Carton plein sur le Grand Paris Express. Déjà choisi pour fournir les matériels roulants des futures lignes 15, 16 et 17 du Grand Paris Express, Alstom a été désigné par la Société du Grand Paris (SGP), en lien avec Ile-de-France Mobilités (IDFM), pour la fourniture des rames et des automatismes de conduite de la ligne 18. Longue de 35 km, dont 14 km en aérien, cette ligne doit relier Versailles et Orly via le plateau de Saclay.
Chiffré à 400 millions d’euros et concernant le développement et la fourniture d’un maximum de 37 rames, des automatismes de conduite de ces dernières et des postes de commande centralisée de la ligne 18 et de ses 10 gares et stations, ce contrat a été attribué à l’issue d’une procédure négociée avec mise en concurrence préalable lancée en 2019. Ce marché, dont la tranche ferme de 15 rames est évaluée à 230 millions d’euros, comprend également la prestation d’intégrateur général pour la gestion des essais ainsi que la fourniture des équipements industriels de maintenance des trains. Pour ce qui est du financement, IDFM est responsable de l’ensemble des dépenses relatives au matériel roulant voyageurs et ses équipements embarqués, alors que la SGP prend à son compte la réalisation des automatismes de conduite et des commandes centralisées.
La ligne 18 sera exploitée par des rames Metropolis d’Alstom à roulement fer, qui pourront circuler jusqu’à 100 km/h en mode automatique sans conducteur. Les automatismes de conduite Urbalis Fluence, dont le principe repose sur une communication directe de train à train, permettront à ces derniers de se succéder toutes les 85 secondes en heure de pointe.
De la même gamme que les rames destinées aux lignes 15, 16 et 17 du Grand Paris Express, le matériel roulant pour la ligne 18 sera adapté aux caractéristiques et aux besoins spécifiques de cette dernière. Longues de 47 m pour trois caisses, les rames pour la ligne 18, qui comprendront trois larges portes par face et par voiture, seront accessibles pour les personnes en situation de handicap. L’aménagement ne comprendra que 54 places assises, l’accent ayant plutôt été mis sur la largeur des passages et le confort des intercirculations, permettant de transporter jusqu’à 350 personnes, selon le communiqué commun de la SGP, IDFM et Alstom. « Une attention toute particulière est portée aux émissions sonores, aux vibrations et aux émissions atmosphériques », précise ce communiqué. « Une minimisation des émissions de particules de frein sera réalisée grâce au freinage électrique jusqu’à très basse vitesse, limitant ainsi l’utilisation de disques de frein. Par ailleurs, la récupération de l’énergie de freinage contribue à la recharge des batteries ou à l’alimentation du réseau électrique général. Enfin, le taux de recyclabilité est de plus de 96 % et celui de valorisation du train, suivant les normes européennes en vigueur, de plus de 98 % ».
Les sites Alstom de Saint-Ouen et Villeurbanne assureront le développement et le déploiement des automatismes de conduite, de transmission de données et des commandes centralisées (du type Iconis), ainsi que l’intégration générale du système de transport. Côté matériel roulant, le site de Valenciennes Petite-Forêt sera chargé de la gestion du projet, des études, du développement, de la production, de l’assemblage et de la validation des rames, les premières étant attendues en 2024 pour être alors mises à disposition du futur opérateur choisi par IDFM. En outre, le contrat « porte un engagement soutenu en matière d’insertion sociale en favorisant le retour à l’emploi de personnes qui en sont éloignées ». Ce contrat prévoit enfin la sous-traitance d’une partie de l’activité à des petites et moyennes entreprises.
Transdev a annoncé le 27 septembre avoir été retenu pour devenir l’opérateur « virtuel » des futures lignes du métro automatique du Grand Paris Express (lignes 15, 16, 17 et 18) avec Strides International Business (la branche internationale du Singapourien SMRT). Cette mission fait partie du contrat d’assistance à maîtrise d’ouvrage remporté par la société française de conseil Transamo (qui s’est associée avec ces deux entreprises), après l’appel d’offres lancé par la Société du Grand Paris (SGP) et Ile-de-France Mobilités (IDFM).
« Il s’agit de préfigurer le futur opérateur pour assurer que la future exploitation et la maintenance du métro pourront être réalisées dans de bonnes conditions. Avant le choix final des opérateurs pour chacune des lignes, la SGP et IDFM avaient besoin d’aide pour qu’une entreprise joue le rôle de futur exploitant », explique une porte-parole de Transamo. Le choix de Transdev s’explique par le fait que « cet opérateur a fait le choix de ne pas se positionner sur ces lignes de métro », ajoute-t-elle. Quant à Strides Interrnational Business, « cette entreprise va nous apporter son regard d’exploitant de métro automatique avec une expérience internationale ».
