Ce que l’on pressentait depuis un article publié mi-août par Mobilettre a été confirmé le 18 septembre par la SNCF : face à Alstom, seul autre candidat, le constructeur ferroviaire espagnol CAF et sa filiale française ont été déclarés attributaire pressentis pour l’appel d’offres des nouveaux trains Intercités à 200 km/h.
Ce marché, qui comprend une tranche ferme de 28 rames automotrices « de moyenne et longue distance », à laquelle s’ajoute « un maximum de 75 rames en tranches optionnelles ». Estimée autour de 700 millions d’euros, la tranche ferme est destinée aux lignes Paris – Clermont-Ferrand et Paris – Limoges – Toulouse, alors que 15 des rames en option « pourraient desservir l’axe Bordeaux – Marseille ». Les livraisons sont attendues à partir de 2023.
Après une série de commandes passées à Alstom dans le cadre de marchés antérieurs (15 TGV initialement prévus pour Bordeaux – Marseille et 64 Coradia Liner V160 bimodes ou électriques), la SNCF a lancé cet appel d’offres pour les trains Intercités il y a maintenant 18 mois. Résultat : « l’offre de CAF s’est avérée être la meilleure sur les critères de performance technique, d’innovation, et de coût », selon le communiqué de la SNCF diffusé le 18 septembre. La veille, après examen de ce résultat, le comité de pilotage réunissant la SNCF et l’Etat s’est prononcé en faveur de l’offre du constructeur espagnol CAF et de sa filiale française. Reste au conseil d’administration de SNCF Mobilités à entériner ce choix le 24 octobre.
Deux cent cinquante emplois pourraient alors être créés sur le site industriel CAF de Bagnères-de-Bigorre (Hautes-Pyrénées), qui partagerait avec l’usine de Beasain (Pays Basque espagnol) la réalisation des futures rames Intercités. Non seulement cette commande représenterait une garantie de l’emploi sur l’ancien site Soulé de Bagnères, repris par CAF en 2008 et récemment choisi pour assurer la rénovation de 43 rames MI2N de la RATP, mais il le transformerait en un « campus industriel » regroupant une usine moderne et un centre de formation : « 11 000 m2 d’ateliers nouveaux seraient construits sur un projet de rénovation total de 20 000 m2 », précise le communiqué de la SNCF, annonçant « plus de 30 millions d’euros d’investissements nouveaux par CAF ». Pour ce dernier, il s’agit du premier contrat depuis son implantation en France pour du matériel roulant neuf destiné au réseau ferré national, après des autorails pour voie métrique (Corse, Provence), des tramways (Nantes, Besançon, Saint-Etienne) et des locomotives bimodes pour la RATP.
« Je tiens tout d’abord à féliciter les responsables de CAF pour l’obtention très probable de ce marché XXL », a déclaré Carole Delga, présidente de la région Occitanie, prévenue du résultat de l’appel d’offres par Guillaume Pepy. « Un pôle mondial de production ferroviaire se structure en Occitanie. Le site de Bagnères-de-Bigorre va passer de 100 à 350 personnes. S’ajouteront également de nombreux emplois indirects pour répondre à cette commande qui va largement bénéficier à l’économie française. » Carole Delga a ajouté que « la région Occitanie accompagne CAF France, ses dirigeants et ses salariés, que j’ai rencontrés lors d’une réunion de travail sur site en décembre 2016, dans l’extension de leur outil de production : une première aide régionale de 80 000 euros a été versée en 2016 et une nouvelle subvention de 160 000 euros est prévue en décembre prochain ». Pour autant, la présidente n’oublie pas Alstom : « Je tiens également à rappeler ma volonté, avec un investissement de 33 millions d’euros de la région Occitanie, de faire naître aux côtés de la SNCF, le futur TER à hydrogène sur le site d’Alstom à Tarbes, après avoir soutenu l’expérimentation en cours du train hybride. »
Il n’empêche que chez Alstom, en particulier sur le site de Reichshoffen (Bas-Rhin), la victoire annoncée de CAF passe très mal. Au cours des dernières semaines, des représentants syndicaux au PDG Henri Poupart-Lafarge, tous ont agité le thème de la préservation de l’emploi en France. Propos largement repris par les médias.
Selon Alstom, la commande de trains Intercités représenterait « dix années d’activité », avec les options, pour le site de production de Reichshoffen et les sites qui fabriquent les composants. Actuellement Reichshoffen produit des Régiolis et des Coradia Liner V160, tout en rénovant les rames MI84 de la RATP, avec une visibilité sur le plan de charge jusqu’en 2023. Des sites « français », qu’Alstom oppose à « des trains fabriqués en Espagne »… en omettant d’évoquer la contribution de ses sites implantés hors de France. Vérité au pied des Pyrénées, erreur en Alsace…
Patrick Laval
200 km/h et des équipements de haut niveau
Les futures automotrices pour les dessertes Intercités sont spécialement étudiées pour les distances moyennes et longues sur les lignes classiques électrifiées (1,5 kV courant continu et 25 kV 50 Hz) du réseau ferré national. Elles devront atteindre une vitesse maximale de 200 km/h en proposant « un haut niveau de confort et d’équipement : sièges ergonomiques, accès autonome pour toutes les personnes à mobilité réduite depuis les quais et à l’intérieur du train, Wi-Fi, prises et ports USB, espaces pour dix vélos, espace logistique pour une restauration ambulante de qualité… »
Par rapport à l’appel d’offres que la SNCF avait lancé il y a 20 ans pour le remplacement des trains Corail par des rames pendulaires sur Paris – Limoges – Toulouse, voire Paris – Clermont-Ferrand, on notera que les ambitions ont été revues à la baisse : on prévoyait alors une vitesse maximale de 220 km/h et la possibilité de circuler à 250 km/h sur LGV.