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Ewa

Les rêves déçus du TGV à l’export

Au milieu des années 1980, c’était évident : avec le succès du TGV entre Paris et Lyon, mais aussi vers toutes les autres destinations proposées dans le sud-est de la France, voire en Suisse, le TGV allait s’imposer dans le monde entier et prendre des parts de marché aux vols court à moyen-courrier, voire remplacer l’avion sur les relations dont les temps de parcours ne dépasseraient pas deux ou trois heures.

Cette catégorie de relations, qui correspondent à des distances de l’ordre de 400 à 500 km, ne manque pas à travers le monde ; de longue date, ce sont même celles qui se classent aux premiers rangs des liaisons aériennes les plus fréquentées du monde. Et ce, non seulement en Europe (Paris – Lyon, Bordeaux ou Strasbourg, Madrid – Barcelone ou Séville, Londres – Birmingham, Liverpool ou Manchester, voire Glasgow ou Edimbourg, Rome – Naples, Milan ou Turin, Hambourg – Cologne ou Berlin, Francfort – Munich, Moscou – Léningrad…), mais aussi sur les autres continents : New York – Washington ou Boston, San Francisco – Los Angeles ou Seattle, Dallas – Houston, Rio – São Paulo, Tokyo – Osaka, Séoul – Busan…

C’est ainsi que, parallèlement aux projets de LGV Atlantique et Nord, le secteur ferroviaire français a logiquement exploré les possibilités qui pouvaient s’offrir sur tous ces marchés qui, 15 ou 20 ans auparavant, auraient fait rêver les promoteurs d’aérotrains ou autres engins guidés aussi « futuristes ».

D’emblée, deux nuages sont venus obscurcir ce tableau prometteur : d’une part, le train à grande vitesse « à la française », même s’il se veut compatible avec les réseaux ferrés existants de même écartement (électrifiés de préférence, mais on peut « faire avec » une locomotive diesel pour les prolongements), ne présente vraiment d’intérêt que si les trajets comprennent une part importante de lignes nouvelles à grande vitesse, d’où un investissement conséquent en infrastructures et la tentation pour les réseaux qui souhaitent accélérer leurs trains de recourir à des solutions moins coûteuses (aménagement des lignes classiques, pendulation).

D’autre part, d’autres pays travaillent aussi sur les trains à (très) grande vitesse de longue date, en particulier le Japon (qui le maîtrise depuis 1964), l’Allemagne fédérale (avec quelques années de retard sur la France et une ligne nouvelle en construction pour ses ICE), ainsi que l’Italie, qui piano ma sano construit par étapes sa direttissima de Rome à Florence (avec une avance initiale sur la France). Et, atout supplémentaire pour les deux premiers de ces rivaux, ils étudient également des solutions à sustentation magnétique (Maglev et Transrapid), éventuellement « vendables » aux décideurs en mal de futurisme.

En dépit de ces bémols, tout semblait aller bien il y a 30 ans. Face à la concurrence internationale, le TGV français, qui battait record sur record sur sa nouvelle ligne Atlantique, allait bientôt circuler pour la Renfe sur les premières lignes nouvelles en Espagne (1992), deux ans avant d’être choisi en Corée du Sud (1994). Et c’est le TMST, adaptation du TGV au tunnel sous la Manche et au réseau britannique, qui allait également assurer les liaisons Eurostar entre Paris ou Bruxelles et Londres (1994), voire plus au nord (les rames ont été construites, mais les relations n’ont jamais été ouvertes). Ceci alors que l’extension des dessertes TGV vers l’Italie (1995) ou le Benelux (Thalys, 1996) faisait, de facto, tomber les frontières.

Hors de l’Europe de l’ouest, nombre de marchés étaient maintenant bien identifiés et déjà circulaient les images de synthèse de dérivés du TGV pour les corridors nord-américains, en particulier le corridor nord-est des Etats-Unis : la Floride (projet FOX, avec Bombardier) et le Texas. Le corridor Québec – Windsor (au Canada) ou celui d’Australie (où le projet Speedrail Sydney – Canberra, proposé en 1993 par un consortium comprenant GEC Alsthom et la SNCF, avait été déclaré vainqueur en 1998). Le corridor de la Russie : dossier Moscou – Saint-Pétersbourg remis en 1993. Face à la concurrence, le TGV se montre adaptable : son dérivé pendulaire proposé avec Bombardier est choisi par Amtrak en 1996 pour les dessertes Acela, des motorisations diesel, ou à turbines (projet RailJet de Bombardier), sont envisagées pour se connecter aux réseaux non électrifiés d’Amérique, et, pour le projet de Taïwan, les voitures de TGV Duplex se retrouvent encadrées par deux motrices du vieux rival ICE (rame Eurotrain) !