Selon Transamo, le contrat durera quatre ans, avec la possibilité d’ajouter deux années supplémentaires. Il représentera 7,5 millions d’euros selon la SGP.
C’est un contrat « majeur », souligne le groupe RATP, dont la filiale RATP Solutions Ville a remporté l’appel d’offres lancé début 2020 par la Société du Grand Paris (SGP) pour déployer et gérer le réseau de fibre optique le long des lignes du futur métro. Le contrat devrait rapporter 500 millions d’euros cumulés sur sa durée fixée à 25 ans.
« L’infrastructure de transport donne l’occasion de réaliser un réseau numérique à très haut débit », explique Valère Pelletier, le directeur général de RATP Solutions Ville, en rappelant que le métro historique parisien est déjà équipé de 170 000 km fibre optique le long de ses lignes, déployés et opérés par RATP Connect. D’où le choix en sa faveur de la SGP, qui a voulu, poursuit-il, s’appuyer sur l’expertise d’exploitant de transport et de réseau numérique de la RATP.
Ces infrastructures, qui seront réalisées au fur et à mesure de l’avancée du métro (200 km de lignes sont prévus), vont permettre « de galvaniser l’accès au Très Haut Débit des territoires desservis par le Grand Paris Express », souligne la RATP. Elles bénéficieront en effet non seulement aux voyageurs mais aussi à plus de 20 000 entreprises, administrations et centres de recherche, indique la Régie. « Les premiers clients seront raccordés à ce nouveau réseau fin 2022 », précise-t-elle.
Le contrat comprend un autre volet : la mise en place de minis data centers urbains. Dans chacune des gares ou presque en effet (le Grand Paris Express comptera 68 gares, mais seule une cinquantaine est concernée), il sera prévu des espaces de stockage informatiques au plus près des sites des clients. RATP Solutions Ville commercialisera ces minis data centers. « Ce marché est émergent mais est appelé à se développer », affirme Valère Pelletier. « Les entreprises voudront avoir les temps de latence les plus courts possible. On va aller chercher de nouveaux clients », ajoute-t-il.
Les risques industriels et commerciaux reposeront sur le concessionnaire qui pourra vendre ses services notamment aux opérateurs mobiles qui voudront s’y brancher, et qui en déployant la 4G puis la 5G, auront besoin d’hébergement pour gérer les flux de données.
RATP Solution Ville qui va y consacrer un investissement chiffré en dizaines de millions, versera une redevance à la SGP. La toute filiale nouvelle filiale de la RATP créée en début d’année, qui doit réaliser 110 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel (dont 30 millions avec les télécoms), affirme s’attendre à gagner de l’ordre de 20 millions d’euros par an avec ce contrat. Une trentaine d’emplois directs devraient être créés.
Les retards sont enfin officialisés : comme on s’y attendait, le conseil de surveillance de la Société du Grand Paris (SGP), qui s’est tenu le 13 juillet, a acté les retards pris par les chantiers de réalisation du métro du Grand Paris et a présenté son nouveau calendrier.
« Les premiers tronçons des lignes 16 et 17 connaissent les recalages les plus significatifs« , annonce la SGP. En cause : les effets de la crise sanitaire et les difficultés rencontrées sur les chantiers sur l’ensemble des sections en travaux du Grand Paris Express. Mais aussi, énonce le conseil de surveillance, « la non mise en œuvre de mesures d’accélération qui auraient été nécessaires au printemps 2020, le sujet étant d’abord de retrouver le rythme de croisière, avec des conséquences pouvant aller jusqu’à plusieurs mois » ou encore pour certains chantiers, des « cadences de tunneliers, initialement mal appréciées ».
Après avoir pris en compte l’ensemble de ces aléas, les promoteurs du projet estiment désormais que le premier et le deuxième tronçon de la ligne 16 (Saint-Denis Pleyel –Clichy-Montfermeil) et le premier tronçon de la ligne 17 (Le Bourget RER –Le Bourget Aéroport) pourraient être mis en service à l’automne 2026. Au lieu de 2024 comme initialement envisagé. Le tronçon sud de la ligne 15 (Pont de Sèvres –Noisy Champs) est repoussé à la fin 2025.
