Après des mois et des mois de controverses sur la transformation de la gare du Nord, la SNCF et la ville de Paris ont enterré la hache de guerre : il faut bien sûr transformer la plus grande gare d’Europe qui voit transiter plus de 700 000 voyageurs par jour (hors période Covid) et s’attend à en accueillir 200 000 de plus à l’horizon 2030, mais pas n’importe comment, a affirmé Anne Hidalgo, en présentant le 23 novembre l’accord auquel sont parvenus l’Hôtel de Ville et la SNCF.
Les principaux points qui cristallisaient les contestations ont été amendés. Ainsi, le projet d’agrandissement et de rehaussement de la gare (avec une surface commerciale passant de 5000 à 18 000 m2) été « dédensifié« , souligne la maire de Paris. Il a été décidé de réduire d’environ 7.500m2 les surfaces de commerces et de services, en supprimant un étage et demi au nouveau bâtiment, soit 12 mètres de hauteur en moins.
Des bureaux et une salle de spectacle en moins
Mais ce sont essentiellement des bureaux et une salle de spectacle qui sont abandonnés alors que les opposants s’indignaient de la transformation de la gare du Nord en centre commercial (en savoir plus : ici )Pour la SNCF, il n’était pas question de renoncer à un modèle économique, qui permet de faire payer aux commerces (via les loyers perçus) la rénovation de ses gares. SNCF Gares & Connexion a renoncé aux espaces de bureaux prévus dans l’immeuble situé 112 rue de Maubeuge d’une surface 7.100m2 « La Police Régionale des transports et/ou le Centre de commande unifié des RER B et D pourraient s’y installer« , explique Marlène Dolveck, sa directrice générale.
Ces réaménagements ont permis de récupérer 1700 m2 pour le parc qui sera implanté dans le toit de la gare. Ce parc paysager, qui était déjà prévu et sera accessible à tous, s’étendra donc sur 1,17 ha au lieu d’un hectare initialement.
Dans la gare elle-même, les voyageurs du quotidien ne seront pas obligés de passer devant les espaces commerciaux pour rejoindre leurs trains, comme le prévoyait initialement le projet. C’était aussi l’une des critiques des opposants. « Il n’y aura pas d’allongement des temps de parcours pour les voyageurs« , garantit Marlène Dolveck. SNCF Gares & Connexions renonce donc à la séparation des flux départs et arrivées pour les RER, Transilien et TER qui bénéficieront d’accès directs aux voies. Mais pas pour les grandes lignes : ces voyageurs devront emprunter des passerelles. « De nouvelles circulations verticales seront créées pour faciliter les flux, en particulier pour les voyageurs quotidiens, de la mezzanine banlieue vers le plateau des voies Transilien« , précisent la SNCF et la Ville.
3000 places de stationnement pour les vélos
Le parvis de la gare va devenir un espace réservé aux piétons et aux vélos. Gares & Connexions va y construire 3.000 places de stationnement vélos sécurisées (1200 étaient prévus). La Ville va en installer 3000 de plus aux abords de la gare, indique Gares & Connexions. Les taxis et VTC seront de leur côté accueillis à l’avenir dans le parking souterrain concédé à Effia, où des espaces seront aménagés. 200 places pour les deux roues motorisés seront aussi réalisés. 10 millions vont être engagées sur le parking Effia.
Enfin, SNCF Gares & Connexions s’engage à examiner d’ici à juin 2021 la réalisation, en collaboration avec la Ville de Paris, d’une passerelle entre le boulevard de la Chapelle et le nouveau bâtiment attenant à la gare. Une étude de faisabilité devrait très vite être lancée. Envisagée de longue date mais compliquée techniquement à édifier, cette passerelle permettra d’ouvrir la gare vers le 18e arrondissement, soulignent les élus parisiens.
« On avait besoin de faire ces travaux. Tout le monde en était convaincu. Notamment pour les JO« , commente de son côté Jean-Pierre Farandou, le PDG du groupe SNCF, dont le mandat a commencé alors que les tensions autour du projet étaient déjà très fortes.
Un impact important sur les délais et les coûts
Avec ces réaménagements et le temps perdu en discussions, le coût du projet, initialement estimé à 600 millions d’euros va inévitablement s’alourdir. Selon les Echos, il tournerait désormais autour de 900 millions d’euros. Un chiffre non confirmé par SNCF Gares & Connexions, qui préfère attendre l’étude sur la passerelle et les résultats des appels d’offres pour réévaluer la facture.
En attendant, pour financer les aménagements qui concernent la gare elle-même (réduction des espaces commerciaux et de services et extension du parc sur le toit), un avenant va être ajouté au contrat conclu avec Ceetrus, qui supportera les surcoûts. En contrepartie, la concession de la filiale immobilière du groupe Auchan « sera allongée légèrement« . « On a trouvé un avenant qui permet à chacun de s’y retrouver dans la durée. C’est une concession longue, on fait le pari ensemble » avec la SA Gare du Nord 2024 (la société d’économie mixte qui porte le projet et composée à 34 % par SNCF Gares & Connexions et 66 % par Ceetrus), indique Marlène Dolveck.
Pour la réalisation de la passerelle, SNCF Gares & Connexions s’est d’ores et déjà engagé à mobiliser 20 millions d’euros. Si l’étude de faisabilité affiche une facture supérieure, il faudra de nouveau discuter avec la Ville.
Tout ne sera pas complètement prêt pour les JO
Un permis de construire modificatif devrait être pris rapidement. L’objectif est de commencer les travaux en janvier 2021. Des travaux préparatoires pour la gare routière ont toutefois déjà été lancés depuis septembre.
Le chantier est désormais programmé en trois phases. D’ici à 2022, il est prévu d’améliorer les circulations verticales entre la gare de surface et la gare souterraine pour les voyageurs du quotidien. En septembre 2023, le terminal Transmanche devrait être reconfiguré pour l’accueil de la Coupe du monde de rugby. Enfin, la livraison des nouveaux espaces du terminal des départs est programmée pour juin 2024. La gare ferroviaire et ses voies de circulation seront donc prêts au moment des JO, affirme le gestionnaire des gares. Mais il faudra sans doute attendre 2025 pour que le chantier soit complètement achevé lorsque la partie commerciale dans les étages supérieures du nouveau bâtiment sera réalisée.
« On va démarrer les travaux. Il y aura des nuisances. A nous de faire en sorte de bien les préparer« , prévient jean-Pierre Farandou. De nouvelles concertations en perspective. Quant au dernier recours (gracieux) déposé contre le projet par la mairie de Paris, il devrait s’éteindre de lui même, comme l’explique Emmanuel Grégoire, l’adjoint à la maire chargé de l’urbanisme : « Si le permis de construire modificatif confirme cet accord, il n’y aura aucune raison d’engager un recours contentieux« .
Marie-Hélène Poingt