Mis en service fin 2000 sur le corridor nord-est, l’Acela américain n’a pourtant pas fait le printemps. Avec le nouveau siècle pleuvent les désillusions. Quelques années après l’abandon du premier projet texan (1994) : le même sort est réservé aux projets Speedrail et FOX, alors que le projet taïwanais est « récupéré » par le Shinkansen japonais. Plus gênant : au TGV Duplex, la Renfe préfère en 2001 un dérivé de l’ICE 3 de Siemens, bientôt choisi par les Chemins de fer russes, turcs et chinois, alors que les Chemins de fer de Corée du Sud commencent en 2006 à commander à Hyundai Rotem de nouvelles rames obtenues par transfert de technologie du TGV. Et quand Eurostar décide en 2010 de renouveler son parc avec le Velaro de Siemens, l’affaire prend une tournure très politique.

Le nouveau record de vitesse battu en 2007 par le TGV avait éveillé quelques espoirs en Californie, au Brésil ou en Argentine (Buenos Aires – Rosario – Córdoba), vite balayés par la crise financière de 2008. Une année qui était aussi celle du démarrage du spectaculaire développement de l’immense réseau chinois à grande vitesse. Un marché sur lequel Alstom a été très prudent et s’est contenté de vendre des dérivés du Pendolino, dont le constructeur a hérité lors de la reprise des activités ferroviaires de Fiat. A Bombardier, Kawasaki ou Siemens de livrer des trains à grande vitesse qui, tôt ou tard, finiront par être copiés ou améliorés par l’industrie chinoise.

Pour autant, outre les dessertes assurées par la SNCF entre la France et les pays voisins ou en open access avec Ouigo en Espagne, les matériels dérivés du TGV finissent quand même par s’exporter, qu’il s’agisse du train à grande vitesse marocain (al Boraq de l’ONCF, qui est techniquement un TGV Euroduplex, ouvert en 2018) ou de la deuxième génération de l’Acela pour Amtrak (attendu pour l’an prochain et dont les motrices sont très proches de celles du futur TGV M). Mais la concurrence des autres trains à grande vitesse reste rude, y compris de la part de Talgo, qui s’impose en Arabie Saoudite sur la ligne Haramain (ouverte en 2018).

Et à part quelques exceptions, le train à grande vitesse n’avait pas vraiment « tué » la concurrence aérienne avant la crise du Covid et les mesures proposées en France.

Avec quelques succès à l’exportation et des espoirs qui restent permis, le TGV n’est certainement pas un « Concorde du rail » pour ce qui est de ses ventes hors SNCF et exploitants ferroviaires dont cette dernière est actionnaire. Mais en étant cruel, on pourrait garder cette analogie aérienne pour l’AGV, matériel fort réussi dérivé du TGV, mais qui n’a trouvé comme client que le « privé » italien NTV, qui en a acheté 25 rames.

Patrick Laval

Ewa

Londres : les transports célèbrent le « Poppy Day »

Pour célébrer le centenaire de la première guerre mondiale et dans le cadre du Poppy Day, jour du coquelicot ou jour de l'Armistice du 11 novembre, Transport for London (TfL) a créé une livrée spéciale pour les transports de la capitale anglaise… Le coquelicot symbole de ce jour souvenir, et les vers d'un poème de John Mc Crae, Au champ d'honneur s'afficheront sur deux rames du métro, le Tube,un train Overground ou encore dix bus londoniens.

Par ailleurs, dès le 30 octobre, 21 célébrités dont Stephen Fry, Barbara Windsor, Joanna Lumley ou encore des sportifs comme Arsène Wenger, Joey Barton, Andros Townsend et John Terry prêteront leur voix pour faire les annonces dans les stations du métro en vue de lever des fonds pour la Royal British Legion.

Ewa

Le Shinkansen fête ses 50 ans

Le 1er octobre, le train à grande vitesse japonais Shinkansen a célébré son 50e anniversaire. Pour fêter l'événement, un train série N700A est parti de la gare centrale de Tokyo, exactement un demi-siècle après son ancêtre bullet train … Le Shinkansen est le système de train à grande vitesse en service au Japon, dont le nom  nouvelle grande ligne  désigne aussi bien les trains que l'infrastructure. En 1964, à l'occasion des jeux olympiques de Tokyo, le Japon inaugure sa première ligne à grande vitesse. Avec des pointes à 210 km/h, le Shinkansen reliait Tokyo à Osaka en 4 heures. Aujourd'hui les 515 km qui séparent les deux mégapoles, sont réalisés en 2 heures et 25 minutes, la vitesse des trains pouvant atteindre les 320 km/h.