Quelques tronçons, que la feuille de route de 2018 avait planifiés à l’horizon 2030, pourront toutefois être mis en service de façon anticipée, en 2028, soit deux avant le calendrier établi par la précédente feuille de route datant de 2018. « Il s’agit notamment du dernier tronçon de la ligne 16 qui raccordera la première partie de la ligne 16 à Clichy–Montfermeil à la ligne 15 à Noisy–Champs« , note la SGP. De même, le deuxième tronçon de la ligne 17 allant jusqu’au Parc des Expositions pourra être mis en service à l’horizon 2028. Enfin, le tronçon central de la ligne 18, entre Massy-Palaiseau et Saclay, sera mis en service à l’horizon 2026, un an plus tôt que prévu.
Les autres plannings de mises en services restent inchangés. « S’agissant en particulier des lignes 15 Est et 15 Ouest, dont la réalisation est prévue sous un mode contractuel différent (conception–réalisation), et qui se trouvent actuellement en phase de dialogue compétitif, l’horizon de mise en service à 2030 fixé dans la précédente feuille de route ne connait pas à ce stade d’évolution significative« , affirme l’établissement publique qui pilote le projet. Et la mise en service de l’ensemble de la ligne 14 est toujours fixée à la mi-2024, à temps pour les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris.
Prudemment, la SGP, qui maintient à 2030 la mise en service global du réseau, indique toutefois que « ces simulations correspondent à un scénario du type fil de l’eau, n’intégrant pas d’éventuelles optimisations, ni la survenance d’aléas supplémentaires significatifs, comme une nouvelle crise sanitaire, qui viendraient perturber l’avancement« .
Réagissant à ces décalages « significatifs », le président du conseil de surveillance, Olivier Klein, a demandé une « information continue et transparente sur l’ensemble des sujets de plannings, coûts et risques« . Et estimé « indispensable, avec l’ensemble du conseil, que toutes les possibilités d’optimisation de ces plannings soient recherchées afin d’anticiper ces dates de mise en service au plus tôt« .
La Société du Grand Paris a attribué, le 22 février, le troisième et dernier marché de génie civil de la ligne 16 pour la réalisation du tronçon entre la gare Clichy-Montfermeil et l’arrière-gare de Noisy-Champs, c’est-à-dire l’extrémité sud-est de cette ligne, aux confins de la Seine-Saint-Denis et de la Seine-et-Marne. Le groupement d’entreprises titulaire est constitué de Razel-Bec (mandataire), Sefi-Intrafor et Fayat Metal.
Chiffré à 325 millions d’euros HT, ce marché comprend la réalisation du tunnel de 5,5 km entre l’ouvrage de service Bel-Air (à Chelles) et l’arrière gare de Noisy-Champs, ainsi que la construction de la gare de Chelles et de six ouvrages de service. Les travaux doivent démarrer en septembre 2021 pour une durée de sept ans. Soit un bouclage de la ligne en 2028 « au lieu de 2030 initialement », a souligné Thierry Dallard, alors président du directoire de la SGP.
Ce dernier tronçon la ligne 16 sera en correspondance avec la nouvelle branche du T4 à Clichy-Montfermeil, le RER E à Chelles et le RER A à Noisy-Champs, où la ligne 15 du Grand Paris Express devrait quant à elle être arrivée en 2024.
C’est à Noisy-Champs dans le tunnel en arrière gare de la ligne 15 que sont posés les premiers rails du Grand Paris Express. Sur quelques 450 m, quatre voies sont en place, deux réservées à l’exploitation et deux autres pour le remisage. Dans cet ouvrage technique, les travaux de pose de voies et caténaires commencés au mois de janvier sont en cours d’achèvement.
Le chantier de second œuvre est réalisé par Coral, un consortium regroupant Colas Rail et Alstom. Le lot porte sur 17 km de voies, caténaires rigides en 1 500 volts et équipements divers (câbles, colonne sèche etc.) auxquels s’ajoutent 5 km de jonction vers le SMR (site de maintenance et de remisage) des trains de Champigny.
