).
3 Compte CO2, le service de paiement pour le climat
4 Rob | L’app qui récompense tous tes trajets responsables (rob-app.fr)