"Ce train à grande vitesse a contribué au développement économique, culturel et social du Japon avec le meilleur transport ferroviaire rapide au monde", s'est félicité Koei Tsuge, président de JR Tokai, compagnie aujourd'hui privée qui exploite la partie centrale du réseau ferroviaire national, entre Tokyo et Osaka, première ligne créée.

Plus de  200 rames circulent quotidiennement  entre Tokyo et Osaka, un véritable métro rapide dont le retard annuel moyen n'excède pas 30 secondes.

424.000 passagers empruntent chaque jour le Shinkansen sur ce trajet, contre  60.000 la première année. En un demi-siècle, le Shinkansen n'a connu ni accident, ni collision. Tout juste une rame est-elle sortie des voies à l'arrêt lors d'un fort séisme à Niigata en 2004.

D'ici 2027, JR Tokai envisage de mettre en service une ligne de train à sustentation magnétique qui permettra de relier Tokyo et Nagoya en 40 minutes, avec des trains circulant à une vitesse maximale de 500 km/h.

Ewa

Budapest – Téhéran : comme un nouvel Orient Express en octobre

Les amateurs fortunés de trains anciens et de destinations inattendues pourront bientôt assouvir leurs fantasmes à bord d’une rame de grand luxe,…  …le Golden Eagle Danube Express, circulant entre Budapest et Téhéran, et mise en place par une filiale des chemins de fer hongrois.

« Avec l’ouverture récente de l’Iran à l’Occident, nous avons pensé que le moment était venu », a expliqué lundi à l’AFP Marcella Beke, directrice des ventes de Nostalgia, le tour-opérateur dépendant de l’entreprise publique.

Le billet coûtera de 10 000 à 23 000 euros pour le voyage qui durera deux semaines, mais l’entreprise promet un service cinq étoiles aux passagers, avec notamment des boissons alcoolisées gratuites, « sauf en Iran, où l’on pourra commander des boissons fraîches et de la bière sans alcool ».

Le parcours s’étendra sur deux semaines et de multiples arrêts touristiques à travers la Hongrie, la Roumanie, la Bulgarie et la Turquie. Avant d’arriver à Téhéran, les voyageurs pourront encore découvrir les villes d’art iraniennes de Shiraz et de Persépolis.

Selon Marcella Beke, les soixante-dix places du premier voyage programmé le 15 octobre ont été réservées, pour l’essentiel par des passagers britanniques et australiens. Cinq nouveaux départs sont déjà prévus en 2015.

Ewa

La loco du Crime de l’Orient Express s’expose à l’Institut du Monde arabe

L’installation, de nuit, de la célèbre locomotive 230 G 353 sur le parvis de l’Institut du Monde arabe à Paris dans le Ve arrondissement, quelques jours avant …
   l’ouverture de l’exposition « Il était une fois l’Orient Express ». La machine, une Ten Wheels qui vient d’être restaurée par l’association APPMF, fut l’une des stars du film Le Crime de l’Orient Express de Sidney Lumet.

 « Il était une fois l’Orient Express », du 4 avril au 31 août, à l'Institut du Monde arabe.