L’ensemble des travaux devrait être achevé en mars 2021. Pour l’heure, les équipes s’affairent au bétonnage des traverses, directement coulées dans un moule d’une matière antivibratile, avant qu’un radier de béton ne vienne servir d’assise à la voie. Pour cette opération délicate, les rails sont protégés dans des enveloppes de plastique, évitant les projections. Les deux voies d’exploitation sont dotées d’un complexe appareil de voies en double communication croisée qui permettra le retournement des rames. Les ouvriers réalisent les dernières soudures, électriques pour la voie classique et par aluminothermie pour le double aiguillage. Ces voies seront reliées à terme à l’avant gare de la ligne 16 vers Carrefour-Pleyel située au niveau inférieur de l’ouvrage. Des voies dites « ascenseur » au profil de 3 % permettront aux trains de passer d’une ligne à l’autre, seulement pour des échanges techniques. Vingt-trois marchés d’équipement pour un montant de 1,7 Md€ seront nécessaires pour le Grand Paris Express, 10 étant déjà attribués pour les lignes 15 Sud et 16 pour un montant de 738 M€.
Une étape symboliquement importante. C’est avec ces mots que Thierry Dallard, le président du directoire de la Société du Grand Paris, a présenté les futures rames qui rouleront sur les lignes 15, 16 et 17 du Grand Paris, dont une maquette grandeur nature est exposée à la Fabrique du Métro à Saint-Ouen (en Seine-Saint-Denis) à partir du 3 octobre*. « C’est le fruit de plusieurs années de travail », a résumé Henri Poupart-Lafarge, le PDG d’Alstom qui s’est vu attribuer il y a deux ans un contrat portant sur la conception et la fourniture de quelque 1 000 voitures avec des rames de six voitures pour la ligne 15 et de trois voitures pour les lignes 16 et 17.
Conçu à partir de la gamme Métropolis d’Alstom, ce nouveau métro automatique pourra circuler à une vitesse beaucoup plus élevée que le métro parisien : entre 55 et 65 km/h suivant les lignes, avec des pointes pouvant atteindre 110 km/h du fait des inter-stations importantes (le métro parisien circule entre 21 et 27 km, sauf sur la ligne 14 où il atteint près de 40 km/h).
Les rames, d’un grand gabarit (avec des voitures de 2,8 m de large, proche de celui d’un RER), sont ouvertes sur toute la longueur du train, facilitant la circulation d’une voiture à l’autre. Chaque voiture est équipée de trois larges portes et donne une impression d’espace avec peu de places assises. 500 à 1 000 passagers pourront être transportées selon les versions. Avec un code couleur : à côté des sièges bleus, les plus nombreux, les places rouges sont réservées aux voyageurs prioritaires. « Les dossiers des sièges remontent haut pour assurer plus de confort et les formes d’accoudoirs sont arrondis. Tout ce qui concerne la préhension part de très haut et va très bas (nous avons pensé aux enfants). Tout a été pensé dans les moindres détails », souligne Xavier Allard, le directeur du design chez Alstom.
« Nous voulions un espace le plus large possible et l’ambiance la plus lumineuse pour donner une impression de sécurité et de propreté », explique Régine Charvet Pello du cabinet RCP, qui a participé à l’écriture du cahier des charges pour le design. Les extrémités des trains sont totalement ouvertes grâce à des pare-brises panoramiques. Une prouesse technique, selon Xavier Allard. « Il y a eu tout un travail de reprise de caisse pour aboutir à cet espace avant totalement ouvert », raconte le patron du design chez Alstom. « Les sièges sont suspendus pour laisser le sol entièrement accessible », ajoute-t-il. Toujours dans cet objectif de donner une impression d’espace, ce qui facilitera du même coup le nettoyage.
Ce métro sera également sous surveillance avec six caméras installées dans chaque voiture et des interphones pour contacter les agents au cas où… Sur toute la longueur du train, des écrans informeront les voyageurs sur le plan de la ligne, les horaires d’arrivée… Les taux de remplissage seront même communiqués pour permettre aux voyageurs de bien se placer sur les quais.
« Ce sera une vitrine pour Alstom », se réjouit Henri Poupart-Lafarge qui annonce les premiers essais l’année prochaine et les premières livraisons à partir de 2023-2024.Rien qu’avec ce contrat, le constructeur français estime avoir devant lui une dizaine d’années de travail.
M.-H. P.
* Portes ouvertes chaque premier samedi du mois, ainsi que visites sur réservation
Les tunneliers sont à l’œuvre et le métro avance. Mais comment vont s’organiser les mobilités dans les villes concernées ? L’un des partisans du nouveau métro, Pascal Auzannet, s’est fait aussi l’historien du projet. Dans une réédition largement complétée de son livre, Les secrets du Grand Paris, il imagine un acte II du Grand Paris Express. Dans lequel un algorithme d’intérêt général, intégrant les nouveaux moyens de mobilité, permettrait de proposer des systèmes complets de transport. Un système relevant du MaaS mais ne dépendant pas des Gafa.
