Les Rencontres nationales du transport public (RNTP) s’ouvrent aujourd’hui à Clermont-Ferrand. Olivier Bianchi, maire de la ville et président de Clermont Métropole répond à Ville, Rail & Transports.
Ville, Rail & Transports : Les RNTP à Clermont-Ferrand, ce n’est pas tout à fait un hasard : la ville est en train de restructurer de A à Z son réseau de transport urbain. Comment et combien ça coûte ?
Olivier Bianchi : Le projet, baptisé Inspire, ce sont deux lignes de bus électriques à haut niveau de service, des BHNS, avec des véhicules articulés de 18 mètres qui se rechargent automatiquement en station, selon un système de « biberonnnage ». C’est aussi la restructuration complète des autres lignes de bus avec un tracé circulaire, et non plus en croix. L’idée, c’est de permettre aux habitants de la métropole, très étalée, de passer de communes en communes en transport collectif. Les deux lignes de BHNS vont relier la gare SNCF, l’aéroport, le Zénith, les deux principaux pôles économiques de Clermont La Pardieu et Le Brézet. Dans la ville de Michelin où plus de 70% des déplacements se font en voiture, on commence à poser les questions des trajets pendulaires [domicile-travail, ndlr], en tout cas ceux de la métropole. C’était une demande des habitants : apaiser l’espace public, réduire la place de la voiture, rééquilibrer les différents modes de transport, développer le vélo, s’inscrire dans la transition écologique.
VRT : Objectif, + 50% de fréquentation dans les transports publics et réduire de combien les déplacements automobiles ?
O.B : Nous tablons sur 20 000 voyageurs quotidiens sur chacune des deux nouvelles lignes de BHNS. Avec près de 70% des déplacements urbains en voiture, seuls à bord, pour faire moins de quatre kilomètres, Clermont avait une culture de ville moyenne. Elle compte aujourd’hui 150 00 habitants, 300 000 à l’échelle de la métropole, mais les habitudes de déplacements n’ont pas changé. Elle est devenue une grande ville, mais les transports publics n’ont pas suivi. On ne bannit pas la voiture, on réduit ses possibilités de traverser la métropole en d’est en ouest : avec moins de places de stationnement, et une seule voie sur la rocade , au lieu de deux fois deux voies. Nous préparons les habitants à avoir, début 2026, un réseau de transport public compétitif en temps de trajet par rapport à la voiture. 90% des Clermontois seront alors soit à moins de 300 mètres d’une ligne de bus, soit à moins de 500 mètres d’un arrêt de tramway ou de bus à haut niveau de service.
VRT : L’épine dorsale du nouveau réseau, ce sont ces deux nouvelles lignes de BHNS dont le design ressemble à un tramway, sans en être un. Et le tramway sur pneu, le Translhor, que devient-il ?
O.B : C’est la vraie question… Je suis fils de cheminot, j’aime le rail… Mais je ne suis pas fétichiste pour autant. Ce qui m’intéresse, c’est d’avoir une réponse de transport public fiable, avec des horaires cadencées, un tracé en site propre pour s’affranchir des aléas de la circulation automobile. Le tram a un effet whaou !, mais au fond, des bus articulés électriques à haut niveau de service sont tout aussi compétitifs. Ils cochent toutes les cases et en plus, ils coûtent deux fois moins cher qu’un tramway. Quand je me suis demandé comment augmenter l’offre de transport public de 20% et offrir rapidement à mes habitants un million de kilomètres supplémentaires dans un contexte budgétaire de plus en plus difficile, j’ai opté pour cette solution technique. Je suis pragmatique.
VRT : La ligne de tramway a été à l’arrêt pendant cinq semaines l’été dernier pour maintenance : songez-vous à la convertir sur fer ?
O.B : Nous pouvons faire durer les rames du Translhor jusqu’en 2030, 2032. Dans le prochain mandat, les élus vont devoir se poser la question de sa conversion sur fer. C’est tout de même une ligne importante – 70 000 voyageurs quotidiens – on ne peut pas pas redescendre en ligue 2 ! Va-t-on rester en tramway ? Une partie de la réponse tiendra dans nos capacités financières. Cette ligne de tram restera l’une des grandes questions de mon ou de ma successeur.e. Ou de moi-même si je suis réélu. Mes confrères qui ont des tramways sur fer sont assurés qu’il existera toujours des outils de maintenance industrielle. Moi, j’ai un taux d’obsolescence programmé. Il n’existe que quatre villes dans le monde (Mestre, Medelin, Paris et Clermont-Ferrand) qui roulent en Translhor (plus deux villes chinoises). J’ai créé un club pour les réunir, et un consortium : on répare, on bidouille, on dépose des brevets, on mutualise. Ce que je ne veux pas, c’est un arrêt définitif ! A Clermont, il va falloir que le syndicat mixte des transports, le SMTC, s’organise pour être en capacité d’offrir une alternative en 2030, au plus tard en 2032.
Quelle est la place du vélo à Clermont ? Vous êtes l’une des rares villes françaises à avoir accorder votre confiance à un opérateur étranger pour les vélos en libre-service, l’Espagnol Moventia.
O.B : Dans la patrie de Michelin, la part du vélo avait une part extrêmement congrue. Après mon élection, en 2014, on a décidé de mener une politique vélo avec des services de location et d’abonnements gratuits. Il manquait les infrastructures cyclables. On a donc voté le principe de 360 kilomètres de pistes cyclables, près de la moitié sera réalisée en 2026. Quant à l’arrivée de Moventia pour les services de vélos en libre-service, nous n’avons aucune raison de nous en plaindre…
VRT : On connait la frilosité des élus pour confier leur réseau de transport urbain à des challengers étrangers : Moventia, c’est un test ?
O.B : Confier les transports à des opérateurs français, c’est l’intérêt général de la Nation. Nous organisons des marchés publics, moi, ma boussole, c’est le contribuable.
VRT : Le modèle économique du transport public s’essouffle, comment arrivez-vous à financer 100 kilomètres d’offre supplémentaires ?
O.B : Le projet Inspire et la rénovation du réseau représente 300 millions d’euros. C’est le grand projet pour la décennie sur notre territoire, il coûte énormément d’argent, mais c’est fondamental pour préparer la ville aux 50 prochaines années. On a mis en place une gratuité des transports publics le week-end, nous allons étudier l’élargissement de la gratuité à certaines catégories sociales. Il faut nous redonner une souveraineté fiscale. L’Etat a supprimé la taxe d’habitation et nous accorde une subvention qui n’est plus évolutive. Et j’entends dire qu’on va faire la même chose avec les impôts productifs des métropoles et des intercommunalités. Si l’Etat veut continuer à étouffer financièrement les collectivités locales, il doit suivre sur cette trajectoire…
Comment justifier que le temps de trajet entre Paris et Clermont-Ferrand soit plus élevé aujourd’hui qu’il y a 20 ans ?
O.B : Ce n’est pas justifiable. Ce rallongement du temps de parcours, auquel s’ajoutent des dysfonctionnements en séries, n’est digne ni de notre pays, ni de notre territoire. Il est la conséquence d’une dégradation continue des investissements de l’Etat sur le ferroviaire en général. Nous sommes finalistes au titre de Capitale européenne de la culture. La mobilité, les liens entre l’urbain et le rural, occupent une place centrale dans notre dossier, porté à l’échelle du Massif central. Je n’imagine pas une seule seconde que cette question ne soit pas traitée avec le plus grand sérieux. Nous allons continuer à nous mobiliser avec nos partenaires pour faire entendre la voix des habitants sur le sujet.
Propos recueillis par Nathalie Arensonas