Ewa

Déportation : Alain Lipietz entretient la « légende noire » de la SNCF

Dans un livre qui vient de paraître, Alain Lipietz, économiste et ancien député vert européen, revient sur l’épopée judiciaire qui oppose la SNCF à des victimes de la Shoah, dont son père.?L’historien Georges Ribeill nous livre ici sa lecture de l’ouvrage, relevant son intérêt mais aussi ses faiblesses. Jusqu’en 2001, la jurisprudence interdisait de demander réparation pour les actes du « gouvernement illégal de Vichy ». Mais une fois levée cette amnistie de fait, Georges Lipietz et son frère Guy S. s’empressèrent aussitôt de demander réparation pour leur transfèrement (1) de Toulouse à Drancy le 10 mai 1944. À l’issue d’une longue saga judiciaire, le 6 juin 2006, le tribunal administratif de Toulouse condamnait l’État et la SNCF à verser 15 000 euros d’indemnités à chaque déporté, à raison de deux tiers pour l’État et d’un tiers pour la SNCF. À l’inverse de l’État, la SNCF décidait de faire appel de ce jugement, enclenchant une nouvelle guérilla, terminée par un arrêt du Conseil d’État déclarant, en date du 21 décembre 2007, la justice incompétente. Cette longue épopée judiciaire, en quête de fixer la responsabilité propre de la SNCF, est ici relatée par le menu détail, de manière didactique et très vivante par Alain Lipietz, le fils de Georges, décédé en 2003, et qui reprendra son combat judiciaire. Un recours en justice jalonné de nombreux obstacles visant, avant même le fond, la procédure : débats casuistiques sur la compétence des tribunaux, sur l’immunité de l’État ou les délais de prescription. À moins qu’il ne s’agisse d’un oubli délibéré, l’auteur semble ignorer notre dossier développé dans la revue d’histoire de La Vie du Rail, Historail n° 4 (janvier 2008), où l’on s’efforçait de faire des mises au point que l’on espérait définitives. En vain, manifestement. Du coup, la démonstration de la culpabilité de la SNCF dont Lipietz ne doute aucunement, est fondée sur de multiples allusions ou hypothèses à charge, plutôt que sur des faits précis et bien documentés. Quelques exemples ? Si un courrier échangé entre Laval et le président de la SNCF évoque une facturation en raison de « la convention des transports de l’espèce », il s’agit de son règlement pour sa collaboration à la « mise en oeuvre de la Déportation », « de l’espèce » signifiant évidemment « des Juifs » (p. 33, p. 244) ! Une correspondance passée en 1943 entre Laval et le président de la SNCF, retrouvée par Christian Bachelier et publiée dans son Rapport achevé en 1995 (2), atteste des « décisions prises par la SNCF en matière de transport des détenus », agréées par le ministre Bichelonne : voilà donc ainsi appréhendée la SNCF « notifiant à ses cadres des règles de procédure pour la déportation des Juifs » (p. 246). Problème : rien ne permet de confondre ces « détenus transportés » avec les Juifs déportés, ce dont l’historien Bachelier, toujours prudent, plutôt insinuant, se garde bien ! Mais pour Lipietz, « convention de l’espèce » ou « décisions prises par la SNCF », voilà donc avec ces « deux archives » non retrouvées, de quoi accuser la SNCF de « dissimulation de preuves », de ces preuves si accablantes de son implication dans la Shoah !
Puisqu’accompli de bout en bout sur le sol français, le transfert de son père de Toulouse à Drancy constitue un « cas chimiquement pur de la participation strictement française à la Shoah » (p. 14), admettons à la limite, mais un transfert accompli « sous l’autorité technique de chefs de gare français » (p. 10) : que viennent donc faire ceux-ci ici ? Une fois de plus, Léon Bronchart serait le « seul cheminot “Juste parmi les nations” [faux, il y en eut d’autres] » « parce qu’il refusa de conduire l’un des convois de la honte » (p. 33) : autre erreur (3), c’était un transfert de détenus politiques à partir de la prison d’Eysses ; mais ayant par ailleurs caché chez lui des Juifs, Bronchart fut déclaré juste.
Des coups de fleuret tendancieux, mais aussi des accusations « massue » : « Il y eut de hauts dirigeants de la SNCF pour négocier avec les SS et avec le chef de la Police française, René Bousquet, les détails techniques de la Déportation [vrai en ce qui concerne les transfèrements, admettons en ce qui concerne les déportations]. Il y eut des dirigeants de la SNCF qui donnèrent l’ordre de ne pas arrêter les trains pour donner à boire aux malheureux [très douteux ! quelle source ?]. Il y eut des dirigeants pour prescrire de bien veiller, au passage de la frontière allemande, à récupérer les tinettes depuis longtemps remplies d’excréments, de peur que les Allemands ou les Polonais n’oublient de les renvoyer » (p. 32) : confusion certaine avec les consignes de l’été 1942 visant les trains de transfèrement au franchissement des gares de démarcation, Chalon-sur-Saône et Vierzon, les magasins des gendarmeries des deux zones ne pouvant pas apparemment échanger leurs matériels… Dans les trains de déportation, les tinettes étaient les mêmes de bout en bout !
Nous rejoignons plutôt Lipietz dans son chapitre consacré à « l’attitude des historiens français » après la publication du rapport Bachelier et le colloque de 2000 dévolus à la question : Henry Rousso « presque inhumain envers Kurt Schaechter et ses archives illégalement photocopiées », donc « condamnables » (p. 261, 264), qui ainsi n’auraient aucune valeur historique ! Annette Wieworka, avançant sans preuve que si les Lipietz avaient échappé à la déportation, c’était « grâce aux cheminots » (p. 265) ; avant de s’en prendre surtout au « cas Klarsfeld » pour le prompt revirement de son attitude : condamnant moralement en 2000 la SNCF, mais bénéficiant ensuite des fonds versés par la SNCF au Mémorial de la Shoah (p. 267), mieux encore sans doute, de l’aide à sa propre Association des Fils et Filles des déportés juifs de France sous la forme d’expositions itinérantes dans les grandes gares. Ainsi, résume justement Lipietz, « une sorte d’indulgence plénière aurait été accordée à la SNCF, en échange du financement des initiatives mémorielles des associations » (p. 268) ; indulgence convertie en défense même lorsque, face à la meute des plaignants américains mobilisés dans une class action (recours collectif en justice) l’avocat Arno Klarsfeld, le fils de Serge, deviendra le « lobbyste-conseil de la SNCF à New York ».