Les Secrets du Grand Paris, éditions Hermann.
On croyait l’année faite de quatre saisons. Pascal Auzannet a publié en 2018 une histoire du Grand Paris Express qui n’en comptait que trois. On attendait donc la suite. La voici dans une nouvelle édition de son livre (Les Secrets du Grand Paris, éditions Hermann). Mais, plutôt que de s’en tenir à une quatrième et dernière saison, Auzannet en a ajouté deux. Surnuméraire, la cinquième n’a rien de superflu.
Une fois fait un sort à la suite de l’histoire du métro, de 2013 à aujourd’hui, ce qui est tout de même le cœur du propos, l’auteur, qui était jusqu’en mai dernier PDG de RATP Smart Systems (il vient d’être remercié), a additionné deux de ses compétences, la connaissance très fine et très ancienne du Grand Paris, et celle plus fraîche des nouvelles technologies, pour avancer une nouvelle proposition : ajouter au plus vite un volet concernant l’espace urbain tout autour du futur métro.
Avec un outil. « Je propose, nous dit Pascal Auzannet, une plate-forme numérique de type MaaS. » Mais, on s’en doute de la part d’un ancien membre du cabinet de Jean-Claude Gayssot, un MaaS différent de celui que proposent les Gafa. Ou de celui que projette Dara Khosrowshahi, le PDG d’Uber, qui a l’ambition de « devenir l’Amazon du transport ». L’idée, au contraire, c’est « un MaaS fondé sur un algorithme d’intérêt général. »
Un MaaS qui pourrait d’ailleurs être mis en œuvre un peu partout. En France s’éloigne-t-on pour autant du Grand Paris ? Pas vraiment. Avec une quinzaine de tunneliers à l’œuvre, le métro a cessé d’être un grand projet pour s’imposer comme réalisation majeure. Elle va poser de nouvelles questions très vite. Avec 200 km de nouveau métros on double le réseau parisien. Bien, mais qu’en est-il de l’utilisation du réseau ferroviaire qui complète le dispositif ? Comment faire pour irriguer les villes desservies par les 68 stations projetées ?
Pascal Auzannet, consultant en stratégie, management et mobilités.
Auzannet souligne : « On a besoin d’autres mobilités, indépendantes et complémentaires du Grand Paris ». Les deux tiers des déplacements dans la région font moins de trois km : autant dire qu’aux alentours des gares ils vont être impactés par le nouveau métro et qu’il est temps de concevoir de vrais systèmes complets de transport. Mieux encore, de « bien traiter l’espace ».
Certes, la question n’est pas nouvelle. Mais, tandis que, puits après puits on assemblait les tunneliers et qu’ils se mettaient à forer, une petite révolution se produisait en surface qui change la façon de la poser. De nouveaux véhicules sont arrivés et, avec eux, de nouveaux usages : vélos en libre-service, vélos en free floating, trottinettes, scooters, covoiturage, VTC, gyroroues, etc. Véhicules dont Auzannet souligne l’importance, conforté par une étude de l’Apur, l’Agence parisienne d’urbanisme, publiée en mai 2020, Les mobilités émergentes, trottinettes, scooters et vélos en partage(voir ci-dessous). Un jour, peut-être, pourra-t-on se passer largement des services du véhicule personnel. Consommer moins d’espace. Sur ce plan, la voiture électrique, si elle reste personnelle, ne sera pas d’un grand secours. Voici donc l’automobile, avec un taux d’occupation en milieu urbain de 1,1 personne, une utilisation en moyenne seulement 5 % du temps, squeezée d’un côté par le métro, de l’autre par le vélo ou les modes émergents.
Le métro ? « Il faudrait une infrastructure routière de plus de 100 à 150 m de large pour remplacer la ligne 14 si elle n’existait pas », rappelle Auzannet. Et, à l’autre bout, on fait passer quatre à cinq fois plus de monde à vélo au mètre linéaire qu’en auto, avec une vitesse de 15 km/h pour le vélo, identique ou légèrement supérieure selon les estimations à celle de la voiture. Mieux pour la capacité qu’un bus (une à deux fois celle de la voiture), s’approchant du tramway (huit fois plus), qui lui-même fait jeu égal avec la marche.
