La Seine n’est pas en long fleuve tranquille. Début octobre, Dany Carvalho, PDG de la coopérative RiverCat qui veut exploiter des navettes fluviales dans Paris en a fait les frais. Lauréat de l’appel à projets de GRDF sur le rétrofit d’une péniche au BioGNV, il s’était déplacé à Rouen pour se voir remettre un prix, à l’occasion des Assises nationales du fleuve. Il n’a jamais pu entrer dans la salle, encore moins monter sur scène pour recevoir son trophée. Les organisateurs de l’événement, Entreprises fluviales de France (E2F) avaient-ils peur que Dany Carvalho évoque publiquement le différend qui oppose depuis deux ans sa start up à Haropa-Ports de Paris sur un projet de ligne régulière de navettes fluviales ? Qu’il joue les trouble-fête ? L’entrepreneur, qui a porté l’affaire devant le tribunal administratif de Paris, en est persuadé. « Je démens formellement cette accusation« , répond Didier Léandri, PDG de E2F. GRDF se refuse à tout commentaire.
Sur quoi porte le litige entre RiverCat et l’antenne parisienne d’Haropa, l’établissement public qui gère les ports de la Seine ? La jeune pousse lui demande l’accès à six pontons pour un service de transport régulier, « MonBeaubateau », entre Alfortville (Val-de-Marne) et Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine), via la Bibliothèque François Mitterrand à Paris, le Musée du Louvre, Invalides et Beaugrenelle. Des escales parisiennes qui valent de l’or, l’une d’elles, Invalides, est utilisée par la Compagnie des Batobus qui bénéficie d’une concession d’une vingtaine d’années avec Haropa-Ports de Paris. Une contrainte qu’invoque d’ailleurs Antoine Berbain, son dirigeant, pour expliquer les lenteurs du processus de décision : « Des sites d’escale ne sont pas disponibles, déjà utilisés par des compagnies fluviales, d’autres, comme celui d’Alfortville, sont inondables », assure-t-il. « C’est du favoritisme, Batobus bénéficie d’une situation de monopole sur des escales publiques« , dénonce Dany Carvalho.
Suite à un courrier d’une trentaine d’élus franciliens qui soutiennent le projet (1), envoyé au ministre des Transports Clément Beaune, une réunion de concertation s’est tenue le 19 septembre dernier entre les deux parties. En vue d’un démarrage du service fluvial au printemps 2024, quelques semaines avant les Jeux olympiques. RiverCat se dit prêt à renoncer à son recours devant les juges administratifs si le gestionnaire du port et de ses installations publie les escales demandées sur son site internet. Cette mise en publicité est nécessaire dans le processus concurrentiel avant d’obtenir une convention d’occupation des sols.
Une nouvelle rencontre a eu lieu le 5 octobre avec le gestionnaire des ports, il en ressort que la start up ne pourra pas mettre ses navettes fluviales à l’eau avant le printemps 2025. Pas à temps pour les JO. « C’est assez contraignant, nous risquons de perdre nos partenaires financiers et nos bateaux prévus en location« , commentait Dany Carvalho à l’issue de ce rendez-vous.
Nathalie Arensonas