Mais emporté dans sa diatribe contre Serge Klarsfeld qui, en janvier 2011, s’explique – « Depuis 2000, j’ai trouvé de nombreuses factures qui montrent que la SNCF n’a pas été payée [sic] et que les trains employés étaient allemands » (p. 271) –, Lipietz rétorque par une affirmation aussi catégorique qu’étonnante, mais dont aucune source n’est mentionnée : « Cela fait longtemps qu’il est établi (y compris par Serge Klarsfeld) que la SNCF facturait à l’agence de voyages de la Reichsbahn (laquelle refacturait au RHSA (4)) les transports Drancy – Auschwitz demandés par la HVD (5), et facturait aux Français les transferts province – Drancy… » Selon les travaux de référence sur la question de Raul Hilberg (1985) (6), les trains expédiés aux camps d’extermination sont facturés et réglés entre autorités allemandes, entre le Commandement militaire en France pour le parcours français (dépense réimputée à la France à titre de dépenses d’occupation), et la Police de la sécurité pour le parcours allemand, au prix de palabres diverses. S’agissant de la facture des trains de transfert province – Drancy, à quelle source ou document fait donc allusion Lipietz ?
Ce que l’on doit reprocher dans les arguments avancés par Lipietz ne lui est pas propre, et dans cette affaire, sans cesse, les diverses parties se battent en brandissant des mots accusateurs d’un côté – « wagons à bestiaux », « factures » –, des mots défensifs de l’autre, – « contrainte allemande », « réquisitions » – : des mots sans cesse lancés d’un camp à l’autre sur la scène médiatique comme devant les prétoires, tant en France qu’aux États-Unis, mais dont le souci de l’examen critique et de la véracité historique échappe aux deux parties. Leurs avocats respectifs n’ont que faire de la vérité historique, arc-boutés dans leur bras de fer sur des prétendus documents à charge ou décharge, « factures de la SNCF » versus « réquisitions de la SNCF », mais tout aussi invisibles les uns que les autres, faute d’avoir tout simplement existé d’après nos recherches !!! S’il y a une facture de la SNCF « coupable », c’est celle qui est évoquée dans le dossier d’Historail précité (p. 83) : facture impayée « pour le transport d’Israélites allemands du camp des Milles [alors en zone libre] à Chalon-sur-Saône, à destination du camp de Drancy au mois d’août 1942 », une facture dont la SNCF demande toujours le règlement au printemps 1945, au lieu de la passer « par pertes et profits » !
Comme le fait Lipietz, il faut rendre hommage à Kurt Schaechter. C’est lui qui le premier ouvrit en 1992 la boîte de Pandore, qui exhuma des cartons d’archives départementales toulousaines, à la fois les consignes préfectorales et policières de l’été 1942 visant les rafles et transferts des camps de la zone libre sur Drancy, mais aussi quelques factures pour des transports ferroviaires depuis le camp de Noé en 1944. S’agissant de ces dernières, jusqu’à preuve du contraire, la SNCF a pu établir avec le concours d’une archiviste missionnée, qu’il s’agissait d’une série de transferts de tous petits groupes de détenus aux statuts divers, dispersés vraisemblablement vers des sites français pour y constituer un appoint de main-d’œuvre, tels des chantiers Todt. Mais Kurt Schaechter, révolté par toutes ces découvertes, emporté par sa passion irréfléchie et son énergie combative inépuisable, perdit en sorte la raison, je veux dire toute objectivité historique, amalgamant tous ces faits pour voir en la SNCF une entreprise maudite et coupable, facturant en tous temps et en tous lieux tous ses transports de Juifs, tant ses transfèrements franco-français que les déportations vers l’Allemagne. Ainsi, livrant à qui voulait toutes ses photocopies « rephotocopiées » à l’infini comme des petits pains, allait-il servir à tous les plaignants suivants de référence morale et de tremplin judiciaire, sans que ceux-ci s’attardent sur ses confusions objectives qu’à lui seul on pouvait pardonner. Lui, l’humaniste Schaechter dont Lipietz rappelle « la blessure rouverte jusque dans les derniers mois de sa vie », entretenue par son vain combat judiciaire pour obtenir de la SNCF quelques excuses et un euro symbolique ! Un enjeu moral et éthique, à mille lieux des réparations pécuniaires escomptées par tous les autres plaignants…
À l’évidence, le talent reconnu d’intellectuel engagé et de remarquable débatteur d’Alain Lipietz nous vaut un ouvrage brillant dans la forme, qualifié d’ « essai », mais qui n’échappe pas au péril bien cerné par l’auteur lui-même, piégé par sa propre affectivité : « Il n’est pas facile de se faire historien d’une mésaventure de son propre père. Le risque de parti pris est évident. L’amour familial peut conduire à prendre pour argent comptant ce qui est devenu roman familial. » Voici donc un roman familial contribuant assurément à entretenir la « légende noire » d’une SNCF dont le lourd crime est ainsi précisément identifié (p. 256) : « Par accord avec les objectifs antisémites de la Révolution nationale vichyste, ou par goût du lucre, par discipline d’appareil ou par ambition de carrière, par orgueil professionnel mal placé ou par soumission à la rationalité instrumentale, elle collabora, en tant qu’agent direct d’un ensemble de mauvais traitements ayant souvent entraîné la mort, en vertu d’actes dits lois françaises, à la perpétration de la Shoah, par des Français, sur le sol français, sur des rails français, dans des wagons français ». Une SNCF prétendue criminelle, jugement que son profond mutisme tend à accréditer dans l’esprit de ses accusateurs.