Mais, pour faire jouer à fond cet avantage du vélo et d’autres modes légers, encore faut-il instaurer une révolution tarifaire supposant que les moyens émergents cessent de fonctionner en silo, opérateur par opérateur. Et que l’ouverture des données permette une stratégie d’ensemble des déplacements.
C’est là qu’interviendrait un algorithme de mobilité urbaine, favorisant les modes émergents. Vertueux financièrement, puisqu’il inciterait, en jouant sur une tarification des transports publics modulée selon les horaires, à reporter le plus possible les déplacements sur les modes et les moments les moins coûteux pour la collectivité. Un dossier déposé à l’INPI, dit Almours (algorithme de mobilités urbaines), précise les attendus du projet. Pour Auzannet, en région parisienne, c’est au niveau de la métropole que le système pourrait être mis au point. Les maires ont le pouvoir sur l’espace public, c’est donc sur eux qu’il faut s’appuyer pour mettre au point le système de mobilité de surface. Il y a un autre point sur lequel il est grand temps d’intervenir : le déséquilibre Est-Ouest. « Les activités économiques sont toujours plus à l’ouestet il y a un risque, c’est que l’objectif de lutte contre la fracture territoriale ne soit pas au rendez-vous. Que des territoires soient plus accessibles, mais qu’on ne progresse pas sur la mixité sociale », souligne Auzannet. C’était pourtant l’un des objectifs du nouveau réseau. Dernier travail qui conforte ces inquiétudes, en montrant la tendance à l’œuvre depuis des années : l’étude de l’IAU – IDF datant de mai 2019, Gentrification et paupérisation au cœur de l’Ile-de-France. Evolutions 2001 – 2015.
Elle souligne l’accentuation des inégalités sur les quinze années récentes étudiées, malgré un amortissement entre 2012 et 2015. Souligne aussi l’envolée des prix immobiliers, faisant du logement un marqueur social de plus en plus fort.
Ou, encore, montre un appauvrissement des ménages dans les communes les plus modestes de banlieue, au nord de Paris jusqu’à l’est du Val d’Oise, et, au sud, en amont de la Seine ; avec, au contraire, une nette amélioration des situations à Paris, dans quelques communes limitrophes, situées plutôt du côté des Hauts-de-Seine, autour des boucles de la Marne dans le Val-de-Marne, et dans le périurbain…
Est-il encore temps de remédier au déséquilibre du territoire ? Encore faut-il s’en donner les moyens, et cela va au-delà d’un MaaS. « Pour les villes nouvelles, Delouvrier a « zadé » à tour de bras quatre fois la superficie de Paris. Le pourtour des 68 gares c’est 1,4 fois Paris. Cela vaudrait la peine de se poser la question de créer une OIN (Opération d’intérêt national) multisites, en accord avec les mairies », suggère Auzannet. Et, comme l’Etat a été à l’initiative, ne pourrait-il pas de nouveau intervenir, par un Haut-commissaire au Grand Paris que demande aussi l’un des grands artisans du Grand Paris, l’ancien ministre Maurice Leroy. Il y va de l’intérêt supérieur du pays. Quant à la présidente de région, elle ne serait pas oubliée, même si ce n’est pas toute l’Ile-de-France qui est concernée directement par le métro du Grand Paris. Auzannet était naguère favorable à une fusion de la Société du Grand Paris et d’Ile-de-France Mobilités, au nom de « l’effet cantine » : on déjeune ensemble, on fait cause commune. Aujourd’hui, alors que les travaux battent leur plein, le moment n’est plus très bien venu de déstabiliser la SGP. En revanche, à défaut d’une fusion, Auzannet pense que l’on pourrait profiter de la prochaine fin de mandat de Patrick Braouezec, actuel président du conseil de surveillance de la SGP, pour que le poste soit confié à la présidente de région.
L’histoire ne dit pas ce qu’en dit Valérie Pécresse, mais l’on ne peut que s’amuser de voir Auzannet, comme il en a l’habitude, et comme on le fait trop peu, mettre les pieds dans le plat et affirmer ses convictions. On ne peut pas faire le Grand Paris sur la base des lois du marché. Comme l’a montré booking.com pour le tourisme et la réservation en ligne, il y a un risque de désintermédiation, et que les transporteurs soient réduits à la portion congrue. Il faut de la régulation publique. Il faut une approche politique du Maas. Au service d’une politique de déplacement. Tel s’annonce ce qu’Auzannet baptise l’acte II du Grand Paris. Comme on a plutôt l’habitude de voir une pièce en comporter trois ou cinq actes plutôt que deux, on suppose qu’une fois encore l’auteur ne manquera pas de proposer une suite.