Georges RIBEILL

 

(1) Tel est le terme administratif exact pour désigner les transferts de détenus organisés par l’administration française sur son propre territoire, de la zone libre à la zone occupée notamment. Rien à voir donc du point de vue juridique et logistique avec les déportations en territoire allemand.
(2) La SNCF sous l’occupation allemande, 1940-1944, Tome 1, p. 459.
(3) Erreur commise dans le Dictionnaire des Justes de France (Fayard et Yad Vashem, 2003) et reproduite couramment depuis !
(4) RHSA : Bureau central de la sécurité du Reich.
(5) HVD : Hauptverkersdirecktionen, direction des chemins de fer allemands en France.
(6) Raul Hilberg, La destruction des Juifs d’Europe, trad. fr., Folio Histoire, 1991, Tome 2, p. 555-556.

 

La réponse d'Alain Lipietz :
Enquête et histoire : le cas SNCF et la Shoah

Ewa

Enquête et histoire : le cas SNCF et la Shoah

En réponse à l’article de l’historien Georges Ribeill, publié dans La Vie du Rail du 4 janvier, consacré au livre d’Alain Lipietz " La SNCF et la Shoah", ce dernier nous adresse le courrier suivant. Sous un titre dévastateur, « Alain Lipietz entretient la “légende noire” de la SNCF », La Vie du Rail du 4 janvier publie une recension par Georges Ribeill de mon livre La SNCF et la Shoah (éditions Les Petits Matins), sur le procès en réparation que mon père et mon oncle intentèrent à l’État et la SNCF pour leur transfèrement et internement, de Toulouse à Drancy. Cette action s’acheva par une condamnation des deux institutions, puis, s’agissant de la SNCF, la justice administrative se déclara incompétente. Mon livre, explicitement, se restreint à ces cas des « transferts » franco-français à partir de la zone sud : la participation de Vichy à la destruction des Juifs de France.
Mon collègue de l’Ecole des ponts et chaussées, dont je cite élogieusement les contributions dans mon livre, me reproche d’abord de ne pas avoir lu son dossier de Historail de 2008. J’ignorais ce dossier et je le regrette, car il apporte un élément nouveau : j’y reviendrai. En revanche, je ne peux souscrire à l’idée que ce dossier ferait les « mises au point que [il] espérait définitives ». Deux ans auparavant, Raoul Hilberg déclarait qu’on ignore 80 % de ce qu’il faudrait savoir sur la SNCF et la Shoah ! Et je doute qu’existerait, même en sciences exactes, de « mise au point définitive ».
Si Georges Ribeill vante mon analyse du procès G. Lipietz, il se montre ensuite très critique sur les chapitres que je consacre au fond : la part d’autonomie et de responsabilité propre de l’État et la SNCF vis-à-vis des Allemands. Je pars pourtant de sa thèse sur la « négociation tripartite permanente » nazis-Vichy-SNCF, m’appuyant aussi sur Hilberg et Klarsfeld, sur l’historien allemand U. Herbert, sur le rapport Bachelier, sur le fond d’archives Schaechter, etc. Il me reproche curieusement de ne pas citer mes sources, jetant un ombre sur le sérieux de mon enquête. Que les futurs lecteurs de mon livre se rassurent : toutes les références sont fournies ! Mais dans le cas du rapport Bachelier, mis en ligne en 1999, les « onglets », tel que le 4-3-1 sur la facturation, couvrent parfois des dizaines d’écrans. Tel détail a pu échapper à la lecture de Ribeill…
Par exemple : ces lettres de cadres SNCF protestant contre les organisations caritatives qui cherchent à donner à boire aux transportés, opposition qu’approuve encore le directeur général de la SNCF… en 2006 ! Les télégrammes de Bousquet avaient pourtant prescrit, suite aux négociations SNCF-Vichy (Schütz-Couty) sur l’organisation de ces convois, de prévoir de l’eau. Ce point, le refus de l’accès à l’eau, sur de trajets que la SNCF maîtrise, une torture souvent mortelle et contraire à ses devoirs de transporteur public, constitue sa plus claire « faute de service » et entraînera la condamnation de la SNCF en 2006.
Plus étonnante est la méconnaissance par Georges Ribeill du fonds Schaechter. La fameuse facture d’août 1944 de la SNCF à la préfecture de Toulouse, qui rappelle en termes menaçants l’existence d’une « convention des transports de l’espèce », précise explicitement son objet : « camps d’internement, centres de séjour surveillés, internés, expulsés, etc. ». Et, en dépit des doutes de Ribeill dans Historail, le rapport du gestionnaire du camp de Noé au préfet de la France libérée reconnaît qu’il manque une partie des justificatifs correspondants. Mais la République paie quand même la SNCF ! Les victimes auront moins de droits que les bourreaux…
C’est évidemment sur le contenu de cette « convention », de nature commerciale, qui n’a pas encore été retrouvée, que porte le fond du débat. Je cite une lettre de 1943 de Fournier, son président de l’époque, à son ministre de tutelle précisant qu’il n’a « pas d’ordre à recevoir du chef allemand des transports mais uniquement de vous », mais il reste à éclairer le partage des responsabilités entre la SNCF et Vichy dans l’organisation de ces transports. Et là, je cite une seconde pièce capitale, découverte par Bachelier : le témoignage du ministre Bichelonne sur une lettre de Fournier à Laval, actant un accord verbal sur « les conditions de transports des prisonniers », accompagnée d’instructions aux cadres régionaux de la SNCF. Bachelier note sévèrement que cette lettre aussi est introuvable à l’endroit correspondant des archives SNCF…
Georges Ribeill objecte qu’il pourrait ne pas s’agir des prisonniers politiques ou raciaux. Donc des droits communs ? Certes. Possible… C’est le problème dans toute science, qu’il s’agisse de la Shoah, du climat ou de l’évolution : un « fait » isolé, hors contexte, ne prouve rien. Et là, il faut parler méthode. Chercheur comme Ribeill, je connais la méthodologie de la preuve historique dans les cas où sont rares archives ou fossiles. Je fais explicitement allusion à la paléontologie, telle que définie par G. Lecointre : rechercher la reconstitution la plus vraisemblable, selon le principe de parcimonie.
Je rappelle que les dirigeants de la SNCF nommés par Vichy sont évidemment partisans de la Révolution nationale, je signale leur disposition à participer à la Shoah française (Fournier a aussi présidé le SCAP, embryon du Commissariat général aux questions juives !) J’analyse sur quelle base légale ces hauts technocrates ont pu acheminer des dizaines de milliers de prisonniers, entassés dans des conditions inhumaines ayant souvent entraîné la mort, et des séquelles au moins psychologiques chez la plupart. Or un article précis existe, depuis 1937, dans le cahier de charge de la SNCF, sur le transport des droits communs ! Et il ne couvre justement pas le cas des « politiques et raciaux ». Pas plus que ne le fait le droit de la réquisition, ni les conventions existantes, y compris avec les Allemands (convention de Bamberg, convention pour les transports en zone sud). Donc il faut un nouvel accord pour « couvrir » ces transports criminels. D’où la négociation Fournier-Laval et la « convention des transports de l’espèce ». J’en déduis qu’ont dû exister des lettres, internes à la SNCF, appelant à une couverture légale, et j’imagine dans mon livre leur contenu… Et voici que je découvre, dans le dossier Historail, une de ces lettres, suivie de l’annonce qu’une convention SNCF – État à ce sujet est bien envisagée dès 1942 ! Que Georges Ribeill en soit remercié. Espérons que la recherche sur la SNCF et la Shoah couvrira un jour, grâce à l’effort commun, les « 80 % qu’il reste à connaître », selon Hilberg.
Un dernier point : Georges Ribeill semble récuser la jurisprudence internationale sur les crimes contre l’humanité, qui prescrit une « réparation symbolique et matérielle, collective et individuelle ». À ses yeux, cette dernière exigence serait immorale. Pour avoir passé une bonne partie de mes dix dernières années à défendre ce droit à réparation matérielle des victimes des dictatures et guerres civiles du Pérou, de Colombie ou d’Argentine, je dois dire mon profond désaccord. Mais c’est un sujet en soi, dont je discute en conclusion de mon livre.