F. D.
« Les offres de mobilité en libre-service suppriment assez peu de voitures »
Drôle de catégorie, les modes dits émergents. A la fois le vieux vélo qui n’en finit pas de revenir en force, des trottinettes électriques ou des scooters. Une carpe et des lapins. Pas sûr qu’ils aient grand-chose à voir ensemble, si ce n’est qu’ils apparaissent comme moyens complémentaires des modes de transport lourds. Et que s’impose, avec eux, même si la possession existe toujours, l’usage de services partagés. Comme le souligne l’Apur, ces services, popularisés au début, à Paris du moins, par Vélib’ mais aussi par feu Autolib’, « ont connu un bouleversement profond avec l’arrivée des opérateurs privés de micromobilité en free-floating ». En définitive, « si les objets en question ne sont pas si nouveaux, à l’exception de quelques engins précis (gyroroue, hoverboard…), le procédé en revanche l’est : s’approprier un engin à un moment pour un besoin donné sans en être propriétaire et le repositionner sur l’espace public pour le mettre à disposition d’un nouvel usager ».
Tout un discours est depuis lors apparu, sur les vertus du partage et de la micromobilité. Surtout, les pratiques se sont développées. Et on voit bien quels espoirs on peut fonder sur ces nouveaux services. Pour mieux les connaître, l’Atelier parisien d’urbanisme a donc mené une enquête auprès de 11 000 usagers, en lien avec 10 opérateurs, la Ville de Paris et Ile-de-France Mobilités. L’enquête a eu lieu en décembre 2019 et janvier 2020, alors que les grèves attiraient de nouveaux utilisateurs. Elle a été publiée en mai, alors que la Covid 19 amenait à s’intéresser de plus près encore à ces services évitant la promiscuité des transports publics.
Si l’on peut espérer, comme Auzannet le fait pour le Grand Paris, fonder une politique de mobilité sur ces nouvelles pratiques, il y a encore du chemin à, parcourir. Pour l’instant, constate l’Apur, ces pratiques sont « surreprésentées chez les résidents de l‘hypercentre et dans le quartier central des affaires ». Si « leur vitesse moyenne rend ces engins très concurrentiels des modes motorisés à Paris pour des déplacements de courte et moyenne distance », l’usage en « est tempéré par des coûts jugés élevés et par une crainte des accidents ». Mais, le vrai hic, c’est que « le recours à ces engins intervient au détriment des transports en commun et de la marche et dans une moindre mesure du vélo et des modes motorisés ».
L’enquête de l’Apur s’appuie aussi sur des travaux précédents, dont ceux de 6t-bureau de recherche (voir son analyse de la régulation et du free-floating), publiée en juin 2019, qui porte sur un échantillon de 4 000 utilisateurs de trottinettes électriques en free-floating à Paris, Lyon et Marseille. Ou sur une étude de l’Université de Caroline du Nord. Or, conclut l’Apur, « à ce stade, toutes les études montrent que les offres de mobilité en libre-service suppriment assez peu de voitures »…
Particulièrement montrée du doigt, la trottinette, qui émet 105 grammes de CO2 au km, compte tenu de la fabrication du véhicule, de sa durée de vie, et du transport nécessité par la gestion de la flotte. Selon une étude d’Arcadis reprise par l’Apur, ces 105 grammes d’émissions représentent « une valeur quasiment équivalente aux émissions produites par une voiture transportant trois personnes (111 g CO2 eq/km), et bien supérieure aux émanations des bus RATP hybrides et électriques rapportées à l’usager ». En préconisant des mesures drastiques sur la fabrication et l’usage de ce véhicule, Arcadis pense que faire descendre cette valeur des deux tiers. Reste, comme dit l’Apur, que « si ce bilan carbone est aujourd’hui très contestable et réinterroge l’affiliation de ce type d’engins aux modes doux et décarbonés, c’est aussi parce que le report modal vers les trottinettes ne se fait pas au détriment de la voiture, mais des TC et de la marche ». F. D.