 

Alain Lipietz

 

La réponse de Georges Ribeill

Ewa

Déportation : La réponse de Georges Ribeill

Voici une nouvelle pierre apportée au débat passionné que se livre Alain Lipietz et Georges Ribeill. Dimanche 8 janvier

Cher confrère chercheur,

Je continue à préférer dialoguer par écrit, car cela impose de bien choisir et peser ses mots. Un simple rappel sur ma position de principe constante : Il ne faut pas confondre les responsabilités au sens politique (et donc les responsabilités juridiques qui en résultent) des acteurs impliqués dans les transferts entre camps français avec celles des acteurs concourant aux déportations vers l’Allemagne (transports toujours effectués sous contrôle policier allemand). Etes-vous d’accord au moins sur ce point de fond  avec moi ?

Je reprends vos divers points de vue :

– « Mon dossier s’efforce de faire des mises au point que j’espère définitives » : OK, c’est très présomptueux de ma part !
– Je ne vous ai jamais critiqué pour « ne pas citer vos sources » (entendu « en général »). Je relis mon papier : je vous interpelle une seule fois à ce sujet : « Il y eut des dirigeants de la SNCF qui donnèrent l’ordre (quelle source ?) ».  Je ne me rappelle pas avoir lu ce fait énoncé quelque part, ce qui m’aurait frappé ! mais peut-être n’ai-je pas tout lu et comme vous dites, « ce détail a pu m’échapper ». Je suis donc très intéressé par la référence de votre source (Bachelier ?).
– De même, je suis preneur de vos sources concernant « les lettres des cadres protestant contre les organisations caritatives ».
– Je connais fort bien les photocopies Schaechter : les « transports de l’espèce » sont des convois au départ de camps français, vers d’autres, et relève d’une convention commerciale SNCF / Intérieur que  nous recherchons tous ! Négociée entre Laval et Fournier, cette convention à l’évidence, devait traiter de tous les « transférés » possibles (droit commun et autres multiples catégories d’internés, dont les « IAPT », etc.) et non pas « des déportés ».

Autrement dit, la SNCF a bien facturé (à juste droit) tous ces trains franco-français. Telle la facture réclamée en 1945 pour un convoi impayé de Juifs des Milles sur Drancy l’été 1942. Quant à cette réclamation fort tardive de la part de la SNCF, elle m’interpelle évidemment : venant d’un petit employé de bureau zélé et inconscient (probable) ? ou d’instructions venues de plus haut, « tout est bon à prendre en impayés, y compris le règlement de ces tragiques convois accomplis durant l’occupation pour le Ministère de l’Intérieur » (douteux) ?)

– D’où l’intérêt que j’ai porté à cette pièce d’archive de la SNCF (Historail, p. 86), consultation de la Direction juridique l’été 42 par les Services du Mouvement sur le droit de bousculer par le ministère de l’Intérieur, le régime des priorités des trains commerciaux : nous sommes alors en zone libre, mais il s’agit bien, il me semble, d’assurer la priorité absolue pour disposer de ces trains de transfèrement dirigés sur Drancy : là-dessus, j’écris clairement que c’est en l’état une hypothèse. Inversement à votre rebond qui en fait instantanément une pièce  d’accusation de plus, cette convention devant régir selon vous les trains de déportés   

– Je ne sais pas si j’ai « semblé récuser » la jurisprudence internationale pour ses réparations « individuelles » : tel n’est pas mon propos ! Je n’ai rien à dire au plan judiciaire et jurisprudentiel, étant incompétent ! La seule chose qui m’intéresse, c’est d’apprécier en effet comment la SNCF (dans ses divers étages hiérarchiques) a concouru matériellement et moralement à la chaîne logistique achevée dans les camps outre-Rhin.

Son point vulnérable à mes yeux, ce sont bien « les fautes de service » (expression que je reprends volontiers à mon compte) qu’elle a acceptées de commettre l’été 42 dans ses convois en zone libre, au lieu de freiner, résister, en brandissant quelques règlements opportuns s’opposant ou améliorant le transport de ces juifs dans des conditions inhumaines (quoiqu’encore bien douces par rapport à ce qui s’ensuivra) qui indignèrent au moins le capitaine de gendarmerie Annou !

Voilà donc ma réponse de fond à votre texte, conçus l’un et l’autre  je pense comme un dialogue fécond, en quête de contribution au comblement du trou de « 80 % » admis par Hilberg. Une fois réglées ces délicates « passes d’armes » que j’espère paisibles, on pourra se rencontrer sans problème et continuer à discuter autour d’un verre. J’ai la réputation d’être un historien « passionné », qui risque de s’emporter peut-être trop facilement parfois dans le dialogue : d’où la préférence en priorité à ces lignes rédigées en écho à votre point de vue. Un dialogue que j’espère fécond, bien préférable au retranchement de la SNCF !!!

 

Bien cordialement,

Georges Ribeill