Apur, Les mobilités émergentes, trottinettes, scooters et vélos en partage
Le jour où l’auteur a failli devenir président de la SGP
Il a toujours bien aimé le raconter, cette fois il le publie. Pascal Auzannet, homme de gauche (ancien du cabinet de Jean-Claude Gayssot ministre de l’Equipement et des Transports, conseiller transport du candidat François Hollande) a bien failli devenir président de la SGP, quand un terme a été mis au mandat d’Etienne Guyot. François Hollande était président de la République, Jean-Marc Ayrault Premier ministre, Claude Bartolone président de l’Assemblée nationale. Politiquement, Auzannet était à l’aise. On ne va pas raconter tout l’épisode, narré dans le livre en détail. Disons simplement que, selon la version que donne notre auteur, Jean-Marc Ayrault le reçoit le 29 mars 2013 dans la perspective du remplacement d’Etienne Guyot… mais bloque sa nomination. Auzannet apparaît comme un homme de Bartolone, alors très intéressé par la métropole du Grand Paris, mais aussi rival d’Ayrault et premier ministrable. « Rédhibitoire » dit-on à l’intéressé à l’issue de l’entretien. Le nom de Philippe Yvin se serait alors imposé. Conseiller au cabinet du Premier ministre, il était aussi un ancien directeur de cabinet de Claude Bartolone. Façon de bloquer une nomination en ne froissant pas trop celui qui la soutenait.
Entre trois à huit mois. C’est le retard sur le planning des travaux en cours, estimé par la Société du Grand Paris qui a présenté le 7 juillet une première évaluation de « l’impact immédiat » de la crise sanitaire sur les chantiers du Grand Paris Express.
« Les études sont encore en cours pour évaluer l’ensemble des conséquences car plusieurs composantes entrent en ligne de compte : l’arrêt des travaux durant le confinement, la diminution de la production sur les chantiers liée à la mise en œuvre des mesures sanitaires, la coordination à retrouver entre les chantiers du Grand Paris Express et ceux des partenaires avec le recalage des plannings que cela nécessite », précise la SGP dans un communiqué. Ainsi, le retard estimé est de trois à quatre mois, pour les tronçons est et ouest de la ligne 15 qui sont encore en phase d’études. Pour les lignes 16 et 17, il est désormais clairement admis que l’objectif d’une mise en service d’une première phase à l’occasion des JO de 2024 ne pourra plus être tenu.
En revanche, ce pourrait être possible pour le prolongement de la ligne 14. « Des marges de planning existent qui pourraient être consolidées avec la possibilité d’une accélération des travaux sous le régime du 24h/24 », précise la SGP.
La RATP mise sur les alliances pour entrer dans la compétition qui s’annonce avec l’ouverture à la concurrence des TER et des métros. Après avoir décidé à la fin de l’année dernière de créer une joint-venture avec Getlink pour répondre aux futurs appels d’offres dans les TER, principalement ceux de Grand Est et des Hauts-de-France, la RATP poursuit cette stratégie pour les appels d’offres du Grand Paris Express.
Elle a annoncé le 18 juin avoir noué un partenariat avec Alstom et ComfortDelgro Transit pour créer une joint-venture avec une participation majoritaire de RATP Dev et répondre aux appels d’offres des lignes de métro automatique 16 et 17. Avec ce partenariat, la Régie qui sera aussi le gestionnaire des infrastructures ferrées, se présente avec des partenaires de poids. ComfortDelgro fait partie d’un groupe singapourien de transport public internationalement reconnu et Alstom a gagné le marché du matériel roulant pour les lignes 15, 16 et 17. De plus, le constructeur français a plusieurs fois indiqué qu’il souhaiterait élargir ses champs de compétences, notamment à l’occasion de l’ouverture à la concurrence des marchés ferroviaires.
Le groupement devrait trouver sur sa route Keolis, qui n’a jamais caché son intérêt pour le Grand Paris Express, mais pas Transdev qui nous a expliqué ne pas concourir pour les lignes 16 et 17, la période actuelle compliquée le conduisant à se concentrer sur d’autres priorités.
Rappelons que la ligne 17, longue de 27 km, desservira le nord de la métropole parisienne, allant de Saint-Denis Pleyel au Mesnil-Amelot, en 25 minutes et devrait accueillir 130 000 à 160 000 voyages par jour.
La 16 ira de Saint-Denis Pleyel à Clichy-Montfermeil en 29 km (et en 27 minutes), et doit permettre la desserte de plusieurs sites des Jeux Olympiques et Paralympiques en 2024. Les estimations tablent sur 200 000 voyages par jour. Reste que l’objectif fixé d’une ouverture des premiers tronçons du futur métro de rocade de la région parisienne pour les JO d’été de Paris 2024 paraît de plus en plus difficile à tenir.
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